Ils tirent des ficelles

Ils sont patrons, syndicalistes, économistes, artistes ou sportifs. Tous pèsent, à leur manière, sur la vie bruxelloise. En pleine lumière ou en coulisses.

CÔTÉ BUSINESS

Olivier Willocx – BECI.  » Il connaît bien évidemment tout le monde à Bruxelles, explique ce patron d’un cercle d’affaires. Si ce n’était pas le cas, ce serait grave !  » A la tête de la fédération patronale du Brussels Entreprises Commerce et Industry (Beci) depuis 2000, Olivier Willocx (49 ans) fait partie des quelques personnes qui comptent dans la capitale.  » Ou que l’on voit partout du fait de ses mandats, préfère préciser ce chef de cabinet d’un ministre, qui ne le porte pas spécialement dans son coeur. Via son rôle de directeur général, il est présent dans une série d’institutions. La démultiplication des postes le rend incontournable, mais il n’a aucun rôle politique.  » Willocx a des connexions dans tous les milieux (politiques, économiques, syndicaux et médiatiques). Il connaît tous les politiques et possède une quantité d’anecdotes savoureuses sur la plupart d’entre eux. Côté syndical, à travers le Groupe des 6 (lire ci-dessous), il est proche de Philippe Van Muylder (FGTB) et de Myriam Gérard (CSC). Ce sont bien évidemment les décideurs économiques qui remplissent son carnet d’adresses. Les quatre-vingts administrateurs de Beci y figurent. Pour le reste, il appelle régulièrement Jean-Claude Daoust, qu’il a connu chez Beci, ou encore Emmanuel van Innis (GDF Suez).

Jean-Claude Daoust – Daoust Interim. A 65 ans, cet  » echte Brusseleir  » reste un poids lourd du patronat régional. Administrateur délégué de Daoust Interim depuis 1976, une fonction qui n’a jamais rassasié ce passionné de bonnes pratiques entrepreneuriales, il a épaissi son carnet d’adresses par ses passages à la tête de la Fédération des entreprises de Belgique (FEB), de Beci ou encore de l’Union des entreprises de Bruxelles. Il y a rencontré Raymond Vaxelaire, Tony Vandeputte, Luc Vansteenkiste, François Schwennicke ou encore Gui de Vaucleroy. Il apprécie également Olivier Willocx, croisé chez Beci.  » Jean-Claude Daoust a l’oreille des politiques, tant à gauche qu’à droite, particulièrement de Didier Gosuin (FDF), raconte ce chef de cabinet socialiste. C’est un homme réellement important, apprécié de tous pour ses capacités de dialogue.  » Un autre, rompu à jouer les entremetteurs entre politiques et entrepreneurs, tempère cependant quelque peu son poids actuel :  » L’essentiel de sa carrière est derrière lui. Il ne joue plus de rôle moteur aujourd’hui.  » Ce passionné de jazz et collectionneur de partitions musicales illustrées par Magritte a surtout créé le Groupe des 6, qui réunit des personnalités du monde économique. Il a maintenu sa complicité avec Philippe Van Muylder (secrétaire général FGTB Bruxelles) et a des connexions importantes auprès des syndicats.  » Daoust est très fort en matière de concertation sociale, tranche ce réformateur. Il est reconnu pour cela. Il cherche toujours le compromis ou la solution alors qu’Olivier Willocx est beaucoup plus clivant, par exemple.  »

Bruno Wattenbergh – Impulse.brussels. Un incontournable du monde entrepreneurial de la capitale. A la tête d’Impulse.brussels depuis 2003, ex-Agence bruxelloise pour l’entreprise, Bruno Wattenbergh (49 ans) soutient et accompagne les jeunes entrepreneurs.  » Tout le monde le connaît, c’est une personnalité reconnue de par ses compétences, précise ce patron d’un cercle d’affaires bruxellois. Mais il faut avouer qu’il pèse moins que d’autres.  » Ce passionné de motos anciennes a également développé depuis une dizaine d’années une carrière médiatique, d’abord auprès de la RTBF avec l’émission Starter, ensuite auprès de RTL où il est devenu le visage économique de la chaine.  » Cette double carrière lui joue parfois des tours, affirme ce grand patron bruxellois, ami de Wattenbergh. Depuis qu’il s’est davantage tourné vers les médias, son étoile a quelque peu pâli.  » Notons que la gestion d’Impulse a été pointée du doigt l’an dernier par la Cour des comptes, ce qui lui a valu quelques inimitiés dans le monde politique. Certains le disent même  » fini « , en parlant de son influence…

