Les catastrophes naturelles en 12 questions

Inondations, pluies intenses avec ou sans grêle, tornades, tremblements de terre… La Belgique subit son lot de catastrophes naturelles. Dont certaines sont d’une ampleur telle qu’elles sont considérées comme des calamités publiques. Avec, à la clé, un différentiel en matière d’indemnisation.

Cinquante-cinq mille euros. Tel est le montant collecté, au 7 novembre dernier, par la commune d’Ittre pour venir en aide aux sinistrés de cette localité brabançonne qui, le 29 juillet dernier, disparaissait sous les eaux en moins de dix minutes. Dévalant depuis les champs pour se déverser dans le petit village en cuvette, formant un torrent avec le ruisseau voisin sorti de ses berges entre-temps, des coulées de boue ont tout dévasté sur leur passage. Bilan ? Plus d’une centaine d’habitations, des parcelles agricoles et des voiries communales sinistrées, cinq ponts emportés ou fortement endommagés et quelque 400 personnes évacuées, raisons pour lesquelles l’inondation a été officiellement reconnue calamité publique en septembre dernier. Ce genre d’événement spectaculaire nous parvient régulièrement via les médias et soulève son lot de questions. Etat des lieux avec divers experts et conseils choisis.

1. Quelles sont les catastrophes que l’on doit craindre en Belgique ?

La liste rouge de la Direction des calamités en énumère neuf. Cela va des pluies intenses aux tornades en passant par les inondations, la grêle, les pluies intenses et grêle, les pluies de longue durée, les tempêtes, la neige et les calamités tectoniques. Frédéric Van Dijck, assistant principal au sein de la cellule Aménagement-Environnement du Service public Wallonie (SPW) allonge cette liste officielle en pointant également les risques sismique et karstique, le radon, l’éboulement d’une paroi rocheuse et le glissement de terrain. Des phénomènes à surveiller, même s’ils ne sont pas reconnus comme calamités publiques du fait de leur caractère plus confidentiel ou de la plus faible amplitude des dégâts causés.

2. Quelle est leur fréquence ?

Entre 1993 – date à laquelle la Direction des calamités a commencé à compulser les dossiers d’indemnisation – et 2013, 114 calamités ont été répertoriées en Belgique, soit une tous les deux mois en moyenne. Plus de la moitié d’entre elles émanent de pluies intenses (59), tandis que l’on dénombre 16 tornades, 10 pluies de longue durée, 10 pluies intenses accompagnées de grêle et 10 inondations, le reste étant relativement insignifiant.

3. Quels dégâts ont-elles occasionnés ?

 » Le risque le plus important en Wallonie est sans conteste l’inondation, déclare Frédéric Van Dijck. Et ce, tant en termes de superficies concernées que de montants des dégâts occasionnés.  » Ainsi, la quasi-majorité (98 %) des communes wallonnes ont été inondées ces quinze dernières années.  » Les dégâts reconnus tiennent aussi bien compte des débordements de cours d’eau, du ruissellement concentré et des coulées de boue souvent associées, des remontées de nappe alluviale consécutives aux inondations de longue durée que du refoulement des systèmes d’égouttage « , précise-t-il encore.

4. Combien ont-elles coûté ?

Toujours sur cette période de vingt ans, de 1993 à 2013, le nombre total de biens (immobiliers et mobiliers, véhicules, terrains agricoles et forêts…) endommagés dans le cadre des catastrophes naturelles reconnues comme des calamités publiques est de 71 445, pour un montant brut de… 338 millions d’euros. La vétusté d’une partie de ces biens ayant été estimée à 19 millions d’euros, le dommage net s’élève à 319 millions d’euros. Chaque calamité a donc coûté près de 2,8 millions d’euros au Fonds des calamités. A cela s’ajoute la somme d’une centaine de millions d’euros assumée chaque année depuis 2007 (voir question 7) par les assurances privées pour les sinistres au titre des tempêtes et catastrophes naturelles, avec de fortes variations d’une année à l’autre.

5. Quelles sont les régions les plus touchées ?

La Belgique n’est pas égale sur le plan des calamités. Certaines provinces paient un plus lourd écot que d’autres. C’est le cas de la Flandre-Occidentale (qui concentre 15 % des biens sinistrés) et de la Flandre-Orientale (14 %), suivies de près par Anvers et Liège ex-æquo (13 %), puis Namur et le Brabant flamand, ex-æquo également (11 %). Bruxelles (4 %) est relativement épargnée, de même que le Luxembourg (3 %) et le Brabant wallon (2 %), tandis que le Limbourg (8 %) et le Hainaut (7 %) se situent entre les deux extrêmes.

6. Comment une catastrophe est-elle reconnue calamité publique ?

Le service des calamités mis en place par la loi éponyme de 1976 a pour missions principales la reconnaissance d’un phénomène naturel en tant que calamité publique et l’indemnisation des victimes, via le Fonds des calamités. La procédure, souvent longue et basée sur une expertise établie par des facteurs scientifiques, fait intervenir la commune, le gouverneur de province et le ministère de l’Intérieur. Ce n’est qu’après sa publication au Moniteur que la catastrophe naturelle est officiellement reconnue calamité publique. Un scénario amené à changer puisque, dans le cadre de la sixième réforme de l’État, le Fonds des calamités sera transféré aux Régions.

