Un marché immobilier logistique et de bureaux enfin mûr

L’immobilier professionnel liégeois est entré dans le vocabulaire des courtiers belges et internationaux depuis 15 ans seulement. Un laps de temps pendant lequel le secteur s’est développé à pas de géant.

Si l’on fait abstraction du Brabant wallon, qui a toujours profité des retombées positives de sa proximité avec Bruxelles, on peut considérer que le marché immobilier professionnel wallon est plutôt jeune. A Liège, le segment du bureau s’est réveillé voici une quinzaine d’années, au tournant des années 1998-2000, titillé par des promoteurs détournant furtivement leur regard de la capitale. La logistique et le semi-industriel, dont les racines étaient déjà plus ancrées dans le bassin industriel liégeois, n’ont pas tardé à suivre le mouvement, pour se développer de manière plus professionnelle. Il faut attendre 2002 pour que le courtier DTZ ouvre, à Liège, un premier bureau wallon, DTZ Wallonie, dont les rênes sont confiées à Christophe Nihon, alors ancien de King Sturge. Lequel décide ensuite de voler de ses propres ailes en lançant, en 2007, son agence immobilière ImmoQuest, basée à Bergilers. Il pioche dans son passé et dans son présent pour expliquer ce qu’est aujourd’hui l’immobilier professionnel liégeois.

Le Vif/L’Express : Avant le tournant des années 2000, quelle était la situation du marché wallon de l’immobilier professionnel ?

Christophe Nihon: Il était aux seules mains des locaux : chacun se chargeait de pourvoir à ses besoins en bureaux et autres lieux de production et de stockage. Les bâtiments étaient commandés et financés par leurs propriétaires-occupants. Les promoteurs et les investisseurs n’avaient d’yeux que pour Bruxelles et Anvers. Personne ne songeait à la Wallonie. Puis, les horizons se sont dégagés. De un, les marchés bruxellois et anversois ont commencé à saturer. De deux, la Wallonie a appris à se vendre. L’Awex, l’Agence wallonne à l’exportation, a été mise sur pied et a fait son boulot. Les intercommunales ont cessé de gérer leur business en semi- autarcie et les premières études de marché ont fait leur apparition. J’ai d’ailleurs initié le mouvement avec Wallom (Wallonia office market) et Wallog (Wallonia logistic market), du temps où je travaillais pour DTZ.

Pourquoi est-ce à Liège que le marché s’est développé en priorité ?

Parce que le bassin carolo était sinistré à l’époque. Quand il a été décidé que la gestion du marché wallon ne s’effectuerait plus depuis Bruxelles mais via une antenne sur place, c’est Liège qui a été choisie, pour le potentiel important de son bassin industriel.

Un potentiel qui a d’abord été exploité dans le segment des bureaux…

Oui. Codic a ouvert la voie des bureaux en y développant un parc d’affaires, Zénobe Gramme, vendu à KBC Real Estate. C’est la première grosse transaction immobilière de bureaux signée en Wallonie en général, et à Liège en particulier. Elle fait toujours référence maintenant. D’autres petits parcs ont depuis essaimé, mais celui de Codic reste majeur en bassin liégeois.

Ce manque de projets audacieux pénalise-t-il Liège ?

Certainement. Liège connaît une pénurie de bureaux neufs et de qualité continuelle. C’est bien simple, le taux de vacance y est de 0,1 % ! Son stock – vétuste – stagne entre 450 000 et 480 000 mètres carrés suivant les années. Et ce n’est pas faute, pour ma part, de ne pas l’avoir martelé à qui veut bien l’entendre ! Résultat ? Les loyers ne cessent d’augmenter, à 145 euros le mètre carré par an en  » prime  » (état et localisation excellents) aujourd’hui et jusqu’à 175 euros sur certains nouveaux projets. La demande est telle qu’un deuxième, voire un troisième grand parc d’affaires pourrait voir le jour, soit quelque 22 000 à 23 000 mètres carrés supplémentaires. Le succès des derniers projets en date en atteste : l’Office Park Alleur et le centre d’affaires de Liège Airport ont tous deux été remplis avant leur inauguration ! Et ce n’est pas un hasard si, contrairement à ce qui est pratiqué à Bruxelles, il n’est pas question, à Liège, de diminuer les loyers ou d’accorder des gratuités dans les négociations de contrats de bail.

