Koen Geens © Debby Termonia

Powerlist Sécurité: les 10 Belges qui vous protègent

Kristof Clerix
Kristof Clerix Rédacteur Knack

À partir d’une liste de noms de cinquante politiques, magistrats, avocats et de fonctionnaires dirigeants, un jury de dix experts a sélectionné dix personnes qui jouent un rôle prééminent dans la politique de justice et de sécurité. Le jury a tenu compte de la position de force opérationnelle des personnes impliquées, de leur pouvoir stratégique, de la mesure dans laquelle elles sont déterminantes pour la politique de sécurité en Belgique et de leur vision de la sécurité.

TROIS SOMMITÉS

1. Koen Geens, ministre de la Justice (CD&V): « Approche originale »

Koen Geens
Koen Geens © Debby Termonia

La Justice est l’un des postes de ministres les plus lourds et compliqués du gouvernement fédéral. Le ministre est responsable de la politique en matière de justice, mais il doit tenir compte en permanence de la séparation constitutionnelle des pouvoirs. Comme la magistrature répugne généralement à l’ingérence et aux changements, Il doit souvent marcher sur des oeufs. En outre, il est directement responsable de la Sûreté de l’état et du régime pénitentiaire et indirectement – via le ministère public – de l’appareil policier en matière de l’exercice de tâches de police judiciaires.

Pourtant, le jury estime qu’à mi-chemin du mandat du gouvernement, le ministre Geens réussit à afficher de beaux résultats. « Il a une approche pragmatique et originale pour guérir l’entreprise en difficulté qu’est la magistrature. » Geens ne choisit pas le « big bang », mais une approche spécifique à l’aide des lois dites pot-pourri qui donnent rapidement un résultat dans les domaines importants de la Justice. « Le département souffre bel et bien d’une austérité budgétaire, mais le ministre fait les bons choix. »

Il est en train de redessiner le paysage judiciaire et a entamé la modernisation du Code pénal et du Code d’instruction criminelle. S’il réussit à mener tout cela à bien, il deviendra sans nul doute l’un des meilleurs ministres de la Justice de ces dernières décennies. « Alors, il rentrera dans l’histoire. »

Les quatre membres du jury sont d’accord que Koen Geens est un excellent communicateur. Il explique les affaires compliquées clairement et simplement. Il respire le calme et la tranquillité, ce qui est nécessaire en moment de crise.

Dans la lutte contre le terrorisme, Geens maintient un équilibre sain entre une approche répressive et l’importance des droits de l’homme. Son attention accordée à l’état de droit est une préoccupation démocratique de base. D’après les membres du jury, le plus grand inconvénient pour Geens, c’est que généralement un ministre de la Justice ne reste qu’en poste que pendant un gouvernement, notamment à cause de la tâche éreintante. « Dans tous les placards que Geens a ouverts à la Justice, il a trouvé des cadavres. » Ce manque de continuité complique une politique à plus long terme, et c’est justement à cela qu’aspire la Justice.

2. Johan Demulle, procureur général à Bruxelles: « Une bénédiction pour la Belgique »

Johan Delmulle est procureur général à Bruxelles. Jusqu’à il y a peu, il était président du Collège des procureurs généraux. Il est également membre du Conseil national de sécurité, le maillon central dans la culture de sécurité belge. Ce poste, associé à son expérience de procureur fédéral – entre 2007 et 2014 Delmulle était à la tête du parquet fédéral – fait de lui une sommité dans les cercles de justice et de sécurité. En outre, Delmulle possède de l’expérience de cabinet : entre 1996 et 1999 il était chef de cabinet adjoint des ministres de la Justice Stefaan De Clerck (CD&V) et Tony Van Parys (CD&V). Ces deux dernières décennies, il a marqué la lutte contre le terrorisme de son empreinte.

Johan Delmulle
Johan Delmulle © BELGA

Jugement du jury:

« Delmulle est chef de corps du parquet général à Bruxelles, qui n’est pas du tout le parquet le plus facile à diriger. Mais sa motivation reste intacte », affirme l’un des membres du jury. Delmulle ne prêche pas de révolution à Bruxelles, mais il arrive à faire bouger les choses.

Delmulle connaît bien les dossiers de terrorisme grâce à sa fonction antérieure de procureur général et de « responsable du portefeuille terrorisme » au Collège des procureurs généraux. Il possède une vision intégrée de la Justice. Il ne considère pas son service comme entité séparée, mais comme élément d’un système de sécurité plus global.

