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Sascha Zverev, le bad boy de l’ATP

Alexander Zverev espère réintégrer l’élite absolue à l’Open d’Australie. Ces derniers mois, l’Allemand a surtout été au centre de l’attention pour de mauvaises raisons, et a notamment été accusé de violence conjugale.

Alors que son ex-amie Brenda Patea annonce qu’elle attend un enfant de lui, Alexander Zverev est confortablement installé dans la maison familiale de Lemsahl-Mellingstedt, dans la région de Hambourg. Le joueur de tennis, que tout le monde appelle par son surnom russe, Sascha, réfléchit à ce que représente la famille pour lui. « Les amis vont et viennent, mais on ne peut jamais remplacer sa famille. »

Au moment de prononcer ces paroles, Zverev n’est pas au courant des accusations que va porter une autre ex, Olga Sharypova, à son encontre. Elle l’accuse devant le monde entier de l’avoir poussée violemment contre un mur et d’avoir appuyé un coussin sur son visage, pour l’empêcher de respirer. Ses charges sont de plus en plus graves. Plus tard, elle raconte même avoir tenté de se suicider, dans une chambre d’hôtel, tant elle était désespérée. Zverev, lui, nie tout en bloc.

Il se détend à la maison, après une séance matinale d’une heure et demie avec son frère Mischa et son père Alexander. Il parle de sa relation avec l’Allemagne et du manque d’enthousiasme que suscite son tennis dans son pays natal, de même que de l’image erronée que les gens ont de lui.

Sascha tourne les yeux vers l’armoire qui orne sa chambre. On y découvre une chaussure dédicacée du basketteur Dirk Nowitzki, à côté de nombreux trophées. Il a beau les collectionner, Zverev est à un tournant de sa vie. Va-t-il poursuivre son ascension ou va-t-il se ruiner et se mettre sponsors et supporters à dos?

LA STAR DU TENNIS ALLEMAND

Alexander Zverev a 23 ans et pointe au septième rang mondial. Il y a deux ans, il s’est adjugé les Masters de Londres, en battant successivement Roger Federer et Novak Djokovic. Toutefois, jamais encore il n’a soulevé le moindre trophée à Melbourne, Paris, Wimbledon ou New York. Son palmarès reste désespérément vierge de tout Grand Chelem. L’année dernière, l’Allemand a atteint le dernier carré à l’Open d’Australie et la finale de l’US Open, où il a été battu par l’Autrichien Dominic Thiem, au terme d’un match marathon, alors qu’il menait deux sets à zéro.

Alexander Zverev avec ses parents et son frère Mischa.
Alexander Zverev avec ses parents et son frère Mischa.© BELGAIMAGE

Alexander Zverev ne cesse de faire parler de lui ces dernières semaines. En décembre, le procès contre son ancien manager Patricio Apey a débuté à Londres. Le joueur a rompu son contrat il y a deux ans, s’estimant exploité par son ex-mentor. Il y a aussi les reproches (un euphémisme!) de son ancienne compagne, enceinte, que la presse à sensation a montés en épingle. Le meilleur joueur de tennis allemand depuis Boris Becker et Michael Stich est dès lors devenu la cible de toutes les critiques, le bad boy du tennis, pour reprendre l’expression d’un journal. Il y a une autre raison à ces attaques: l’été dernier, des images de Zverev prises lors d’une fête à Monte Carlo, où il réside, se sont retrouvées en Une. On le voyait la chemise à moitié ouverte, entouré de nombreuses personnes, et sans masque. Un faux-pas malheureux, un de plus, pour Sascha… Ainsi, en 2018, après son élimination au troisième tour de Wimbledon, ce dernier avait déclaré qu’il ne reviendrait plus jamais à Londres. Avant de passer le reste du tournoi sur son yacht à Monaco. Pourtant, Sascha jure pour se défendre qu’il n’est pas un fêtard. La petite sauterie monégasque ne serait qu’un fait isolé.

L'an dernier, Alexander Zverev s'est hissé en demi-finale de l'Australian Open.
L’an dernier, Alexander Zverev s’est hissé en demi-finale de l’Australian Open.© GETTY

L’ARTISTE DE LA FAMILLE

Alexander Zverev a fait carrière grâce au soutien inconditionnel de sa famille. Tout petit déjà, il arpente les courts du monde entier. Il a cinq ans quand il demande un autographe à Roger Federer. En anglais, car il ne sait pas encore que le Suisse maîtrise l’allemand. Son père, Alexander Mikhailovich Zverev, a été l’un des meilleurs joueurs de tennis d’Union Soviétique, et sa mère Irina a un temps été la quatrième meilleure tenniswoman d’URSS. Son frère Mischa, né en 1987 à Moscou, a été classé au 25e rang mondial. Tous ont commis des erreurs, dont ils ont voulu préserver le jeune Sascha. Niveau tennis, il est difficile de vivre une enfance plus privilégiée que celle de Zverev, mais baigner dans l’ouate peut également vous faire partir en vrille.