Luc Bertrand – Ackermans & van Haaren. C’est l’un des patrons flamands les plus influents (ils sont peu nombreux). CEO du holding Ackermans & van Haaren, il est également président de Tour & Taxis. Le baron a pour ambition de développer tout le site.  » Son réseau est très important, surtout du côté flamand, note ce député libéral. Il a entre les mains tout un pan du développement de la zone du canal. Ce qui en fait un homme important.  »

Eric De Keuleneer – Credibe et ULB. A 62 ans, cet économiste bruxellois est toujours autant apprécié pour son expertise et son éclairage sur les questions économiques. Eric De Keuleneer est aujourd’hui administrateur délégué de Credibe (l’ancien OCCH) et à la tête de la Fondation universitaire. Son réseau s’est élargi au fil du temps via sa présence auprès de nombreux conseils d’administration, de la Cinémathèque royale de Belgique ou du WWF Belgium, en passant par des sociétés comme Lampiris, Mediafin, la banque Delen ou encore Ethical Properties. Il est depuis novembre dernier le nouveau président du conseil d’administration de l’ULB.  » C’est un homme de l’ombre qui a l’oreille de nombreux politiques, estime ce cabinettard socialiste. Et à Bruxelles, on ne néglige bien évidemment jamais le président de l’ULB.  » Quant à ce patron bruxellois, habitué à le côtoyer, il précise :  » Il a multiplié les activités, de quoi lui permettre d’être extrêmement présent à Bruxelles.  »

CÔTÉ IMMOBILIER

Marnix Galle – Allfin. Deux hommes attirent les regards et les projets actuellement dans le petit monde de l’immobilier bruxellois. Le premier, Marnix Galle (50 ans), patron de la société de promotion immobilière belgo-luxembourgeoise Allfin, suscite respect et admiration de la plupart des observateurs.  » Il ose des coups que personne ne tenterait, raconte ce développeur immobilier. Il a toujours cette envie de réaliser des paris audacieux.  » Marnix Galle vient de racheter Immobel, la plus ancienne société immobilière belge cotée et développe l’ambitieux projet Chambon (l’ancien siège de la CGER près de la Monnaie). Le mari de Michèle Sioen, présidente de la FEB, connaît tout le monde. Et ce, même s’il réside à Knokke (il a tout de même un penthouse à proximité du canal).  » Il est évident que ses dossiers semblent avancer assez vite, note cet observateur libéral. Il doit avoir de sacrés bons relais.  » Il est en tout cas bien connu et apprécié dans les milieux politiques, particulièrement au PS.

Stephan Sonneville – Atenor. Le second homme-clé du monde immobilier bruxellois est le flamboyant Stephan Sonneville, à la tête du groupe Atenor. Il vient de réaliser un coup fumant avec sa tour UP-site, qui culmine à 106 mètres et comprend 251 appartements. Sonneville est particulièrement actif le long du canal et dans le quartier de la gare du Midi.  » Comme pour Marnix, il ne faut pas non plus exagérer son influence, précise cet habitué des salons feutrés des cercles d’affaires. Il est normal qu’il connaisse du monde pour tenter d’accélérer l’approbation de ses demandes de permis. Mais le bâtiment Europa a quand même mis des années à sortir de terre. Il est vrai qu’UP-site a été plus rapide, mais le contexte est différent. Il s’agit d’une tour. Il ne faut pas oublier que ces promoteurs n’influencent pas, ou ne parviennent pas à influencer, la politique urbanistique de la Région. En témoigne le nouveau décret sur les charges urbanistiques. Il leur est défavorable et ils n’ont pas su peser sur le débat.  » De l’avis général, les choses ont en effet bien changé dans ce domaine qui a gangrené Bruxelles à une certaine époque. Pots-de-vin et corruption appartiennent au passé.

Ajoutons que dans le paysage urbanistique bruxellois, il ne faut pas oublier l’architecte Luc Deleuze (Art & Build), qui a collaboré au projet Neo au Heysel et à Docks Brussels, Serge Fautré (AG Real Estate) ou l’urbaniste Benoît Moritz.

CÔTÉ SYNDICAL

Philippe Van Muylder – FGTB. Cet ancien membre du cabinet de Charles Picqué est toujours un homme influent. A la tête de la FGTB bruxelloise depuis 2002, il n’en est pas moins proche d’Olivier Willocx, qu’il côtoie régulièrement au Groupe des 6 :  » Toute la réforme de l’Etat est passée entre nos mains. « .  » Philippe Van Muylder possède un entregent énorme, affirme Yves Goldstein, chef de cabinet de Rudi Vervoort. Il est fort présent dans les discussions et sur le terrain.  »

