Le lynx rebondit en Espagne

Au-delà des Pyrénées, on s’efforce d’assurer la survie d’une espèce très menacée

Ce jour-là, Saliega est partie chasser son lapin quotidien. Repue, elle a fait une sieste. A 19 h 30, elle s’est réveillée. Et a mis bas, en une poignée de minutes, ses trois petits. Des boules de poil de quelques centaines de grammes chacune. Un jour banal de la vie animale que ce 28 mars 2005. Un grand jour pour l’avenir du lynx d’Espagne : Saliega est, en effet, la première femelle de cette espèce en extinction à donner naissance en semi-captivité.

En 1900, Lynx pardinus û son nom scientifique û occupait la quasi-totalité de la péninsule Ibérique. En 1990, sa population était à peine d’un millier d’individus. Aujourd’hui, il n’existe plus que quelque 150 lynx recensés entre l’Espagne et le Portugal. Leur nombre a baissé à mesure que le lapin, leur plat favori, a été décimé par la myxomatose. Ils sont d’autant plus menacés que les 48 habitats repérés sont trop épars pour garantir la reproduction de l’espèce et assurer sa diversité génétique.

Depuis deux ans, le programme d’élevage en captivité dirigé par la vétérinaire Astrid Vargas dans le parc national de Doñana, en Andalousie, tente d’enrayer le compte à rebours. Une tâche délicate. Avec ses allures familières de chat à grosses rouflaquettes, le lynx est un félin jaloux de son indépendance. Pas question de le traiter comme un vulgaire animal de compagnie. Il a d’abord fallu rassembler, sur le même terrain de chasse, quelques mâles et femelles venus de zones différentes. Les alimenter en gibier. Et attendre. Les laisser s’ignorer. Puis se rapprocher les uns des autres et se livrer à des jeux.

Jusqu’au moment où l’équipe de vétérinaires décide de former les couples, en isolant quelques animaux du groupe dans un enclos à part. En décembre 2004, Saliega rencontre donc Garfio. Trois mois plus tard, elle donne naissance à ses petits. Garfio a également honoré Esperanza, qui attend actuellement un heureux événement. Le tout sous l’£il attentif mais distant de l’équipe scientifique, qui s’est donné pour règle l’intervention minimale.  » Nous essayons de faire en sorte que les animaux mènent une vie aussi proche que possible de leur existence naturelle « , explique Vargas. Les petits de Saliega seront élevés par leur mère. Sans la main de l’homme. Mais sous la surveillance constante des caméras. Leur naissance laisse entrevoir un répit pour le lynx ibérique. Pourtant, rien n’est encore gagné. l

Cécile Thibaud

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