Avec son ex-copine Brenda Patea:
Avec son ex-copine Brenda Patea: « Je ne veux plus avoir de contact avec lui. »© GETTY

La carrière de Sascha est quasi devenue un projet familial. Sa mère l’entraîne et perfectionne sa technique, jour après jour. Elle n’arrête pas avant d’être satisfaite du résultat. Le lien entre mère et fils est très étroit. Quand Sascha est fatigué, sa mère l’est également. Elle n’assiste pas aux grands matches de Sascha, car elle est trop nerveuse. Pendant la finale de l’US Open, qui a duré quatre heures, elle est simplement partie se promener. Et elle n’a pas le même regard sur la vie que son fils, qui se qualifie lui-même d’artiste.

Mais Sascha Zverev ne comprend pas qu’on peut très vite perdre ce qu’on a mis du temps à bâtir. Ses parents en ont pourtant fait l’expérience. Ceux-ci ne vivaient pas une vie de misère en Union Soviétique, au contraire, mais l’effondrement du régime communiste a changé la donne. L’inflation leur a coûté tout ce qu’ils avaient épargné au fil des années.

En décembre 1991, ils obtiennent un visa de travail en Allemagne. Grâce à l’aide d’un fonctionnaire qui s’occupe des sportifs soviétiques, le père Zverev, qui ne parle que russe, obtient un poste d’entraîneur. En 1997, Irina donne le jour à son second fils. La famille habite une modeste maison. Sascha joue au tennis de table avec son frère au milieu du salon et ne sait rien des problèmes financiers de ses parents. Il doit devenir un joueur de tennis de niveau mondial. C’est l’objectif de toute la famille.

C’était également l’objectif de Mischa en 2012, au début de sa carrière, mais au bout d’un certain temps, il perd plus souvent qu’il ne gagne, et les primes fondent. Mischa bascule à la 150e place du classement mondial et s’occupe plus de sa nouvelle copine, une Américaine. Il veut se développer sur le plan humain et préfère la lecture de Kafka au tennis, menaçant ainsi sa carrière et les espoirs financiers de sa famille. C’est que Mischa, qui a alors 25 ans, doit assurer les rentrées du clan Zverev et financer le rêve de son frère.

EMBROUILLES & GROS SOUS

Le cadet conclut alors un contrat avec le manager Patricio Apey, qu’il déteste aujourd’hui. L’homme d’affaires chilien avance 60.000 euros, à rembourser sur une période de quatre ans. Toutes les modalités sont couchées sur un contrat de neuf pages. La famille affirme à présent avoir été grugée par les pièges que comportait ce document. Sascha, âgé de quinze ans au moment de la signature, n’en avait pas compris un mot.

Au début, tout se passe bien. Apey verse des avances, amène des sponsors, ouvre les portes de tournois importants à son poulain, toujours en concertation avec la famille. L’argent afflue et Apey en profite. Mais quand Sascha atteint la majorité, le manager rompt avec ses parents et ne veut plus discuter qu’avec le joueur lui-même. Celui-ci atterrit dans un autre univers. Un jour, il demande même à son père de deviner combien il gagne par jour. Le jeune homme a bien changé…

Alexander et Irina Zverev sont du genre économes. Il leur est par exemple déjà arrivé d’emporter les bouteilles d’eau mises à leur disposition dans les tournois, afin de ne pas devoir commander de boisson au restaurant. Un temps désormais révolu. Ils possèdent des maisons à Hambourg, en Floride et à Monaco, passent leurs vacances aux Maldives. Mais ils ont malgré tout conservé leurs anciens réflexes. Par exemple, alors que Sascha veut leur offrir une nouvelle voiture, son père continue à rouler dans sa vieille Opel Zafira. Il n’apprécie guère que son fils commence à se vanter du nombre de zéros qui figurent sur son compte en banque. Aucun Zverev ne peut étaler ainsi sa fortune, selon lui. En ajoutant que Sascha s’est laissé monter la tête par Apey, qui promet de faire sa fortune, selon une stratégie déjà appliquée à d’autres clients.

