© Dimitri Van Zeebroeck

« L’homme moderne a désappris d’être heureux »

Le Vif

Entretien sur le sens de nos vies avec Michael Foley, poète-philosophe irlandais et auteur du livre « The Age of Absurdity : Why Modern Life Makes it Hard to be Happy ».

Comprenez-vous pourquoi vos livres attirent autant les lecteurs? Le point de départ est pourtant sombre : l’homme moderne a désappris d’être heureux dites-vous, à cause de sa manie illimitée de la consommation, sa fixation névrosée sur le statut et la possession et son incapacité maladive à voir la poésie dans le quotidien . Êtes-vous un pessimiste ?

Michael Foley : Oh, mais je vois aussi de belles choses. Je me suis concentré sur les aspects de la vie moderne qui compliquent l’accomplissement. Je dis aussi clairement que si on réalise qu’on vit une époque absurde, il est possible de prendre plaisir à cette absurdité. Ce n’est donc pas exclusivement négatif.

Dans votre livre « Embracing the Ordinary: Lessons from the Champions of Everyday Life » vous argumentez qu’il faut accueillir le quotidien avec enthousiasme. Qu’entendez-vous par là ?

Il faut modifier sa perspective du monde en profondeur. La plupart des gens ne voient rien, ils passent leur temps à dormir. S’ils pouvaient mieux percevoir les choses, ils apprécieraient davantage la vie. Nous avons besoin d’expériences pour avoir le sentiment d’avoir vraiment vécu. On peut suivre la route du « quoi » : voyager, chercher l’aventure, se jeter dans le sexe ou la drogue ou on peut suivre la route du « comment » qui implique qu’on part de quelque chose d’assez limité à première vue pour essayer d’en retirer davantage.

Dans « The Age of Absurdity: Why Modern Life Makes it Hard to be Happy » vous écrivez qu’il est plus facile de vivre sans amour que de vivre sans habitudes.

Marcel Proust a dit quelque chose de ce genre. Il est impossible de vivre sans habitudes. Dès que nous faisons quelque chose, nous éprouvons la tentation d’en faire une habitude. Ce n’est pas une bonne idée, car il n’y a rien de pire que d’endormir la perception. On ne voit plus les choses devenues trop habituelles. Les habitudes sont fatales, sauf au travail. Là elles sont utiles. Si le travail devient une habitude, on peut penser à des choses qui nous intéressent vraiment.

Vous estimez que le travail est négatif ?

Pas tout à fait. Il faut trouver un équilibre. Je ne conseille certainement pas aux gens d’être paresseux et d’en faire le moins possible. – j’espère en tout cas ne pas avoir été paresseux. Cependant, il ne faut pas croire la propagande et le lavage de cerveau des managers qui prétendent qu’il faut consacrer chaque minute de la journée au travail. Les longues heures que nous passons au bureau aujourd’hui sont une tendance récente. Au Moyen Âge, les gens ne travaillaient que quelques mois par an. Même au dix-neuvième siècle les gens ne travaillaient pas autant que maintenant.

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