Une autre voie pour l’hérédité ?

Et si l’ADN n’était pas le seul moyen de transmettre un gène… Une étude sur des plantes suscite enthousiasme mais surtout perplexité

Il arrive qu’un caractère, comme la rousseur des cheveux, donne l’impression de sauter des générations, de se transmettre directement des grands-parents aux petits-enfants. En réalité, les parents possèdent le gène correspondant, mais ils ne l’expriment pas. Chez les hommes, les animaux ou les plantes, l’hérédité passe par un support matériel, l’ADN, qui ne peut pas disparaître puis réapparaître dans une même lignée familiale. Cette règle est admise depuis plus d’un siècle. Et voilà que, dans la revue Nature du 24 mars, des chercheurs de l’université américaine de Purdue prétendent la remettre en question.

Ils ont croisé des plants d’ Arabidopsis, une espèce végétale de référence. Et ils ont observé la restauration d’un gène, que possédaient leurs aïeux mais pas leurs ancêtres directs. Ces derniers n’en avaient qu’une version mutée. Ils n’ont donc pas pu transmettre le matériel génétique d’origine. A l’évidence, l’hérédité est passée par une autre voie que celle de l’ADN. Comme si les plantes mutées avaient conservé une mémoire cachée du gène, pour réparer celui, erroné, qu’elles lèguent à leur progéniture.

Telle est l’hypothèse formulée par les auteurs de l’article. Selon eux, au lieu de se contenter de jouer les intermédiaires dans la synthèse des protéines, des ARN – sortes de négatifs des gènes – plus stables, auraient servi de copie de sauvegarde. Certains scientifiques s’enthousiasment, imaginant déjà des retombées pour la thérapie génique. Mais la plupart restent prudents devant cette conclusion hâtive.  » Les chercheurs de Purdue ne donnent pas les preuves de ce qu’ils avancent « , commente Fabien Nogué, spécialiste, à l’Inra, de la réparation de l’ADN.  » Il existe, certes, des ARN capables de se coller à un gène pour l’empêcher de s’exprimer. Mais de là à penser qu’ils peuvent le réparer après avoir été transmis d’une génération à une autre, il y a un pas que je ne me hasarderai pas à franchir. Par ailleurs, une autre thèse, aussi crédible, si ce n’est plus, pourrait expliquer le phénomène.  » Dans une fleur, les embryons de plantes peuvent parfois fusionner avec des cellules maternelles qui, si elles se retrouvent dans leur pollen, transmettent incognito leurs gènes à la troisième génération.

Emilie Tran Phong

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