© BELGA (DAVID CATRY)

EURO 2022 de football féminin : le grand 8 pour les Red Flames (Analyse+vidéos)

Aurelie Herman
Aurelie Herman Journaliste pour Sport/Foot Magazine

Au prix d’une résistance incroyable face à des Italiennes en manque d’efficacité devant le bloc belge, les Red Flames ont validé leur billet pour un quart de finale historique. Et rappelé l’importance de procéder à de véritables investissements pour poursuivre le développement du foot féminin dans le Royaume.

Louvain, Flame Village, 22h58. Notre envie à cet instant précis de l’Histoire ? Contacter au plus vite notre cardiologue. Voire notre ophtalmo. Car on n’est toujours pas sûre d’avoir bien vu ce que les Red Flames sont parvenues à aller chercher : un quart de finale de l’EURO, ni plus ni moins. Le premier de leur histoire, arraché en s’offrant un succès de prestige contre l’Italie (0-1), l’une des nations qui a le plus progressé ces cinq dernières années. Oui, les Red Flames sont en quarts de finale d’un grand tournoi international. Soit l’objectif affiché par le groupe en amont de la compétition, mais que beaucoup (nous y compris, on ne va pas s’en cacher) regardaient avec scepticisme. Surtout après une préparation pas franchement convaincante.

Mais voilà, dans cet EURO, Tessa Wullaert et consorts sont parvenues élever le curseur. Passé un match en demi-teinte contre l’Islande pour régler la mire (1-1), elles ont livré une prestation pleine de courage face à la France, l’un des ténors européens (défaite 2-1). Avant de remettre ça face à une Squadra qui n’a jamais réussi à faire sauter le verrou. Un verrou nommé Nicky Evrard, à nouveau élue « Flame of the Game », en état de grâce depuis le début des hostilités (et bien aidée par son montant à la 52e ce lundi). Une Nicky Evrard en mode « Thibaut Courtois vs le Brésil 2018″, dont on se demanderait presque si elle ne regrette pas d’avoir officialisé avec OHL avant l’EURO, elle qui ne cesse d’asseoir son autorité dans son rectangle depuis le 10 juillet dernier, au point peut-être d’avoir tapé dans l’oeil de clubs plus prestigieux…

Coeur de Flammes

Mais ce verrou, il s’est trouvé consolidé par l’énorme esprit d’équipe qui anime cette sélection. « J’ai été surpris de la façon dont elles ont réussi à se construire en tant que groupe, alors qu’elles ont chacune des parcours différents », expliquait Roberto Martínez à la presse belge en marge de la rencontre. Des mots qui résonnaient déjà dans la bouche de Tine De Caigny, la buteuse que l’on attendait plus après sept matchs de disette. « La force de notre groupe, c’est sa complémentarité. On n’est pas qu’une accumulation d’individualités », expliquait-elle en novembre 2020. Et de fait, comme contre les Bleues, c’est avec un coeur gros comme ça et les tripes que les Flames ont joué. Sans développer des trésors de football (surtout offensivement), en étant dominées (plus de vingt tirs concédés à nouveau…), mais en résistant envers et contre tout aux multiples offensives adverses dans la fournaise de Manchester (34 degrés encore dans la soirée !)

Sans doute un jour faudra-t-il songer à embaumer les mains d’Evrard, le cerveau de Wullaert, les pieds de Sari Kees ou encore la tête de Justine Vanhaevermaet à l’heure de leur trépas. « Justine la Grande », toujours là pour faire le ménage dans le rectangle du haut de son mètre 86. Un esprit de corps qui avait poussé Janice Cayman à s’adresser à De Caigny, en difficulté lors des deux premières rencontres, mais déjà plus à l’aise un cran plus bas sur l’échiquier. « Certaines joueuses étaient nerveuses avant la rencontre », racontait ainsi la numéro 11 belge au micro de l’UEFA. « J’ai parlé à Tine, je lui ai dit que ce soir, c’était son soir. Et regardez, elle a marqué ! » Une « Jaja » dont l’émotion était visible au coup de sifflet final, elle qui a tout connu avec les Flames, des vols Ryanair pris à l’arrache à 6 heures du matin à Charleroi pour limiter les frais aux ors actuels.

L’exception belge

« On n’est que 20% de semi-pros. Imaginez ce qu’on pourrait faire avec 100 %… » Les mots sont signés Tessa Wullaert, moins présente au ballon face à l’Italie, mais qui n’a cessé de courir pour le récupérer et imposer le tempo. Qu’on se le dise, structurellement, ce que viennent d’accomplir les Belges n’est pas « normal ». Pas pour un groupe composé majoritairement de joueuses non professionnelles (une rareté dans ce tournoi). Plutôt que de rabâcher ce constat, les Flames l’ont balayé pour miser sur leurs qualités. Et sans excès de respect, comme cela avait trop été le cas par le passé. Et ça, c’est peut-être ce qui change tout. Si tout le monde ne bénéficie pas d’un cadre 100% pro dans son club, l’ensemble des joueuses semble avoir pris la mesure du talent et du potentiel dont recèle ce groupe.

Il n’empêche, cet exploit forgé au caractère est le signal qui ne doit plus laisser le choix l’ensemble du football belge : investissez réellement sur vos joueuses ! On parle de la Fédération, mais aussi des clubs eux-mêmes, qui ne peuvent désormais plus détourner les yeux : il va leur falloir mettre la main au portefeuille pour financer comme il se doit leurs ailes féminines. Et on parle ici de vrais budgets, pas des quelques centaines de milliers d’euros lâchées en début de saison et censées faire vivre toute une section et une académie cornaquées par de vrais passionnés, qui bossent comme des dingues dans l’ombre depuis trop longtemps.

Oui, il y a un énorme potentiel dans cette équipe. Avec une nouvelle génération ambitieuse et mieux formée, symbolisée par Sari Kees et ses vingt-et-un ans. Elle qui ne devait être à la base que le back-up d’Amber Tysiak est LA révélation belge pour le moment. Profitant d’une préparation magistrale suite à un bobo de Tysiak aux adducteurs, la Louvaniste s’est installée au coeur de la défense. Et a rendu une copie quasi parfaite contre l’Italie, grâce à son intransigeance derrière (c’est elle qui dévie le tir de Valentina Giacinti en fin de match) et ses sorties de balle audacieuses. Une perf’ récompensée par un titre de Joueuse du Match accordé par l’UEFA. Une copie d’autant plus propre qu’elle a parfois évolué sur son mauvais pied, la faute à l’absence de la gauchère Laura De Neve, autrice d’un bel EURO jusque-là, mais préservée suite à une petite blessure musculaire.

Au moment de boucler ces lignes, on ne peut s’empêcher de se rappeler d’autres paroles signées Tine De Caigny, juste avant la qualif’ pour l’EURO, en fin d’année 2020. « On ne peut plus se contenter de se qualifier. […] Donnez-nous du temps et vous allez voir une très bonne équipe. » Donnez-leur aussi des structures adéquates, des horaires d’entraînements et des salaires décents, et Dieu sait ce que les Red Flames pourront sortir à l’avenir. L’avenir, c’est ce vendredi 22 juillet à 21 heures qu’il s’écrira, face à la Suède, vice-championne olympique et numéro 2 mondiale. Et peut-être encore un peu plus l’histoire du foot belge, aussi, dans un quart de finale où les Red Flames n’auront rien à perdre. Ce qui leur réussit plutôt pas mal jusqu’à présent…

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