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Comment Wouter Vandenhaute est (enfin) devenu président d’Anderlecht

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Après quatre mois passés dans un statut hybride, surtout pensé pour contourner le règlement, Wouter Vandenhaute devient le président d’Anderlecht. Coulisses d’une arrivée longtemps retardée.

« J’ai vu pendant ces deux ans qu’être président du RSCA, c’est presque un travail à temps plein. Il faut être toujours là. » Le constat de Marc Coucke n’a pas attendu les dernières semaines. Au beau milieu de l’année 2019, alors que son club creuse vers les pages les plus sombres de son histoire sportive, le président des Mauves cherche un visage neuf et compétent pour incarner le renouveau d’Anderlecht. Dépassé par l’impact que prend chaque événement qui se déroule dans le club le plus titré du pays, Coucke est conscient que le recrutement d’un homme plus accoutumé à la gestion de la politique sportive s’impose.

Avant de se tourner vers Vandenhaute, Marc Coucke contacte Lucien D’Onofrio.

L’homme d’affaires se tourne d’abord vers Lucien D’Onofrio. L’ancien vice-président du Standard a longtemps tourné autour des Mauves, notamment à l’époque de Roger Vanden Stock et au moment de la revente du club. Aujourd’hui à l’Antwerp, l’Italo-Liégeois exige tous les pouvoirs sportifs. Un voeu inconciliable avec le retour de Vincent Kompany dans la capitale. Les pourparlers n’aboutissent pas, et Coucke se tourne alors vers un autre homme dont le nom avait animé les débats de rachat du RSCA: Wouter Vandenhaute.

Le magnat des médias flamands est un supporter de longue date du Sporting. Au bout des années 2000, déjà, Roger Vanden Stock l’avait sondé pour intégrer l’actionnariat du club, à hauteur d’une dizaine de pourcents des parts. Michel Verschueren avait finalement mis son veto, craignant que son introduction ne porte préjudice à son fils Michael, qu’il voyait alors comme le coming-man de la maison mauve. Depuis l’arrivée de Vandenhaute en janvier dernier, le fils Verschueren a soigneusement été rangé au placard, disparaissant d’un espace médiatique anderlechtois qu’il avait pris l’habitude d’occuper de toutes parts.

Wouter Vandenhaute pensait déjà devenir président fin 2017, quand il s’était associé à Paul Gheysens pour racheter le RSCA.

Un peu moins de dix ans plus tard, c’est dans une étonnante association avec Paul Gheysens que Vandenhaute reprend son flirt avec Anderlecht, dans le cadre du dossier de revente du club. Amené à la table par son (ex-)ami Christophe Henrotay, alléché par la gigantesque commission promise par Herman Van Holsbeeck,Vandenhaute serait le visage du projet, et le riche et ambitieux Gheysens son argentier.

L’offre du patron de l’Antwerp est finalement délaissée au profit de celle de Marc Coucke, même si certains murmurent en coulisses qu’elle était financièrement supérieure. La personnalité de Gheysens, qui faisait grincer certaines dents influentes au sein du conseil d’administration, aurait joué en la défaveur du duo malgré les tentatives de conciliation de Vandenhaute, qui pensait jusqu’au bout être le nouveau président des Mauves avant la surprise provoquée par Marc Coucke.

Contrarié dans son rêve avoué d’occuper un rôle en vue dans le football, Wouter Vandenhaute repousse cependant les avances de Michel Preud’homme, qui lui propose d’investir dans le Standard peu de temps après son retour en Principauté. Des projets pour reprendre des clubs à l’étranger, comme Roda aux Pays-Bas ou Nice en France, n’aboutissent pas. C’est finalement à Anderlecht qu’il fait donc son retour, dans un rôle de conseiller externe ficelé fin 2019, en préambule d’un match face à l’Antwerp de Gheysens et D’Onofrio, et annoncé au début de l’année 2020.

S’il doit conserver une étiquette extérieure, c’est avant tout parce que son rôle à la tête du bureau d’agents Let’s Play rend son implication dans un club impossible aux yeux de la Commission des Licences. Dans les faits, cet écart n’est qu’une pirouette administrative – ses services sont d’ailleurs facturés à Alychlo, la société de Marc Coucke, et pas au club – et Vandenhaute mène de nombreux entretiens pour diagnostiquer la situation financière et sportive du géant bruxellois.

En tant que conseiller externe, il est à l’initiative des arrivées de Karel Van Eetvelt et Peter Verbeke à Anderlecht.

C’est dans ce cadre qu’il convainc notamment Karel Van Eetvelt, son compagnon de cyclotourisme, d’embarquer à bord du navire mauve en qualité de CEO. Quelques semaines plus tard, c’est Peter Verbeke qui débarque à Bruxelles sur les recommandations du nouveau conseiller du Sporting.

Avec le recul, les quatre mois passés dans cet étrange costume de conseiller externe ressemblent à un audit opéré avant de prendre les fonctions que d’aucuns murmuraient destinées à Vandenhaute dans le futur. Si, dans l’annonce officielle du club, le nouveau président affirme avoir été contacté par Marc Coucke « il y a une dizaine de jours », le site internet du club raconte que « Karel Van Eetvelt a mis au point ces derniers mois » le plan 2020-2025, « en collaboration étroite avec Vincent Kompany et avec le conseiller externe Wouter Vandenhaute. »

En plus d’endosser le costume de président, Vandenhaute entre dans le capital du club, et se voit donc contraint de vendre ses actions au sein de Let’s Play pour éviter les conflits d’intérêts. Son rôle obscur avait déjà été mentionné par le rapport de la dernière Commission des Licences, et nécessité une déclaration sur l’honneur signée conjointement par Coucke et Van Eetvelt pour que les Mauves obtiennent – étonnamment – leur précieux sésame.

Plusieurs questions se posent encore. Notamment celle des casquettes sans cesse multipliées de Vincent Kompany, qui devient désormais joueur-actionnaire, mais aussi celle du rapport qu’entretiendra à l’avenir le RSCA avec Peter Smeets et Bob Claes, désormais ex-collaborateurs de Vandenhaute. Toutes ces interrogations ont désormais neuf mois pour être résolues, avant un nouveau passage devant la Commission des Licences. Une manière de s’offrir un peu de tranquillité? En 2018, Anderlecht avait dû demander un délai supplémentaire pour entrer dans les clous, vu le changement de propriétaire acté au cours de l’hiver. Deux ans plus tard, les Mauves ont peut-être retenu la leçon.

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