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Qui est vraiment Naomi Osaka, icône du sport et des sponsors?

Découvrez dès ce jeudi 8 juillet le Guide des Jeux Olympiques de Sport/Foot Magazine. En guise d’apéro, un retour sur les derniers mois contrastés de Naomi Osaka, à retrouver dans notre Guide. Forfait à Wimbledon, mais en lice à Tokyo, où elle évoluera à domicile, voici l’histoire d’une sportive devenue une égérie mondiale.

Elle dit que le buffet froid réservé aux joueurs à Wimbledon est plus équilibré que celui servi lors de Roland-Garros. Et Naomi Osaka en connaît un rayon niveau salades. Il y a d’abord celles qu’elle a refusées de servir lors des conférences de presse de la quinzaine parisienne qui ont finalement conduit à son retrait du deuxième Grand Chelem de la saison avant même son deuxième tour. Empêtrée dans des « problèmes dépressifs » depuis l’US Open 2018, la star japonaise s’en est pris à la presse sportive présente en France: « Je refuse de me soumettre à des gens qui doutent de moi. »

Et puis, il y a les salades pour lesquelles Naomi Osaka est devenue une représentante mondialement connue. Égérie de Sweetgreen, une chaîne de restauration rapide américaine dont les produits principaux sont des salades composées, elle est devenue le visage à l’international de ce fast-food 2.0. Et le reflet grossissant des sportifs de son époque, capables d’enchaîner les victoires en Grand Chelem (quatre depuis 2018 pour Osaka) et les spots de pub. À tel point qu’aujourd’hui, elle détient seule le titre officieux de sportive la plus blindée de la planète.

Femme-sandwich

De quoi perdre la tête. Et le sens des réalités? Depuis l’épisode parisien, ses détracteurs – parmi lesquels de nombreux journalistes sportifs – lui reprochent de cracher dans la soupe médiatique qui a hier participé à transformer cette championne d’exception en athlète ultra bankable. Selon Forbes, entre mai 2019 et mai 2020, Naomi Osaka aurait ainsi gagné 37,4 millions de dollars (plus de trente millions d’euros) en prix et contrats de sponsoring divers, soit le montant le plus élevé jamais amassé par une sportive féminine en une seule année. Suffisant pour effacer son idole Serena Williams des tablettes. Pas pour calmer sa soif de gains. Pas atteinte le moins du monde par la crise sanitaire, Naomi Osaka a profité de l’année écoulée pour encore porter plus haut ce record. De mai 2020 à mai 2021, elle aurait ainsi accumulé quelque 55 millions de dollars, soit une augmentation de 48% en douze mois!

De mai 2020 à mai 2021, Naomi Osaka aurait accumulé 55 millions de dollars.

Comprendre que les contrats de sponsoring d’Osaka constituent la majeure partie de ses revenus. Et que les 19,7 millions de dollars de prize money que la tenniswoman a encaissés depuis le début de sa carrière sportive sont dérisoires par rapport à l’argent empoché grâce à ses juteux contrats publicitaires.

Parce quand Naomi Osaka ne joue pas au tennis, la sportive préférée des Américains est en représentation. Elle porte des montres Tag Heuer, défile pour Louis Vuitton, pose pour la couverture de Vogue, s’affiche avec des casques Beats, enfile des vêtements de sport Nike, se glisse dans des jeans Levi’s ou apparaît dans les campagnes publicitaires de Nissan.

Ce qui est normalement assez pour transformer une sportive appréciée et reconnue pour son talent en simple femme-sandwich, raillée pour son orgueil et son apparente cupidité. Sauf qu’avec Naomi Osaka, la réalité est un peu plus contrastée. Parce que quand la numéro 2 mondiale apparaît pour la première fois dans la campagne  » Beauty of Becoming » de Levi’s en février 2021, elle le fait en compagnie de camarades activistes pour prendre la défense des droits des handicapés.

