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Opération « Mains Propres »: « On aura encore de grandes suprises qui vont arriver »

Steve Van Herpe
Steve Van Herpe Steve Van Herpe est rédacteur de Sport/Voetbalmagazine.

L’opération « Mains Propres » est soudainement de retour dans l’actualité. Nous avons posé trois questions à Kristof De Ryck, qui a suivi l’affaire depuis le début pour Sport/Foot Magazine.

1. On avait l’impression que l’opération « Mains propres » allait mourir tranquillement, mais ces derniers jours, il est clairement apparu que l’enquête arrivait dans sa phase finale après trois ans. Pourquoi a-t-elle été si longue ?

Kristof De Ryck :« Lorsque le parquet fédéral a allumé la mèche il y a trois ans, il savait que l’explosion serait grande, mais pas que la quasi-totalité du football professionnel belge partirait en fumée. Cela s’explique par la décision du personnage clé, Dejan Veljkovic, de devenir un repenti. Il a alors raconté aux enquêteurs tout ce qu’il savait. Toutes ses déclarations ont donné lieu à une importante enquête financière. Une telle enquête est par définition complexe, me dit-on. Lorsque, ces dernières années, le silence régnait autour de l’opération « Mains propres », la question s’est posée de savoir dans jusqu’où le tribunal d’instruction allait poursuivre cette histoire. Car cette affaire n’est évidemment pas le seul chat que le procureur fédéral doit fouetter. Il doit également traquer les trafiquants d’êtres humains et de drogue et accomplir toutes ces tâches avec des ressources et des moyens limités. »

Dejan Veljkovic
Dejan Veljkovic© belga

« Cette affaire devrait rapporter plusieurs millions à l’Etat belge par le biais des règlements à l’amiable et des amendes. « 

« On se demandait si les enquêteurs allaient investir beaucoup de temps dans cette affaire et s’ils iraient loin ? Est-ce qu’ils traiteraient l’affaire en ciblant un nombre limité de joueurs et de clubs clés ? On dirait qu’ils ont choisi de ratisser large, sans doute, parce que la société dans son entiereté est devenue la victime de toutes sortes de montages. De cette façon, les enquêteurs montrent au gouvernement comment des investissements supplémentaires dans leurs recherches peuvent s’avérer très rentables. »

2. Êtes-vous surpris par les histoires qui sortent maintenant ?

Kristof De Ryck: « On savait déjà que cette affaire affecterait le football professionnel de manière importante. Mais maintenant que des noms et des pratiques concrètes sont cités, cela marque plus les esprits. Apparemment, ce n’est pas l’histoire de quelques pommes pourries qui, indépendamment les unes des autres, sont entrées en contact avec d’autres protagonistes. Petit à petit, on découvre tout un environnement qui savait très bien ce qui se passait dans la compétition et dans ses propres rangs. On dessine l’image d’un ensemble de personnes assises ensemble sur une branche pourrie que personne ne voulait scier. Un monde plein de relations toxiques que beaucoup utilisent à leur avantage. Ils ont bien dû rire du « obligation de déclaration » mentionné dans les règlements de la fédération. »

« Je suppose que de plus grandes surprises vont arriver. »

« J’ai entendu dire que les enquêteurs sont tombés de leur chaise plusieurs fois ces dernières années. Ils se doutaient que le monde du football professionnel était mal en point, mais ils ne pensaient pas qu’il était aussi pourri. Néanmoins, ces enquêteurs sont habitués à beaucoup de choses. Je suppose que de plus grandes surprises vont encore arriver. Je pense que les révélations du reportage de la RTBF « Le milieu du terrain » de mercredi sont principalement basées sur des déclarations de Veljkovic que le tribunal lui-même ne peut pas encore utiliser, car elles ne peuvent être prouvées. Probablement qu’il y aura un grand nombre d’accusations que le tribunal d’instruction pense pouvoir prouver. Pourra-t-on séparer le bon grain de l’ivraie ?« 

3. Le football belge n’est plus vu d’un bon oeil. Comment peut-il retrouver sa crédibilité ?

Kristof De Ryck:« L’avocat Grégory Ernes que l’on voit dans le documentaire de la RTBF le dit avec beaucoup de justesse : « Il faudrait changer le modèle économique de A à Z » avant d’ajouter « Quelque chose qui n’arrivera probablement jamais car il y a beaucoup trop d’argent en jeu ». Le grand intérêt du public fait qu’autant d’argent est investi dans le milieu du foot. Tous ces fans qui sponsorisent le football professionnel en achetant des billets, des maillots et des écharpes et en continuant à payer pour pouvoir regarder les matchs à la télévision chez eux. Bien qu’ils commencent à avoir l’impression de payer cher pour suivre un championnat parfois truqué, la majorité de ces supporters n’envoie toujours pas un « signal fort ».

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null© belga

« La majorité des supporters n’envoie toujours pas un signal fort. »

« Au contraire : lorsque le FC Malines a été condamné pour avoir truqué des matchs dans cette affaire, l’ensemble des supporters « Sang et or »ont soutenu le club comme un seul homme. Même dans les clubs qui continuent à travailler avec Mogi Bayat, malgré sa réputation sulfureuse, les supporters ne s’agitent guère. C’est pratique pour les dirigeants de club qui doivent parfois mettre en balance une Rolex avec les intérêts du club. Si les supporters ne donnent pas un coup de pied dans la fourmilière, il faut espérer que les tribunaux sauront faire le ménage dans ce milieu malsain. Une action policière à grande échelle et un repenti n’ont apparemment pas suffi à faire évoluer les mentalités. Nous devrons attendre pour constater si les procès et les sanctions qui arriveront peuvent changer quelque chose. »

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