CÔTÉ SPORTIF

Alain Courtois – Ville de Bruxelles. S’il est un peu moins présent sur la scène sportive du fait de ses fonctions scabinales à la Ville de Bruxelles, le MR Alain Courtois reste toutefois un homme incontournable. Ce stratège hors pair connaît tout le monde et tout le monde le connaît. Son immense carnet d’adresses, tant sur la scène politique, sportive, médiatique que culturelle, lui permet d’ouvrir de nombreuses portes. Un réseau développé pendant ses multiplies carrières (avocat, Union belge de foot, Euro 2000, sénateur, chroniqueur radio, etc.). Un homme fort de la capitale.  » Il est vrai que je suis l’un des seuls à avoir une réelle influence sur la politique sportive bruxelloise « , admet-il. Un patron de cercle d’affaires tempère son influence :  » Il s’est quelque peu éloigné du monde sportif depuis qu’il est entré en politique car il doit faire davantage attention aux conflits d’intérêt.  » Mais il est clairement l’une des chevilles ouvrières du projet de grand stade censé succéder au stade Roi Baudouin derrière le plateau du Heysel.

Jacques Borlée. On ne présente plus le père des jumeaux les plus célèbres de l’athlétisme belge. A 57 ans, cet entraîneur de haut vol multiplie les contacts pour mettre la main sur les fonds nécessaires à la réalisation de ses projets. L’homme est devenu un habitué des conférences dans le monde entrepreneurial. De quoi lui tisser un sérieux réseau.  » Il est vrai qu’il est très actif, parle à tout le monde, est très présent dans les soirées bruxelloises et possède une énergie qu’Alain Courtois n’a plus « , lance ce député CDH. Et Alain Deneef, intendant du Brussels Metropolitan et partenaire de Borlée dans son projet de centre d’excellence sportive (ESA), d’ajouter :  » Son optique n’est pas spécialement bruxelloise mais plutôt sportive. Personne ne le concurrence en termes de créativité.  » L’ESA a notamment permis de rassembler quelques proches du clan Borlée comme des Van Innis (Electrabel), Gustin (SN), Beckers (COIB) ou Van Holsbeeck (Anderlecht).

CÔTÉ CULTUREL

Eric Corijn – VUB. Le sociologue et philosophe de la culture de la VUB Eric Corijn est un homme très écouté des politiques bruxellois. Ce Bruxellois néerlandophone est sollicité de toutes parts. Il a notamment coécrit l’ouvrage Où va Bruxelles ? et a étudié le métissage de la société dans les quartiers. Amoureux de sa ville, il se bat pour que les politiques lui donnent une destinée plus ambitieuse.  » C’est un « stadsfilosoof », estime Alain Deneef, l’intendant du Brussels Metropolitan. Il pèse dans beaucoup de débats sur le devenir de Bruxelles et le vivre ensemble. Il est fort sollicité et a une réelle influence auprès des cabinets et des ministres. Il a une vision. Son discours porte, est écouté et reconnu.  »

Peter de Caluwe – Théâtre de la Monnaie. Quand on est désigné, en 2014, leader d’opinion de l’année par le magazine Lobby, on est bien évidemment un incontournable de la scène bruxelloise. Peter de Caluwe est directeur général de la Monnaie depuis 2007. Il a lâché un concept qui a fait mouche ces derniers mois : celui de  » black-out culturel « , lancé suite aux coupes budgétaires dont le théâtre a été victime. Il a pesé de tout son poids dans le débat sur l’avenir de la culture fédérale en Belgique. L’homme a un franc-parler assumé et est un excellent communicateur qui influence le monde politique.

Paul Dujardin – Bozar. Administrateur délégué et directeur artistique du Palais des Beaux-Arts de Bruxelles depuis 2002, Paul Dujardin est un acteur majeur de l’échiquier politique, social et culturel. Cet hyper actif, plutôt ambitieux, a redoré l’image quelque peu désuète de Bozar. Depuis une dizaine d’années, il utilise tous les moyens possibles sur les plans fédéral, communautaire, international et diplomatique pour que son palais garde une place en vue. Avec réussite pour le moment.

Gilles Ledure – Flagey. Parfait bilingue, musicologue, 43 ans. En trois années de travail, Gilles Ledure, le directeur de Flagey, a réussi à apaiser le climat, rétablir une certaine confiance et même à redresser un paquebot qui naviguait à vue. Cet organisme cocommunautaire n’est pourtant pas simple à gérer, étant situé au carrefour de plusieurs niveaux de pouvoir.  » Voilà quelqu’un qui a une réelle influence dans le monde culturel, lance Alain Deneef. Une influence beaucoup plus subtile que l’on pourrait croire. Il est à la tête d’un montage particulier qui regroupe la Région, deux Communautés et la commune d’Ixelles. Et il parvient à contenter tout le monde par une programmation variée. Ledure est intelligent, créatif et possède un vrai sens politique.  »

Par Xavier Attout

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