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La vérité sur les gros problèmes financiers du Standard

La Comission des licences n’a pas octroyé son sésame au Standard. Il y a deux semaines, Sport/Foot Magazine faisait déjà état des gros soucis financiers du club liégeois. Entre primes impayées, salaires mirobolants et mercato gourmand, la comptabilité liégeoise est aux abois.

Ce sont souvent les mêmes têtes que l’on découvre au mois d’août, devant les portes des auditoires universitaires. Même si un accident de parcours n’est jamais à exclure, la seconde session est une affaire d’habitués. Un raisonnement qui, visiblement, vaut aussi pour les busés de la Commission des Licences. Cette année encore, le Standard en fait partie. On the record, le club rassure : s’il a été invité à repasser devant les grands manitous du football professionnel belge, c’est simplement pour fournir des éclaircissements sur l’Immo du Standard de Liège, future société gestionnaire du stade mise sur pied par Bruno Venanzi avec la contribution de  » personnalités liégeoises « , dont Axel Witsel.

Lors de la dernière publication de ses comptes annuels, le Standard affichait une masse salariale de 34,5 millions d’euros.

Faut-il le croire sur parole ? L’an dernier, le stade avait servi d’alibi. Le Standard avait alors affirmé être  » ajourné pour un document lié au stade « , qui n’aurait été envoyé que le lundi après-midi alors que la Commission des Licences se réunissait le lundi matin. En vérité, la communication du transfert de Razvan Marin vers l’Ajax entre les deux sessions avait été salvatrice pour les Rouches, qui devaient pouvoir montrer aux décideurs nationaux que de l’argent allait entrer dans les caisses liégeoises. Le contrat n’est pas encore signé, et les visites médicales d’usage doivent encore avoir lieu, mais le club prend de court les Ajacides et le Roumain pour montrer patte blanche le plus vite possible.

À cette période, l’argent est déjà sur toutes les lèvres à Sclessin. Comme dans la majeure partie des clubs belges, le mercato sortant est un enjeu énorme pour maintenir la comptabilité à flot. Le départ de Moussa Djenepo à Southampton, annoncé dans les semaines qui suivent, offre une bouffée d’air frais à un club qui avait prévenu ses joueurs par e-mail en février que la deuxième tranche des primes à la signature – payées en début de saison, puis après le mercato de janvier, elles constituent une partie majeure des revenus, surtout pour les joueurs étrangers – serait payée avec deux mois de retard. Le Malien était l’une des sensations de l’année et partait vers la lucrative Angleterre, quelques mois après avoir failli rester sur le carreau quand Michel Preud’homme faisait le forcing pour attirer Lior Refaelov en bords de Meuse.

Un an plus tard, la deuxième tranche des primes à la signature n’a toujours pas été versée aux joueurs, qui s’étonnent cette fois de ne plus avoir reçu d’explications par voie officielle. Les rumeurs grandissantes de chômage technique, que le Standard serait l’un des premiers à appliquer en cette période de coronavirus, ne rassurent pas le vestiaire. Beaucoup se retournent vers leur agent pour évoquer leurs craintes financières, en raison d’un train de vie difficilement compatible avec des revenus plafonnés à 2.353,21 euros brut par mois. Dans les autres bureaux du Royaume, on s’étonne de voir un grand club, aux comptes normalement mieux remplis, faire figure de pionnier dans cette démarche.

Ces réactions sont-elles les symptômes d’un club aux abois ? Les huit derniers mois auraient alors été particulièrement ravageurs dans la Principauté. En juillet, Bruno Venanzi affirmait en effet que les finances liégeoises étaient désormais  » presque à l’équilibre.  »

L’ÉTÉ SANS COMPTER

Le mercato est passé par là. Et les dépenses ont été historiques. Le bas de laine constitué suite aux transferts sortants de Marin, Djenepo et Christian Luyindama s’est rapidement effiloché au cours d’un été bouclé avec plus de trente millions d’euros dans la case des transferts entrants. Des chiffres équivalents à ceux de l’ogre brugeois, sans qu’aucun joueur du statut de Simon Mignolet, Simon Deli ou Eder Balanta n’ait débarqué à Sclessin. En interne, certains s’interrogeaient alors sur l’opportunité de débourser plus de deux millions d’euros pour un joueur comme Aleksandar Boljevic, ou d’offrir 800.000 euros à Mouscron pour attirer Noë Dussenne à un poste où Merveille Bokadi et Dimitri Lavalée pouvaient déjà servir de doublures.