« Je pense qu’il est important de représenter des choses auxquelles je crois vraiment », précise régulièrement Osaka lorsqu’on la questionne sur ses multiples activités de sponsoring. « Lorsque je m’associe à une marque, je veux le faire avec le coeur. Je ne veux pas vendre un message juste pour l’argent. »

Justice sociale

Alors, Naomi Osaka se mouille la nuque et plonge les deux pieds en avant. En soutenant activement le mouvement Black Lives Matter, mais pas seulement. « Par exemple, je mange vraiment des salades Sweetgreen. Je ne consommerai jamais de McDonald’s ou de Coca-Cola, car je n’aime pas ça. Par contre, je consomme du Sweetgreen tous les trois jours. Ce n’est pas quelque chose que l’on peut simuler. Je crois d’ailleurs que vous le remarqueriez rapidement si j’étais en train de vous mentir. »

Une façon bien à elle d’honorer ses partenariats qui ont petit à petit transformé Naomi Osaka en égérie publicitaire professionnelle. De celle que les marques s’arrachent. « Elle est la première joueuse de tennis avec laquelle nous avons travaillé », a d’ailleurs récemment déclaré Jen Sey, la présidente de la marque Levi’s au quotidien flamand De Morgen. « Pour nous, elle est plus qu’une tenniswoman. Elle est une voix puissante, par la façon dont elle encourage les autres à parler d’égalité. Elle a un franc-parler. C’est ce que nous aimons chez elle. Il ne sert à rien de s’associer à quelqu’un si c’est pour lui dire ce qu’il doit faire. » Cindy Gallop, consultante en marque qui a travaillé avec plusieurs sponsors d’Osaka abonde dans le même sens: « Elle combine tout et c’est une très bonne athlète. Elle est très attachée à la justice sociale, et elle est prête à en parler. De plus, c’est une femme, et enfin, elle n’est pas blanche. Elle marque des points sur tous les plans. »

Plus qu'une sportive, Naomi Osaka est devenue une icône médiatique, convoitée par les sponsors.
Plus qu’une sportive, Naomi Osaka est devenue une icône médiatique, convoitée par les sponsors.© getty images

Introvertie

Tellement sollicitée de partout qu’on l’aurait crue invincible. Capable de combiner ses activités de femme d’affaires et de sportive pro sans le moindre accroc. À seulement 23 ans. Son récent forfait de la quinzaine parisienne est venu jeter un froid sur cette trajectoire jusqu’ici sans tache. « La vérité, c’est que j’ai traversé de longues périodes de dépression depuis l’US Open 2018 ( son premier sacre en Grand Chelem, ndlr) et que j’ai eu beaucoup de mal à m’en remettre », a raconté en forme de justificatif à son forfait la Japonaise sur Twitter. « Quiconque me connaît sait que je suis introvertie, et quiconque m’a vue pendant des tournois aura remarqué que je porte souvent un casque audio, parce que ça m’aide à atténuer mon anxiété sociale. Je ne suis pas naturellement à l’aise pour parler en public et je ressens d’immenses vagues d’anxiété quand je dois m’adresser à la presse mondiale. »

Pour nous, elle est plus qu’une joueuse de tennis. Elle est une voix puissante, par la façon dont elle encourage les autres à parler d’égalité. »

Jen Sey, présidente de la marque Levi’s

Des angoisses déjà perçues lors de la cérémonie qui avait suivi son premier succès d’envergure sur le circuit WTA, après sa victoire à Indian Wells en 2018. Là, libérée comme jamais sur le court face à la Russe Daria Kasatkina (victoire 6-3, 6-2), mais totalement paralysée par le trac au moment de confier ses émotions au micro devant un stade plein, Naomi Osaka laisse une première fois entrevoir sa difficulté à communiquer. « Hum, bonjour… Je suis Naom… Oh, peu importe », avait-elle d’abord timidement lâché avant de conclure son discours par ses mots. « C’était sans doute le pire discours de remerciements de tous les temps. »

Touchante de sincérité et alors âgée de seulement vingt ans, Naomi Osaka venait de défrayer la chronique pour la toute première fois. Des débuts médiatiques hésitants et pas forcément annonciateurs de la folle ascension qui allait suivre, mais qui participeront, c’est le paradoxe, à encore faire monter l’attente autour des performances de la jeune femme.

Moins de quatre ans plus tard, ses pensées évoquées çà et là sur les réseaux ces derniers mois jettent un froid sur celle que beaucoup voyaient déjà marcher sur le circuit pendant de longues années. Morceau choisi: « Je joue très bien au tennis, mais j’aimerais parfois être capable de faire aussi beaucoup d’autres choses. » Comme si, épuisée mentalement après un début de carrière express, Naomi Osaka en était à se poser des questions sur sa longévité au plus haut niveau.