« Une bénédiction pour la Belgique, particulièrement en cette période difficile », déclare un autre membre du jury. Delmulle adopte des positions tranchées, mais elles sont toujours bien argumentées. Ainsi, il a réalisé un contrôle approfondi de l’économie illégale et de ses excès criminels. Le résultat de cette analyse est devenu un élément important dudit Plan du canal pour Molenbeek après les attentats du 22 mars.

Demulle a joué un rôle important dans le développement du parquet fédéral. Il communique bien et possède le talent de rassembler de bons collaborateurs autour de lui.

3. Jaak Raes, administrateur général de la Sûreté d’État : « Balayer les débris »

Depuis le 1er avril 2014, Jaak Raes (°1960) est administrateur général de la Sûreté de l’État, l’un des deux services de renseignement de notre pays. Son service suit notamment le radicalisme, le terrorisme, l’espionnage et la cybermenace. Raes a démarré sa carrière auprès de la police judiciaire de Malines. Dans les années 90, il était à la tête de l’École de Criminologie et de Police scientifique. Auprès du grand public, Raes s’est surtout fait connaître comme directeur général du Centre de Crise (2003-2014), la préparation idéale à son emploi de grand patron de la Sûreté d’état.

Jaak Raes
Jaak Raes © Debby Termonia

Jugement du jury

L’administrateur général de la Sûreté d’état exerce une influence déterminante sur la politique de sécurité, même si vu le rôle discret que doit jouer le service, les profanes ont parfois du mal à la cerner. Raes fait son boulot posément et professionnellement. Le jury estime qu’en général la Sûreté d’état s’est bien occupée des dossiers de terrorisme.

D’après le jury, Jaak Raes réalise à la Sûreté d’état ce qu’il faisait avant auprès des autres services qu’il dirigeait : balayer les débris là où c’est nécessaire et rendre le service plus performant. Il a hérité d’une Sûreté d’état qui a manqué d’argent et de personnel pendant des années. Raes ose défendre son service et ses collaborateurs. Il est connu comme un homme d’action qui privilégie une approche structurée et garde sa ligne en toute circonstance. Équilibré et pondéré. Et une parole est une parole.

5 PERSONNES CLÉS

4. Jan Jambon, ministre de la Sécurité et de l’Intérieur (N-VA): « Ministre intelligent »

Jan Jambon (°1960) a été le premier politique belge à recevoir le titre de « ministre de la Sécurité ». La police fédérale, le Centre de crise et l’Organe de coordination pour l’analyse de la menace (OCAM) tombent notamment sous la responsabilité directe de Jambon.

Licencié en informatique, Jambon a mené une carrière dans le monde de l’entreprise. Il a travaillé entre autres pour IBM, SD Worx et Bank Card Company. En 2007, il a été élu pour la N-VA au parlement, et il a également rempli un mandat d’échevin à Brasschaat, avant d’y devenir bourgmestre. En octobre 2014, il est entré dans le gouvernement Michel comme vice-premier ministre et ministre de la Sécurité et de l’Intérieur.

Jan Jambon
Jan Jambon© Hatim Kaghat

En Flandre, sa communication ouverte fait de lui le visage de la politique de sécurité du gouvernement en Michel. Certaines de ses déclarations (« Je vais nettoyer Molenbeek », « une partie significative de la communauté musulmane a dansé après les attentats », « Une personne de l’appareil policier a commis une bévue ») ont été fort critiquées.

Jugement du jury

Un ministre intelligent, qui a du flair pour les bonnes idées. Jambon s’est rapidement adapté à son rôle et a lancé beaucoup de nouveaux projets, tels que l’application administrative dans les zones à problèmes (le Plan du Canal à Molenbeek), l’agrandissement d’échelle et le débat sur les tâches fondamentales de la police. À présent, il faut également les terminer.

Stratégiquement, Jambon, qui est vice-premier ministre du plus grand parti de Flandre, possède une position politique solide. Contrairement à son collègue de la Justice Koen Geens, il défend une approche dure en matière de sécurité. Du coup, les deux ministres de la sécurité de ce gouvernement fédéral diffèrent plus souvent d’avis que ne le soupçonne le monde extérieur.

5. Catherine De Bolle, commissaire générale de la police fédérale: « Incontournable »

Catherine De Bolle (°1970) est la commissaire générale de la police fédérale. En 2015, elle a été élue Manager de l’année pour le secteur public. En temps de disette budgétaire, il n’est pas simple de diriger un service police confronté à une menace terroriste persistante. Celle-ci accapare une grande partie de sa capacité.

