L’Affaire Edmilson: pourquoi le Standard risque-t-il une interdiction de transferts ?

Thomas Bricmont

Le Standard et Bruno Venanzi connaîtront ce vendredi le verdict dans l’affaire Edmilson. Le président risque une peine de prison alors que le club pourrait écoper d’une interdiction de transferts. Mais revenons sur cette affaire dont vous nous révélions l’existence dans notre magazine dès janvier 2020.

Le mercato d’été vient de fermer ses portes depuis plusieurs jours lorsque Bruno Venanzi ouvre celles du cabinet de David Meekers, son homologue à Saint-Trond. En ce mois de septembre 2018, le président liégeois a encore un dossier à régler. Malgré lui. La réunion a davantage les allures d’une convocation que d’une visite amicale. Seul, il s’installe en face de David Meekers, mais aussi de Takayuki Tateishi et d’Andre Pinto, respectivement CEO et directeur sportif des Canaris. À l’ordre du jour : le transfert d’Edmilson Junior Paulo Da Silva, dit  » Junior « , parti début août chez les Qataris d’Al-Duhail, contre un montant de deux millions d’euros. C’est en tout cas ce qu’assure Bruno Venanzi, preuve à l’appui.

Le cofondateur de Lampiris tente d’éclairer la lanterne de ses interrogateurs en montrant le document TMS (le système de régulation des transferts de la FIFA), qui valide le fameux montant. Dans le cadre de cette transaction, le STVV vient de recevoir un virement de 320.000 euros. Les dirigeants trudonnaires avaient négocié, au moment du passage du Belgo-Brésilien vers Sclessin en janvier 2016 et en l’échange d’1,2 million d’euros, un pourcentage à la revente de 40% sur la plus-value d’un futur transfert. Le compte est bon ? Pas vraiment. Bruno Venanzi a beau jurer de ses grands dieux n’avoir touché que deux millions, le trio limbourgeois reste plutôt perplexe devant de tels chiffres, tout particulièrement au vu du profil du principal intéressé : un ailier de vingt-deux ans qui sort tout juste d’une saison conclue en boulet de canon où ses onze buts et cinq passes décisives ont permis aux Rouches de décrocher la Coupe de Belgique, puis de terminer deuxièmes du championnat.

 » Je savais que cette affaire finirait par sortir, mais je veux être clair : cela n’a rien à voir avec nous, à Doha « , souffle un proche du dossier, basé aux Émirats.  » Nous sommes des gens corrects, nous payons les gens correctement. Que le Standard dupe d’autres clubs, c’est leur problème. Pas le nôtre. « 

Des documents, consultés par Sport/Foot Magazine, confirment ces accusations et les doutes trudonnaires. En signant avec Al-Duhail une transaction officiellement portée à deux millions d’euros, les Liégeois ne se sont acquittés que de 40% de 800.000 euros – équivalents à la plus-value au-dessus du transfert originel de 1,2 million – en en payant seulement 320.000 au STVV. En parallèle, via un  » accord de coopération « , qui prévoit la venue en stage des Standardmen à Doha en janvier 2019, ils se sont fait rétribuer grassement 3,2 millions d’euros. Du pain béni, net de toute clause de  » sell-on « , livré sur leur compte BNP Paribas Fortis, situé place Xavier-Neujean, à Liège. Le véritable montant du transfert revient alors à un total de 5,2 millions et le RSCL aurait ainsi dû verser 1,6 million à Saint-Trond. Une fraude à 1,280 million d’euros, donc, qui pourrait coûter plus cher que ce qu’elle n’a rapporté.  » Je peux confirmer que le Standard a manipulé ce transfert et que ce qu’ils ont fait n’est pas légal « , atteste une source dans le secret du deal, précisant qu’Al-Duhail a accepté de marcher dans la combine parce que  » c’était le seul moyen d’avoir le joueur « .

QUE RISQUE LE STANDARD ?

Dans un courrier adressé à la police d’Hasselt en date du 18 décembre 2019, le STVV se constitue partie civile dans le cadre d’une plainte déposée au pénal par le juge d’instruction qualifié, entre Noël et le Nouvel An, à l’encontre du RSCL et de son président, Bruno Venanzi. Une autre plainte, cette fois à la FIFA, au même titre que des perquisitions, devraient suivre. Contacté, le Standard de Liège ne se dit  » pas au courant  » de la procédure pénale.

En se constituant partie civile, le club de Saint-Trond souhaite faire valoir ses droits devant la justice belge. Il lance par la même occasion une procédure relativement rare dans le milieu du ballon rond. Le pénal reste en effet un terrain d’affrontement peu emprunté par les clubs de football. Les sanctions y sont plus sévères que celles déterminées par les instances sportives classiques.

Avec un dossier suffisamment solide pour attaquer juridiquement le Standard et son président Bruno Venanzi, les Limbourgeois veulent également porter l’affaire devant la FIFA. La présence d’Al-Duhail, acteur qatari donc étranger, rend l’affaire internationale et la Cour Belge d’Arbitrage pour le Sport (CBAS) incompétente en la matière. Selon les termes du code disciplinaire de l’institution basée à Zurich, le matricule 16 s’est rendu coupable d’un  » faux dans les titres « , ce que le droit suisse détermine comme un  » document trompeur « . Le règlement du statut et du transfert des joueurs rappelle quant à lui que  » les clubs doivent déclarer dans TMS tous les paiements effectués « , via  » une preuve de virement « . Dans le cas contraire, soit celui du RSCL,  » des sanctions peuvent également être prononcées à l’encontre de toute association ou tout club qui s’avère avoir saisi des données inexactes ou erronées dans le système ou avoir utilisé TMS à des fins illégitimes « .

Le Standard de Liège s’expose ainsi à des peines sportives pouvant aller de la simple amende à une interdiction de transfert et/ou une exclusion des compétitions européennes. Des conséquences lourdes, si les Rouches ne trouvent pas d’issue de secours.

Par Thomas Bricmont et Nicolas Taiana

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