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Chili : quatre clés pour comprendre le retour de Michelle Bachelet

Le Vif

Quatre ans après un premier mandat, Michelle Bachelet revient à la présidence du Chili après une large victoire électorale. Ce qu’il faut savoir de ce ce personnage étonnant et des défis qui l’attendent.

Son passé: fille d’un général victime de la dictature, ell a su pardonner
Le 11 septembre 1973, date du coup d’État d’Augusto Pinochet, le père de Michelle Bachelet, pilote de l’armée de l’air promu général d’aviation et proche du président socialiste Salvador Allende, est arrêté, accusé de trahison. Il mourra six mois plus tard en détention, torturé par ses pairs. La mort d’Alberto Bachelet marquera à jamais la vie de Michelle, née en 1951.

Etudiante en médecine, elle aide secrètement des personnes persécutées par le régime militaire. Mais en janvier 1975, elle est arrêtée avec sa mère par les services secrets, qui les conduisent au centre de Villa Grimaldi, où les deux femmes sont torturées. Libérées un mois plus tard, mère et fille s’exilent en Australie puis en Allemagne de l’Est.

Dès 1979, Michelle Bachelet est de retour au Chili, toujours dirigé d’une main de fer par le général Pinochet, où elle obtient son diplôme de chirurgien. Elle se voit refuser un poste dans le système public pour raisons politiques. Elle se spécialise en pédiatrie et travaille pour une ONG qui soutient les enfants de victimes de la dictature.

Après la transition démocratique de 1990, Michelle Bachelet s’engage comme médecin du service public, tout en étudiant la stratégie militaire et les questions de défense. Elle veut, dit-elle alors, comprendre la vision militaire et les raisons du coup d’État et de la mort de son père.

Elle n’a jamais évoqué les tortures subies alors qu’elle avait 24 ans. A l’occasion du 40e anniversaire du coup d’Etat en l’honneur des victimes sur les lieux mêmes du centre de torture devenu un parc, Michelle Bachelet a expliqué simplement sa présence « en qualité de survivante de la Villa Grimaldi ».

Pourquoi Michelle Bachelet n’a pas été réélue après son premier mandat

Première femme élue Présidente du Chili en 2006, Michelle Bachelet a achevé son mandat en 2010 avec une popularité record. Les sondages lui donnaient un indice de satisfaction de plus de 80%. L’ex-présidente socialiste n’a pour autant pas pu immédiatement se représenter, la Constitution chilienne interdisant d’exercer deux mandats consécutifs. Traditionnellement, en Amérique latine après l’ère des caudillos, la loi fondamentale n’autorisait qu’un seul mandat présidentiel. Après le retour à la démocratie dans les années 1980 et 1990, plusieurs pays du sous-continent sont revenus sur cette disposition, mais pas le Chili.

Mais Sa popularité est antérieure à son accession à la présidence. Nommée ministre de la Défense en 2002 par le président Ricardo Lagos, elle travaille au dialogue entre civils et militaires, dans un pays aspirant à une réconciliation nationale après les années de plomb de la dictature. La fille de général rompt avec le style figé de la classe politique traditionnelle. Souriante, chaleureuse, celle que les Chiliens appellent simplement Michelle n’hésite pas à serrer les gens dans ses bras ou à danser et chanter en public si l’occasion se présente.

Le paradoxe : une femme deux fois élue dans un pays très machiste

Michelle Bachelet est non seulement la première femme élue Présidente de son pays, mais elle a été élue deux fois, qui plus est dans un deul avec une autre femme, la conservatrice Evelyn Matthei. Entre ses deux mandats, l’ex-future présidente du Chili a été nommée directrice exécutive de l’ONU Femmes, à New-York.

Divorcée, mère de trois enfants et grand-mère, Michelle Bachelet s’est engagée en faveur de l’amélioration des droits des femmes dans ce pays ultra-conservateur, où l’avortement, même thérapeutique est interdit. Elle a toutefois réussi à faire légaliser le divorce et à introduire l’usage de la pilule du lendemain, pour tenter de réduire les grossesses d’adolescentes, un fléau en Amérique du Sud.

Bachelet saura-t-elle féformer et le « modèle » libéral chilien?

La socialiste élue ce dimanche, a promis de mener « enfin » à bien « de profondes transformations » pour combler les attentes de ses concitoyens. Elle entend mettre en marche ses réformes dans les cent jours suivant son investiture, le 11 mars prochain.

Son programme est notamment fondé sur une révision de la Constitution de 1980 héritée de la dictature, une réforme fiscale envisageant une augmentation de l’impôt des sociétés de l’ordre de huit milliards de dollars (3% du PIB). Celle-ci devrait permettre une refondation du système éducatif et l’amélioration du système de santé et des services publics.

LeChili fait figure de modèle libéral aux yeux de ses partisans, avec une croissance entre 3,75% et 4,75% prévue pour 2014 et un revenu par habitant a dépassé le seuil des 20.000 dollars, le plus élevé d’Amérique Latine, alors qu’il était de 5000 dollars en 1990.

La bonne santé du Chili souffre cependant du ralentissement de l’économie mondiale, du recul des investissements et de la baisse des prix du cuivre, dont il est le premier producteur au monde.

Mais au delà de ces signes de faiblesse, Michelle Bachelet devra surtour relever le défi de revendications sociales, principalement la réduction des inégalités et la réforme de l’éducation.

Le Chili est le pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) le plus inégalitaire en termes de distribution des revenus, rappelait The Economist au printemps. Le revenu des 10 % les plus riches est 26 fois supérieur à celui des 10 % les plus pauvres, souligne de son côté Le Monde. El l’ancien président Ricardo Lagos rappelait récemment que 80% des familles chiliennes sont en dessous du revenu moyen par habitant.

Autre sujet sur lequelle la nouvelle présidente est attendue: la réforme du système d’éducation, hérité de la dictature, jugé cher et inefficace. cette revendication avait jeté dans les rues de Santiago des milliers de manifestants en 2011. La candidate socialiste a promis d’aller dans le sens de la gratuité des études dans son programme électoral. Elle proposait de lancer une réforme instaurant la gratuité des études universitaires d’ici à six ans. Méfiants, les nouveaux leaders du mouvement étudiant avaient appelé à ne pas voter lors des élections. Une grande manifestation étudiante est d’ores et déjà prévue pour le 15 mars, quatre jours après la passation de pouvoir.

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