Obligations

Si Osaka n’est pas la première athlète à tourner le dos aux médias, elle est certainement la sportive la plus médiatisée à l’avoir fait. Le sport US compte bien quelques exceptions, comme le footballeur américain Marshawn Lynch, célèbre pour avoir introduit et conclu une interview de présentation du Super Bowl par un laconique: « Je suis juste là pour ne pas recevoir d’amende », après avoir déjà été sanctionné de 125.000 dollars d’astreinte pour deux absences face aux médias pendant la saison régulière.

À la différence que Lynch n’était qu’un modeste running back des Seattle Seahawks. Naomi Osaka, elle, est une star planétaire et ça fait toute la différence. En 2020, seul un trio d’athlètes a gagné plus d’argent qu’elle grâce au sponsoring: le tennisman Roger Federer, le basketteur LeBron James et le golfeur Tiger Woods.

À la question de savoir si le fait d’être l’une des athlètes les mieux payées au monde implique la responsabilité de devoir assumer coûte que coûte son statut, les réponses sont multiples. Ses sponsors vous répondront que oui. Que son absence aux Jeux aurait eu des répercussions calculées en millions. Et que pour sauver les apparences, la joueuse se devait d’honorer la délégation japonaise de sa présence le 23 juillet prochain lors de la cérémonie d’ouverture.

Les mêmes sponsors répètent à l’envi qu’en cas de sacre à Tokyo, elle pourrait devenir la première sportive à voir ses revenus dépasser les cent millions de dollars annuels. De quoi parfois vous amener à redéfinir le sens de vos priorités…

Star à domicile?

Pour ses premiers Jeux Olympiques, Naomi Osaka représentera bien le Japon, mais la tenniswoman pourrait revendiquer la citoyenneté de trois pays: le Japon, où elle est née, Haïti, d’où son père est originaire, et les États-Unis, où elle vit depuis l’âge de cinq ans.

Pourtant, la famille d’Osaka a décidé très tôt qu’elle représenterait le Japon dans toutes les compétitions internationales. Un choix sportif fort qui s’expliquerait, selon la version officielle, par des raisons culturelles ou, selon certaines autres sources, par le manque de reconnaissance rencontré à ses débuts auprès de la Fédération américaine de tennis. Pas toujours bien considérée sur sa terre d’adoption, Naomi Osaka souffre de ce même manque de reconnaissance dans son Japon natal. Là-bas, on la dit « hafu ». Un terme péjoratif utilisé au Japon pour définir une personne qui n’a qu’une moitié de ses origines japonaises.

Reste que si Osaka remportait une médaille aux Jeux Olympiques, elle entrerait de facto dans l’histoire. Simplement parce que le Japon n’a jamais eu d’athlète féminine médaillée en tennis et qu’aucun joueur de tennis japonais, homme ou femme, n’a jamais remporté de médaille d’or. En 2016 par contre, Kei Nishikori mettait fin à une sécheresse de 96 ans pour le tennis japonais aux Jeux Olympiques en décrochant la médaille d’argent en simple masculin. Pas un petit exploit dans un pays plus habitué à briller sur les tatamis que sur les courts.

Il y a six mois encore, au lendemain de son quatrième sacre en Grand Chelem à l’Australian Open, l’héritière de Nishikori semblait toute trouvée. Naomi Osaka devait arriver au Japon pour mater la concurrence et faire taire les mauvaises langues. C’était avant de se lancer dans son combat pour la santé mentale des joueurs et d’annoncer qu’elle boycotterait les conférences de presse de la quinzaine parisienne lors du dernier Roland-Garros. Avant aussi de renoncer à participer à son deuxième tour à Roland, de refuser de lancer sa saison sur gazon à Berlin début juin comme prévu, et d’en venir à susciter le doute sur sa participation aux Jeux.

Plus qu'une sportive, Naomi Osaka est devenue une icône médiatique, convoitée par les sponsors.
Plus qu’une sportive, Naomi Osaka est devenue une icône médiatique, convoitée par les sponsors.© getty images

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