Sur quel type de surfaces se cristallisent les demandes ?

Ce sont surtout les espaces de plus de 500 mètres carrés qui sont dans le rouge, car il est encore possible de trouver 200 ou 300 mètres carrés par-ci, par-là, en mordant sur le marché résidentiel. Beaucoup de bureaux sont aménagés dans des doubles appartements ou de grosses maisons de maître.

Quid de l’immobilier logistique ?

Comme pour le bureau, les promoteurs sont arrivés sur le tard, menés ici, dès 2001, par ProLogis et son ProLogis Park Liège, bâti sur un terrain de 12 hectares cédé par la SPI (NDLR : l’agence de développement économique pour la province de Liège). C’était une première prise de risque, qui s’est révélée fructueuse. Après les promoteurs, les sicafi, longtemps cantonnées au bureau, se sont intéressées à l’immobilier logistique. Et ce, à Liège comme ailleurs. Toutefois, à l’échelle de la Wallonie, les plus grosses transactions logistiques en  » invest  » ont été conclues à Liège. Le taux de vacance est actuellement d’environ 3 % et concentré sur un bâtiment de Liège Logistics.

Les sicafi sont-elles disposées à investir dans le semi-industriel liégeois ?

Je pense que ce sera surtout le cas dans trois ou quatre ans. Des sicafi comme Montea ou WDP commencent déjà à acquérir des ensembles de petits bâtiments semi-industriels. Selon moi, c’est dans ce segment que se trouve l’avenir du marché. C’est là que l’on enregistre le plus d’activité, le plus grand nombre de mètres carrés au sol et le potentiel d’évolution le plus important. D’autant que ce n’est pas très compliqué d’élever un hall industriel. Il ne s’agit jamais que d’une toiture, quelques colonnes, un bardage et une dalle de sol. C’est également relativement bon marché et, contrairement aux bureaux, la valeur d’un hall industriel ne décroît pas de façon vertigineuse avec le temps. Autre avantage, non négligeable, les tracasseries inhérentes à la location sont moindres dans l’industriel. Tandis que l’entretien y est souvent meilleur, grâce à la présence récurrente, au sein de l’entreprise locataire, d’un homme à tout faire qui peut parer aux petits problèmes. Il n’est dès lors pas nécessaire de désigner un syndic ou un gestionnaire de biens, comme c’est le cas dans l’immobilier de bureau.

Où se situent les opportunités sur le marché du semi-industriel ?

Dans la construction de lotissements de bâtiments de 1 500 à 1 800 mètres carrés. C’est ce dont ont besoin nos PME ; or, ce sont sur elles que peut et doit compter la Wallonie pour sortir de cette passe économiquement difficile. Idem en Flandre, d’ailleurs, où des promoteurs se sont engouffrés dans cette niche voici quelques temps déjà. Pour l’instant, le terrain semi-industriel à bâtir se monnaie encore à un prix raisonnable à Liège, surtout comparé au nord du pays. Mais ses tarifs évoluent rapidement, par bonds de cinq euros le mètre carré par an ces dernières années. De 32-33 euros le mètre carré, on est passé à 45-48 euros. Côté loyers des bâtiments une fois construits, il faut compter 37-38 euros par mètre carré par an, contre 55 euros en Flandre. En conclusion, tout est en place pour que le marché wallon de l’immobilier professionnel prenne son envol. Il faut juste que l’économie se reprenne un peu…

Entretien : Frédérique Masquelier

 » C’est sur les PME que peut et doit compter la Wallonie pour sortir de cette passe difficile  »

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