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Entretien avec Ashleigh Barty: « Sans le cricket, je ne serais pas devenue n°1 »

Lauréate de Roland Garros et n°1 mondiale durant une bonne partie de l’été, l’Australienne Ashleigh Barty, 23 ans, sera l’une des candidates à la victoire à l’US Open, qui commence ce lundi 26 août dans la chaleur moite de New York. Entretien avec une joueuse au parcours pour le moins atypique.

Ashleigh, comment vous sentez-vous à la veille de l’US Open ?

« J’adore New York ! C’est une ville que j’ai apprécié dès ma première visite. J’aime me ressourcer dans Central Park. Bref, je serai très motivée. Je reste sur un bon tournoi à Cincinnati, une semaine où j’ai dû batailler pour atteindre les demi-finales en jouant par moments du très bon tennis. Cela m’a fait du bien. J’ai retrouvé de bonnes sensations sur dur et j’aborde le tournoi avec optimisme. Ces derniers mois ont été très positifs. Et ils n’ont fait qu’aiguiser mon appétit. Même si je sais qu’au bout du compte, je ne gagnerai pas tous les matches. »

Vous avez littéralement explosé cette année avec un triomphe à Roland Garros et une accession à la place de n°1. Comment qualifierez-vous votre année ?

« Les astres se sont alignés et cela a été comme un tourbillon complètement fou ! On a tous des rêves et des objectifs. On a travaillé dur, essayé de se mettre dans la position de remporter de grands titres. Et on est là. C’est extraordinaire ! Mais je suis loin d’être une championne. Les champions, les légendes sont des gens qui ont été la meilleure version d’eux-mêmes au quotidien. J’ai mérité cette place de n°1, mais pour moi, ce n’est pas cela qui vous définit en tant que personne. »

Quel est le secret de cette réussite ?

« Faire toutes les choses simples correctement. C’est vraiment ça pour moi. Ma confiance, je la retire du fait de m’être bien préparée, bien entraînée. Je sais que je ne vais pas chaque jour pratiquer un tennis incroyable, mais qu’avec mon jeu, j’ai les moyens de rivaliser avec toutes les joueuses du circuit. »

Vous ne mesurez qu’1,66 mètre et vous êtes capable de claquer des aces comme Pliskova ou Serena. Comment faites-vous ?

« 1,66 mètre, ce n’est pas si petit que cela. J’ai eu la chance que mon coach Jim Joyce, ait élaboré un jeu basé sur la technique et les sensations. Il a essayé de m’apprendre tous les coups du tennis et a créé ce style ‘Ash Barty’ qui est un peu unique. Par la suite, j’ai pris du muscle car je ne pouvais plus grandir. (sourire). Et mon service est devenu une arme. Cela a été une progression naturelle. »

Pourtant, vous avez choisi de tout plaquer après l’US Open 2014…

« J’ai eu besoin de prendre un peu de recul pour vivre une vie normale, parce que la vie de joueuse de tennis n’est pas normale. On est souvent seul, loin de sa famille et de ses proches. Ce n’est pas facile. J’ai eu besoin de temps pour mûrir, grandir en tant que personne. Pour moi, c’était la meilleure décision à l’époque. »

Pensez-vous que tout ceci vous serait arrivé si vous n’aviez pas abandonné le tennis ?

« Non, pas du tout. Si je n’étais pas partie, je ne serais peut-être jamais revenue au tennis… »

Qu’est-ce que le cricket vous a apporté ? Y a-t-il des similitudes avec le tennis ?

« Zéro ! (éclate de rire) Mais ce fut une période incroyable de ma vie. J’ai rencontré des gens formidables qui se fichaient de savoir si je pouvais taper ou non sur une balle de tennis (NdlR : elle a joué avec l’équipe des Brisbane Heat en Big Bash League). Elles ont accepté une nouvelle personne dans leur vestiaire. Cela m’a offert une belle perspective sur la manière dont elles pratiquaient leur sport. J’ai également bu ma première bière à cette époque. (sourire) Je suis d’ailleurs toujours en contact avec ces filles, dont certaines sont devenues mes meilleurs amies. »

Vous auriez pu réussir ?

« Honnêtement, je ne crois pas. Le niveau du cricket féminin est tellement élevé en Australie. En revanche, cette période m’a permis de me trouver un peu plus en tant que personne. J’étais une cricketeuse moyenne et je pense que le tennis a toujours été ma vocation. J’y jouais depuis l’âge de 5 ans. J’avais juste besoin de retrouver la passion et cette période n’a fait qu’accroître l’amour que je portais à ce sport. Sans le cricket, je ne serais jamais devenue n°1. »

Vous êtes entrée dans l’histoire en devenant la deuxième joueuse aborigène (NdlR : son papa Robert est un Ngarigo man) après Evonne Goolagong à remporter Roland-Garros. Cela va-t-il encourager des aborigènes australiens à prendre la raquette ?

« Je l’espère. J’ai reçu un SMS d’Evonne qui m’a expliqué que c’était son premier Grand Chelem. J’ai vu son nom sur le trophée, c’était incroyable ! Elle a ouvert la voie pour le tennis aborigène en Australie. C’est une personne merveilleuse et son histoire est fabuleuse. Il y a plus d’opportunités pour les joueurs de tennis en Australie, aussi bien des garçons que des filles. J’espère que nous pourrons continuer et faire connaître aux enfants cette option de carrière, ou d’autres sports. »

Vous arrive-t-il de devoir vous pincer pour croire que ce que vous avez réalisé est bien réel ? Il y a trois ans, vous étiez encore 600e à la WTA…

« Je sais. Tyz (NdlR : son coach Craig Tyzzer) m’a montré un tweet à ce sujet à Roland Garros. C’est remarquable. Cela a l’air d’être hier. Depuis qu’on a pris l’avion pour recommencer, tellement de choses se sont produites. J’ai connu des moments très difficiles et des moments formidables. Je pense que je suis parvenue à trouver le bon équilibre en profitant de moments tranquilles, des autres sports et centres d’intérêts que j’ai (NdlR : elle aime aussi pêcher et jouer au golf), pour ne pas me concentrer uniquement sur le tennis, et tout en restant en contact avec ma famille. Quand je suis revenue sur le circuit, on l’a fait à ma manière, et c’est formidable. »

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