Le tout étant assorti d’émoluments généreux, faisant grimper en flèche une masse salariale en courbe exponentielle depuis plusieurs saisons. Lors de la dernière publication de ses comptes annuels, le Standard affichait ainsi une masse salariale de 34,5 millions d’euros. Une augmentation de près de cinq millions par rapport à l’exercice financier précédent, et un décollage vertigineux par rapport aux 22,2 millions que le club affichait encore lors de la saison 2015-2016, au début de l’ère Venanzi.

Afin de se maintenir dans le haut du tableau, le club a consenti des efforts financiers importants. Derrière l’imposant salaire de Zinho Vanheusden, de loin le plus élevé du vestiaire liégeois, des joueurs comme Mehdi Carcela, Maxime Lestienne ou Felipe Avenatti affichent également un salaire important, alors que d’autres transferts issus de clubs plus modestes dépasseraient tout de même les 30.000 euros de revenus nets mensuels. Un train de vie presque déraisonnable pour un club qui ne roule pas sur l’or depuis plusieurs saisons. Dans l’analyse de ses prestations financières, le club détaille d’ailleurs qu’une qualification systématique pour les poules de l’Europa League est indispensable pour que le rapport de gestion tienne la route. Cinquième du championnat et éliminé en Coupe de Belgique, le club est loin d’être assuré de s’afficher sur la scène européenne dans les mois à venir.

Samuel Bastien, avec Michel Preud'homme, pourrait rapporter quelques millions bien nécessaires au Standard.
Samuel Bastien, avec Michel Preud’homme, pourrait rapporter quelques millions bien nécessaires au Standard.© belgaimage

REMPLIR LES CAISSES

En faisant revenir Michel Preud’homme dans le stade qui l’avait sanctifié une dizaine d’années plus tôt, Bruno Venanzi pensait aider ses troupes à franchir la dernière marche vers les sommets nationaux. L’homme qui a gagné des trophées dans tous les clubs où il est passé a forcément débarqué avec les honneurs dus à son statut, entre un titre de vice-président assorti des pleins pouvoirs sportifs et un salaire royal, qui fait très largement de lui l’entraîneur le mieux payé du championnat (1,5 million d’euros brut par an, hors primes, en plus de 70.000 euros mensuels facturés pour sa fonction de vice-président). Face au spectre d’une deuxième saison blanche de rang en termes de trophées, les comptes du Standard commencent à voir rouge.

Les attitudes des derniers mois ne trompent pas. Le club s’est lancé dans une quête destinée à renflouer ses caisses. Déjà, lors de la vente de Junior Edmilson à Al-Duhail, le Standard s’est arrangé pour flouer Saint-Trond sur son pourcentage à la revente, contournant les règles pour un gain  » modique  » d’1,28 million d’euros. Ironie de l’histoire, le club liégeois a d’ailleurs fait remonter à la surface ce dossier en réclamant à son homologue trudonnaire la somme de 800.000 euros pour le non-respect des droits de préemption dans les dossiers de Lucas Pirard et Alexis de Sart. Des comptes d’apothicaire qui pourraient finalement coûter cher.

Face à la presse quotidienne qu’il avait réunie au mois de novembre dernier, Bruno Venanzi avait été l’un des premiers dirigeants du championnat à réclamer une part plus importante du gâteau des droits TV pour les grands clubs :  » Je jette peut-être un pavé dans la mare en étant le premier à m’exprimer de la sorte publiquement, mais j’estime que proportionnellement, les grands clubs ne touchent pas assez « , avait alors lancé le président du Standard, voyant certainement dans la popularité médiatique de son club un filon pas encore assez exploité pour le renflouage de ses comptes.

Les principales bonnes nouvelles financières devaient néanmoins venir d’ailleurs. Le mois de marché hivernal, piloté par un Mogi Bayat réputé pour ses qualités de bon vendeur, devait faire sourire les caisses liégeoises. Renaud Emond a ainsi été poussé dans les bras de l’agent, qui l’a gentiment déposé à Nantes pour soulager la trésorerie principautaire. Les salaires importants de Sébastien Pocognoli et surtout de Paul-José Mpoku ont également été envoyés vers la sortie, alors que le mercato entrant s’est limité à l’arrivée du milieu de terrain Eden Shamir et de jeunes Moussa Sissako et John Nekadio.  » On va voir ce qu’il est possible de faire, mais il faut veiller à maintenir l’équilibre financier du club « , expliquait alors Michel Preud’homme pour préfacer un mercato raisonnable.