Avec son autre ex, Olga Sharypova:
Avec son autre ex, Olga Sharypova: « J’ai craint pour ma vie ».© GETTY

Le contrat est rompu début 2019. Mais Patricio Apey n’accepte pas la rupture, rappelant que le contrat est valable jusqu’en décembre 2023. C’est l’origine du procès intenté aux Zverev.

COMPLOT

Il se passe décidément beaucoup de choses dans la vie de Sascha Zverev. Le procès contre Apey, les accusations d’Olga Sharypova, l’annonce de la grossesse de Brenda Patea… La famille a l’impression d’être victime d’un complot. Et si, à force d’articuler sa vie autour du seul tennis, le clan Zverev avait une vision déformée de la réalité?

Les accusations de violence jettent un voile sur la bonne nouvelle: le fils cadet va devenir papa. Sascha affirme en être très heureux, mais les reproches d’Olga assombrissent le tout. Sa relation avec Brenda a tourné court l’été dernier, et une fois de plus, la séparation a entraîné des ragots bien sordides. Le mannequin a déclaré vouloir élever seule l’enfant, dans un environnement harmonieux, sans contact avec le joueur. Une autre femme a fait son apparition dans la vie de Sascha Zverev, mais entre-temps, il a rompu. Une vie sentimentale digne d’une telenovela!

Olga Sharypova et Sascha Zverev se sont rencontrés sur un court de tennis, alors qu’ils rêvaient tous deux de devenir professionnels. En septembre 2018, après des années sans contact, ils se sont mis en couple. La relation a duré treize mois. Le 28 octobre, quelques heures après l’annonce de la grossesse de l’autre conquête de Zverev, Olga a posté ceci sur Instagram: « Je suis une victime de violence conjugale. (…) J’ai craint pour ma vie. »

Les parents du joueur n’appréciaient pas cette relation, car ils trouvaient que Sharypova ne convenait pas à la famille. Olga considérait pour sa part la mère de Zverev comme une rivale, dans ses efforts pour accaparer l’attention de Sascha. Une situation tendue qui a suscité des disputes. Exemples? Elle voulait faire elle-même le sac du joueur. À table, Olga se levait dès qu’elle avait fini de manger et priait Sascha de s’en aller en même temps qu’elle, alors que les autres étaient toujours en train de dîner. Elle voulait manifestement mener une autre existence. « C’était une sorteuse », a déjà déclaré le père Zvererv à son égard.

Deux mois après la rupture, les choses ont dégénéré. Olga a tout mis en oeuvre pour recevoir une nouvelle chance, mais le père Zverev a tenté de la calmer, lui répétant que la vie continuait. Sans elle.

Voilà son fils désormais accusé de violence. Olga a fait savoir qu’elle ne déposerait pas plainte. Elle veut simplement que la vérité éclate, selon elle. Mais Sascha rétorque qu’elle ne raconte que des mensonges. Pour lui, le chapitre est clos, et il continue à vivre comme avant, avec le soutien total de sa famille, toujours aussi soudée. C’est ainsi que tout a commencé et c’est ainsi que tout continuera. Sascha Zverev souhaite tirer un trait sur le passé. Le problème, c’est que ce passé le rattrape constamment.

Retour aux sources

Alexander Zverev fournit toujours de la matière aux journaux. Et pas qu’aux tabloïds. Début janvier, il a mis un terme à sa collaboration avec son entraîneur David Ferrer, qui venait de mettre fin à sa propre carrière tennistique. C’est l’Espagnol, jadis numéro 3 mondial, qui a pris l’initiative: il voulait réduire ses voyages, à cause de la pandémie. La rupture s’est déroulée en toute amitié.

Le joueur allemand n’est plus suivi par Team 8, l’agence de management de Roger Federer, qui défendait ses intérêts depuis 2019. Zverev a annoncé qu’il souhaitait revenir aux sources, et confiait à nouveau son management à sa famille, qui l’aidera aussi en matière de coaching. L’Allemand veut ainsi étoffer son palmarès, qui compte treize victoires sur le circuit ATP, et qui l’a vu atteindre le podium mondial en 2017.

Marc Hujer et Thilo Neumann (Der Spiegel)

Avec son ancien manager, Patricio Apey: Zverev estime avoir été grugé.
Avec son ancien manager, Patricio Apey: Zverev estime avoir été grugé.© GETTY

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