Lars Van Densen

Quelles leçons tirer, 25 ans après l’opération Tempête du Désert?

Lars Van Densen Responsable Paix et Moyen-Orient pour l’organisation Intal

Le 17 janvier 1991, sous commandement américain, une coalition de 29 pays a envahi l’Irak. Ce pays fut mis à genoux après une campagne de bombardements aériens particulièrement dévastateurs.

Vingt-cinq ans plus tard, il y a peu de raisons de s’enorgueillir de cette « victoire »: l’Irak, qui est un des pays les plus sous-développés au monde, fut a nouveau attaqué par les Etats-Unis en 2003 et est maintenant en proie à une terrible guerre civile. Des millions d’Irakiens sont en fuite, et une partie cherche asile en Europe.

Le but officiel de la Guerre du Golfe était de repousser l’Irak hors du Koweït, après que ce dernier fut attaqué par les forces de Saddam Hussein. Cependant, l’Irak était depuis longtemps dans la ligne de mire de l’Occident, non seulement parce qu’elle disposait d’énormes ressources pétrolières, mais aussi parce qu’elle était la voix du panarabisme et qu’elle s’opposait ouvertement à Israël. Les Etats-Unis saisirent donc l’opportunité de punir l’attaque irakienne et intensifièrent même leur campagne quand l’armée irakienne battit en retraite hors du Koweït.

La destruction d’un pays

Avant la guerre du Golfe, l’Irak était l’un des pays les plus prospères de la région. Boosté par les revenus d’une industrie pétrolière nationalisée, le pays se développa rapidement. Education et soins de santé devinrent accessibles à la population et l’espérance de vie était l’une des plus hautes de la région. Les bombardements mirent fin à tout cela: le tapis de bombe qui s’abattit sur le pays a détruit les infrastructures, les industries et de nombreuses autres cibles civiles, alors qu’un embargo sur les médicaments et sur les matériaux de construction compliqua la reconstruction et causa un effondrement de la qualité de vie après la guerre.

L’embargo ne fut pas suffisant pour finir d’asphyxier ce qui restait du pays. Au contraire, l’infrastructure fut reconstruite, et un coup sévère fut porté aux Etats-Unis quand le pétrole commença à être négocié en Euros et plus en Dollars. Après une campagne de mensonges orchestrée par Georges Bush et Tony Blair en 2003, une nouvelle coalition menée par les Etats-Unis envahit l’Irak, à la recherche d' »armes de destruction massive ». Cette fois, l’état irakien fut complètement détruit: l’infrastructure fut rasée, le régime Baathiste de Saddam Hussein fut chassé, et un nouveau régime fut installé par les Etats-Unis. Cette recette fut aussi appliquée par les Etats-Unis et leur coalition à la Lybie, où l’Etat a complètement disparu et où le chaos règne aujourd’hui encore.

Chaos dans la durée

Après deux guerres sanglantes en une génération, il n’est pas étonnant que le mécontentement des Irakiens se transforme en révolte. Les oppositions sectaires sont devenues de plus en plus aiguës: la majorité sunnite, marginalisée par le régime chiite mis en place par les Etats-Unis, devint le terreau de la branche irakienne de l’Etat islamique. Le panarabisme du parti Baath a été remplacé par le sectarisme religieux.

Les réfugiés irakiens continuent à risquer leur vie pour arriver en Europe. Avec les réfugiés afghans, ils forment le plus gros groupe de demandeurs d’asile en Belgique depuis 2003. Ils ne fuient pas uniquement la violence, mais aussi le manque d’eau de nourriture et de soins médicaux. D’après les Nations Unies, huit millions d’Irakiens, soit un tiers de la population, ont besoin d’aide humanitaire. Malgré les fusillades quotidiennes qui secouent la capitale irakienne, ses habitants sont systématiquement rejetés par le service des Affaires Etrangères car leur ville est « sûre ».

Il est important de se rappeler du début de la guerre du Golfe. Après des décennies d’interventions militaires, d’embargos et de poker géopolitique concernant les ressources gazières et pétrolières de la région, l’Occident a transformé l’Irak et toute la région qui l’entoure. Nous avons une responsabilité dans ce chaos, et nous n’avons apparemment rien appris.

Il n’y a, depuis longtemps, plus de solutions faciles aux problèmes que doit affronter l’Irak. Seul le développement durable et souverain, soutenu par la diplomatie, peut remettre le pays sur pied. Ce sont les véritables leçons que nous pouvons tirer de la guerre du Golfe. Investir dans les armes est au contraire une solution particulièrement peu judicieuse, alors que des alternatives diplomatiques existent. Les bombardements ne mènent qu’à plus de souffrance, plus de pauvreté, de famine et, en fin de compte, plus de guerre.

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