OBBI, ZINHO, SAMUEL ET SELIM

Un problème ne faisant visiblement jamais qu’en entraîner un autre, le départ d’Emond a fait décoller le temps de jeu d’ Obbi Oularé. Le 1er mars dernier dans le Pays Noir, quatre minutes après le coup franc envoyé par Dorian Dessoleil au fond des filets d’Arnaud Bodart, le géant rouche atteignait les 750 minutes de jeu, et voyait ainsi son option d’achat (environ 3,5 millions d’euros) devenir obligatoire. Un nouveau coup dur pour les finances, d’autant plus que le potentiel à la revente d’un attaquant de 24 ans qui n’a marqué que trois buts en presque deux saisons à Liège n’atteint probablement pas des sommets, et que Watford bénéficie d’un pourcentage très important sur la plus-value qui sera éventuellement réalisée par les Rouches.

La situation, matérialisée par une perte de 8,4 millions lors de la dernière publication des comptes (pour la saison 2018-2019, et sans compter les transferts entrants et sortants de l’été dernier), pourrait-elle encore s’empirer ? Dans les bureaux liégeois, on commence à craindre que l’Inter n’honore pas la parole – tenue par aucun document officiel – de payer quinze millions d’euros pour le rachat de Zinho Vanheusden. Le montage financier imaginé l’été dernier coûterait, dans ce cas, beaucoup d’argent au Standard s’il était interrompu à mi-parcours, comme le redoutent certains du côté de Sclessin.

Les solutions passeront sans doute, comme l’an dernier, par un mercato dopé par les offres venues de l’autre côté de la Manche. Du moins, si la quarantaine sportive et le Brexit ne contrarient pas les plans liégeois. Ardemment courtisé par Lille, Samuel Bastien pourrait monter dans le train Bayat pour prendre la route de l’Angleterre. La satisfaction majeure de la saison liégeoise rapporterait indéniablement plus d’argent s’il venait à signer à Watford qu’en s’engageant avec le LOSC, qui n’a payé  » que  » douze millions d’euros pour Victor Osimhen l’été dernier, alors que les attaquants sont toujours plus chers que les milieux de terrain. Quant à Selim Amallah, il pourrait également profiter de l’entourage de Mogi Bayat pour atterrir à West Ham, pour un montant à huit chiffres qui serait le bienvenu dans la comptabilité liégeoise.

Sur le plan des transferts entrants, le Standard s’apprête également à changer son fusil d’épaule. En scoutant plus en profondeur les divisions inférieures des ligues voisines majeures, voire dans des championnats européens de seconde zone, comme le souhaite Benjamin Nicaise, les Rouches espèrent trouver la perle rare à moindre prix et réaliser des plus-values plus conséquentes. Le premier ingrédient de la recette d’une trésorerie qui retrouve le sourire.

Bruno Venanzi
Bruno Venanzi© belgaimage

Chômage et primes

Face au spectre du chômage technique, beaucoup de joueurs s’interrogent sur le droit de leur club de recourir à ces méthodes, et la réaction à éventuellement adopter. Actuellement, ils sont tenus de réaliser un programme physique concocté par le staff, et vérifié à distance grâce aux systèmes GPS dont ils disposent. Un entraînement que certains envisageraient de refuser de suivre s’ils n’étaient plus rémunérés par le club.

Plus que le salaire, souvent réduit au maximum lors des négociations pour éviter de devoir reverser une trop grande partie du montant total aux caisses sociales qui gèrent la pension des footballeurs, ce sont les primes à la signature qui permettent aux joueurs de vivre à un train plus élevé. Au Standard, comme dans beaucoup de clubs, elles sont payées en deux tranches : en début de saison, puis en février. Un système qui permet d’épargner quelques milliers d’euros quand des joueurs quittent le navire lors du mercato hivernal. Cette saison, la deuxième tranche n’a donc pas encore été versée à de nombreux joueurs, qui commencent à s’en inquiéter. Jamais, par le passé, le club ne l’avait payée avec autant de retard.

La communication est, elle aussi, confuse. Les joueurs avaient reçu un premier mail leur expliquant qu’ils seraient mis au chômage temporaire, suivi d’un second expliquant que finalement, rien ne changeait. Le doute est donc de mise au sein du noyau.  » Cela fait trois ou quatre semaines que la situation est grave. Je pense que le club n’a plus d’argent « , raconte-t-on depuis le vestiaire liégeois.

Par Guillaume Gautier et Thomas Bricmont

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