Catherine De Bolle
Catherine De Bolle © Debby Termonia

Diplômée en droit, De Bolle a suivi une formation d’officier à la gendarmerie où elle a commencé en 1994 comme juriste. Plus tard, De Bolle a été nommée chef de corps de la police locale dans sa ville natale de Ninove. Elle a dirigé le corps pendant plus de dix ans. En mars 2012, De Bolle a été la première femme nommée au poste de commissaire générale de la police fédérale. Après une évaluation favorable, son mandat a été prolongé fin de l’année passée.

Jugement du jury:

« Par sa fonction, Catherine De Bolle est incontournable », déclare un membre du jury. Elle dirige la police fédérale intégrée dans des circonstances très difficiles, vu les économies réalisées à l’état. Elle est le visage et la représentante de la police et elle communique bien. D’après un des membres du jury, il n’est pas exclu qu’elle quitte prochainement la police fédérale pour une fonction internationale à l’étranger.

6. Frédéric Van Leeuw, procureur fédéral: « Un fin magistrat »

Il y a trois ans que Frédéric Van Leeuw dirige le parquet fédéral qui joue un rôle crucial dans la lutte contre le terrorisme, les cybermenaces et le crime organisé. En 2002, Van Leeuw a commencé à travailler comme substitut au parquet bruxellois. En 2007, il est passé au parquet fédéral où il est devenu magistrat de référence pour la lutte contre la fraude informatique. Sous Van Leeuw le parquet fédéral communique très ouvertement avec le monde extérieur : presque tous les jours, il envoie des communiqués de presse sur toutes sortes d’enquêtes terroristes.

Frédéric Van Leeuw
Frédéric Van Leeuw © Debby Termonia

Jugement du jury

Le jury estime que Frédéric Van Leeuw fait preuve de perspicacité dans la gestion des dossiers de terrorisme. Ce n’est pas un alarmiste, mais un magistrat fin à l’approche humaine et au style de management novateur. « Le parquet fédéral est la meilleure invention de la Justice de l’histoire belge récente et Van Leeuw dirige le service de façon professionnelle et équilibrée. Il communique bien et sait s’entourer des bonnes personnes. » Un membre du jury se dit également frappé par l’impression laissée par Van Leeuw sur le forum international : « Il était respecté et dégageait de l’autorité. »

7. Paul Van Tigchelt, directeur de l’OCAM: « Pondéré et rigoureux »

Le 1er janvier 2016, Paul Van Tigchelt (°1973) a repris la direction de l’Organe de coordination pour l’analyse de la menace (OCAM), le service qui détermine le niveau de menace en Belgique. Dans la procédure de sélection, Van Tigchelt s’est distingué sur « le plan stratégique, analytique, managérial et communicatif ». Le fait qu’il connaissait bien le fonctionnement de l’OCAM a également été un atout. Quand l’OCAM a été fondé en 2006, Van Tigchelt était chef de cabinet adjoint du ministre de l’Intérieur Patrick Dewael (Open VLD) et faisait donc partie du cercle restreint du processus de décision.

Paul Van Tigchelt
Paul Van Tigchelt © Debby Termonia

L’OCAM emploie environ 70 personnes. Le service joue un rôle important dans le suivi des jihadistes partis combattre en Syrie, via ladite « banque de données dynamique ». Avant de diriger l’OCAM, Van Tigchelt travaillait notamment comme porte-parole du parquet général anversois.

Jugement du jury:

Le chef de l’OCAM exerce une influence importante sur notre politique de sécurité. Van Tigchelt et son équipe de collaborateurs déterminent le niveau de menace dans notre pays – à trois pour l’instant (sur quatre). Il réagit de façon calme, pondérée et rigoureuse aux situations changeantes, estime le jury, et laisse une impression professionnelle, ce qui est nécessaire, car « la moindre de ses paroles est pesée ».

8. Francisca Bostyn, conseillère chargée de la sécurité au cabinet de Koen Geens: « Jeune et expérimentée »

Francisca Bostyn (°1977) n’est guère connue du grand public, mais elle joue un rôle important dans les coulisses du monde de la sécurité. Quand le ministre Geens a dû se justifier au parlement après les attentats du 22 mars, elle était à ses côtés. En tant que vice-chef de cabinet, elle suit notamment la Sûreté d’état. Bostyn se base sur l’expérience qu’elle a acquise à de nombreux postes stratégiques. Elle a travaillé comme analyste politique à la Défense et elle est partie en mission au Congo et au Kosovo. En Afghanistan, elle a travaillé comme conseillère de l’ambassadeur de l’OTAN. Ensuite, elle a été nommée à l’Organe de coordination pour l’analyse de la menace (OCAM) et au poste de conseillère sécurité des premiers ministres Herman Van Rompuy (CD&V) et Yves Leterme (CD&V). Dans le cadre de cette fonction, elle a dirigé le Collège du renseignement et de la sécurité qui gère les services de renseignement. Bostyn connaît bien la politique de sécurité européenne, car pendant des années elle a été la conseillère de Gilles de Kerchove, le coordinateur de l’UE de lutte contre le terrorisme.

