L’Internet marocain rattrape son retard

De nombreuses études classent en piètre position le Maroc dans la liste des pays utilisateurs des nouvelles technologies. Sur le terrain, le Réseau est pourtant bien présent

Laminés par la concurrence de l’ADSL, les cybercafés belges ont progressivement fermé leurs portes. A tel point que, sur la liste des 136 cybercafés encore répertoriés dans notre pays en 2003, plus de la moitié semblent avoir définitivement cessé cette activité. Preuve que nos compatriotes disposent de plus en plus souvent d’une connexion à domicile et qu’ils n’éprouvent plus le besoin de se rendre à l’extérieur pour utiliser la Toile. Même si ce phénomène est moins marqué au Maroc, il suit la même tendance.  » Au plus fort de la vague Internet, Tanger comptait plus de 50 cybercafés, explique Youssef Beckkari, 29 ans, le patron du plus grand établissement tangérois. Maintenant, il en reste moins d’une quinzaine situés aux endroits stratégiques de la ville.  »  » Et ce n’est qu’un début, poursuit son frère Noureddine. Les disparitions devraient continuer. Pour promouvoir l’ADSL chez le particulier, Maroc Telecom (NDLR : premier opérateur à lancer un service Internet au Maroc en 1995) a décidé de casser les prix. Jusqu’à la fin septembre, l’abonnement mensuel est à 199 dirhams (plus ou moins 20 euros)…  » Presque la moitié des tarifs pratiqués en Belgique. Le coût est raisonnable, mais encore trop élevé dans un pays où le salaire moyen d’une secrétaire médicale ne dépasse pas les 2 000 dirhams (200 euros). D’autant qu’un ordinateur multimédia d’entrée de gamme se négocie aux environs des 6 000 dirhams.  » Au Maroc, on achète rarement du matériel neuf, précise Saad Aboukhalid, responsable de Wafin, un des sites de référence de la communauté belgo-marocaine. On fonctionne beaucoup avec du matériel de récupération. Si vous êtes un peu débrouillard, vous pouvez trouver un ordinateur pour surfer sur le Net à moins de 3 000 dirhams.  » Des ordinateurs sur lesquels tous les programmes sont des versions piratées.  » C’est une pratique courante ici, regrette un professionnel. Avec une licence Windows à 1 200 dirhams, il est difficile d’équiper les ordinateurs avec un système d’exploitation (OS) officiel. On joue avec le feu. Si Microsoft décide d’inspecter les établissements de la ville, on peut fermer tous les cybercafés de Tanger…  » Dans le cybercafé des frères Beckkari, on envisagerait bien de tester l’OS gratuit Linux.  » Sur quelques ordinateurs seulement, souligne Noureddine. Tanger est une ville universitaire. La majorité de nos clients sont des étudiants qui, pour 8 dir- hams l’heure (80 centimes), viennent chez nous compléter un devoir qu’ils ont commencé en classe. Et comme à l’université ils travaillent sous le traitement de texte Word, nous devons leur proposer le même programme sur nos machines. Si on installe Linux sur tous nos ordinateurs, on perd notre clientèle.  »

La désertion n’est cependant pas encore d’actualité. Cinq ans après son ouverture, le cybercafé ne désemplit pas. Les deux frères entament même des travaux d’agrandissement pour porter le nombre d’ordinateurs connectés de 25 à 40. Dans le même temps, ils inaugurent une salle de jeux abritant une vingtaine de PlayStation 2, ainsi qu’un service de copies où les potaches viennent brocher leur mémoire de fin d’études.  » On diversifie l’offre pour parer à une éventuelle disparition de la clientèle Internet, sourit Youssef. Mais vu comment les jeunes Marocains ont adopté le chat, ce n’est pas pour demain…  » Vincent Genot, à Tanger

Une rubrique de Vincent Genot e-mail : vincent.genot@levif.be

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