Francisca Bostyn
Francisca Bostyn © Debby Termonia

Jugement du jury

Le jury apprécie beaucoup Francisca Bostyn. Elle joue un rôle important en coulisse : elle est expérimentée, perspicace, rassembleuse, proactive, avide d’apprendre et très expérimentée malgré son jeune âge. « Beaucoup de connaissances du terrain et des tonnes d’expérience à des postes clé », résume un membre du jury.

2 LES SURPRISES

9. Ine Van Wymersch, porte-parole du parquet de Bruxelles: « Une communication très humaine »

En 2016, Ine Van Wymersch (°1980) a été élue porte-parole néerlandophone de l’année par ses collègues porte-paroles et journalistes professionnels. Ce n’est pas une distinction évidente pour une porte-parole du parquet, car le secret de l’instruction et la présomption d’innocence rendent parfois la communication difficile. En outre, Van Wymersch n’est pas porte-parole à temps plein, elle est aussi magistrate spécialisée en faits de moeurs, délinquance juvénile et disparitions inquiétantes. Après les attentats du 22 mars, Van Wymersch a été temporairement déléguée au parquet fédéral où elle était responsable de l’identification des victimes décédées et de l’accueil de leurs proches.

Ine Van Wymersch
Ine Van Wymersch © BELGA

Jugement du jury

Ine Van Wymersch communique clairement et humainement. Le jury estime qu’au moment des attentats, elle a également très bien communiqué. Relayer les informations de la justice de façon à ce que le public se sente impliqué et comprenne la situation, contribue à une meilleure appréciation de la justice et joue un rôle important dans une démocratie.

10. Miguel De Bruycker, directeur du Centre pour la Cybersécurité Belgique (CCB) : « Il pèse lourd sur l’agenda ».

En tant que directeur du Centre pour la Cybersécurité Belgique Miguel De Bruycker (°1967) est responsable de la sécurisation de notre pays contre les cybermenaces. Après ses études à l’École royale militaire et une formation en informatique à la VUB, il a démarré sa carrière comme informaticien à la Défense. Il a coopéré à de grands projets sur les réseaux informatiques et a notamment géré les contrats de millions avec Microsoft et Oracle. Un article sur la cybersécurité écrit pour une publication de la défense a attiré l’attention du Service Général du Renseignement et de la Sécurité (SGRS). Celui-ci lui a demandé d’élaborer une politique de cyberdéfense pour la Défense. Pendant dix ans, De Bruycker a été le cyber spécialiste du SGRS. En août 2015, De Bruycker est devenu le premier directeur du tout nouveau CCB. Il dirige 27 personnes, dont les spécialistes du Computer Emergency Response Team.

Miguel De Bruycker
Miguel De Bruycker© BELGA

Jugement du jury

Le jury estime que grâce à son expérience particulière en matière de cybersécurité, De Bruycker pèse lourd sur l’agenda de sécurité. La cybersécurité ne concerne pas uniquement la criminalité sur l’internet, mais aussi l’espionnage, le sabotage, le terrorisme et la manière de faire la guerre. La vie privée du citoyen est fort sous pression et la tâche du Centre de cybersécurité peut être difficilement sous-estimée.

LE JURY

Le jury (de gauche à droite): Bryce De Ruyver, Jan Nolf, Diane Reynders et Cyrille Fijnaut
Le jury (de gauche à droite): Bryce De Ruyver, Jan Nolf, Diane Reynders et Cyrille Fijnaut© Debby Termonia

Brice De Ruyver

– Criminologue et professeur en droit pénal à l’Université de Gand

– Ancien conseiller chargé de la sécurité du premier ministre Guy Verhofstadt

– Expert auprès des commissions d’enquête parlementaires Traite des êtres humains et Dutroux

Jan Nolf

– Juge de paix honoraire

– L’un des observateurs de justice les plus lus de Flandre

– Publication récente: De kracht van rechtvaardigheid (La force de la justice)

Diane Reynders

– Magistrate de liaison auprès de l’Organe central pour la saisie et la confiscation (OCSC)

– Ancien membre du Comité P (2010-2016) et ancien chef du Service de la Politique criminelle

Cyrille Fijnaut

– Criminologue néerlandais et professeur aux universités de Rotterdam, Louvain, Tilbourg et New York

– Ancien expert des commissions d’enquête parlementaires relatives à la Traite des êtres humains, à Dutroux et aux tueries du Brabant.

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