7. Que doivent faire les victimes pour être indemnisées ?

Depuis le 1er mars 2007, toutes les polices d’assurance habitation (incendies, risques simples) sont légalement tenues d’indemniser la plupart des sinistres  » ordinaires  » causés à une maison d’habitation et son contenu par une catastrophe naturelle (inondations, tremblements de terre, débordements ou refoulements d’égouts, glissements/affaissements de terrain). C’est donc en premier lieu vers son assureur qu’il faut se tourner. Si la catastrophe naturelle a été officiellement reconnue calamité publique ou s’il est clairement établi que l’assureur ne pourra pas intervenir (dans le cas de biens qui ne constituent pas des risques simples ou de voitures qui ne sont pas à l’abri dans un garage ou sous un car-port, par exemple), le particulier lésé peut faire appel au Fonds des calamités. Pour ce faire, il doit introduire un formulaire de demande auprès du gouverneur de la province où ses biens sont sinistrés. La commune peut l’aider à remplir ce document. Les services du gouverneur examineront le dossier et enverront un expert sur place pour estimer les dégâts. En cas de décision favorable, la Caisse nationale des calamités paiera l’indemnité due.

8. Comment les assureurs couvrent-ils ce risque supplémentaire ?

Le système mis en place voici sept ans se base sur la solidarité entre assurés.  » Tous les biens ne sont pas égaux face au risque engendré par les catastrophes naturelles, pointe Wauthier Robyns, porte-parole d’Assuralia, l’Union professionnelle des entreprises d’assurances. Afin d’éviter que les primes ne deviennent impayables pour ceux qui ont le plus besoin d’être couverts, il a été décidé d’instaurer une surprime à charge de l’ensemble des assurés.  » Celle-ci oscille entre 15 et 30 euros par an. Toutefois, si le bien est situé dans une zone à risque, le bureau de tarification réclame 0,9 euro par tranche de 1 000 euros assurés. La surprime peut donc, dans certains cas, avoisiner et même dépasser les 100 euros par an. Quant aux montants assurés, ils ne peuvent être différents de ceux repris dans le contrat incendie de base. Si le plafond global prévu est dépassé, c’est la Caisse nationale des calamités qui complétera l’indemnisation.  » Attention, cela vaut pour les biens existants, souligne le porte-parole. Il n’y a pas de garantie pour les gens qui décident de construire dans une zone à risque. Ceux-là devront se renseigner au préalable afin de trouver un assureur qui accepte de couvrir leur habitation.  »

9. L’aide peut-elle venir de l’Europe ?

L’Europe participe aussi à l’effort national via le Fonds de solidarité de l’Union européenne (FSUE), mis en place dans le but de faire face aux grandes catastrophes naturelles et d’exprimer la solidarité de l’Union à l’égard des régions sinistrées. Le Fonds a été créé en réponse aux graves inondations qui ont touché l’Europe centrale durant l’été 2002. Depuis, il est intervenu dans soixante cas de catastrophes naturelles, parmi lesquels des inondations, des incendies de forêts, des tremblements de terre, des tempêtes et la sécheresse. A ce jour, 23 pays européens ont bénéficié de cette aide pour un montant de plus de 3,6 milliards d’euros. La Belgique n’en fait pas partie.

10. Comment sont déterminées les zones à risque ?

La détermination des zones à risque fait partie du travail de programmation et de planification urbaines effectué par les services de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire des différentes Régions. En Wallonie, cette tâche revient, entre autres missions, à la Cellule Aménagement-Environnement.  » Nous réalisons des cartographies du territoire wallon en y inscrivant les différents risques naturels auquel il est exposé, indique Benoît Gervasoni, attaché responsable de la cellule. En découle la définition de périmètres de sécurité au sein desquels il est soit interdit de construire, soit permis moyennant certaines conditions, telle une adaptation du bâti ou du type d’activités.  » Certains de ces périmètres sont immuables, à l’image de ceux entourant les parois rocheuses ou les régions karstiques. D’autres, relatifs aux risques d’inondations, par exemple, évoluent au fil du temps et sont régulièrement mis à jour. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ceux-ci ne sont pas repris dans les plans de secteur régionaux.  » Ces cartographies agissent comme des signaux clignotants, précise-t-il. Ils n’ont pas valeur réglementaire mais sont censés nourrir la vigilance des communes.  » Car, en matière de délivrance des permis, ce sont elles qui ont la main.  » A partir du moment où les communes ont des doutes sur un projet, quel qu’il soit, grand ou modeste, elles peuvent aussi faire appel à nous pour recevoir un avis technique et juridique motivé.  » Ces avis tiennent compte tant de la vulnérabilité du projet de construction aux risques naturels, que de son impact sur son environnement et donc, de sa propension à augmenter le taux de risque.  » Il ne faudrait pas rejeter le problème sur les propriétés voisines, voire l’empirer « , souligne Benoît Gervasoni. L’urbanisation grandissante, qu’elle soit le fait de bâtiments ou de voiries, participe en effet à l’imperméabilité croissante du sol, ce qui augmente la probabilité et l’importance des inondations. La mise en place de bassins d’orage et autres bassins de rétention d’eau, mais aussi la préservation et la création d’espaces verts – perméables – est un axe stratégique de la prévention des risques.

11. Comment protéger son bien contre les risques les plus courants ?

Afin de mettre toutes les chances de leur côté en cas d’inondation, la catastrophe naturelle la plus répandue en Belgique, les particuliers sont invités à réduire la vulnérabilité de leur habitation au moyen de mesures plus ou moins simples à mettre en oeuvre. A cet effet, la Cellule Aménagement-Environnement a publié un guide (1) de bonnes pratiques pour assurer la sécurité des personnes, limiter la pénétration de l’eau dans le bâtiment et, enfin, faciliter le retour à la normale. Parmi elles, outre poser les inévitables batardeaux et sacs de sable : empêcher la flottaison des objets aux abords de la maison ; traiter les fissures et colmater les joints creux ; colmater les gaines des réseaux électriques, téléphoniques, d’eau, de gaz… ; mettre hors eau le tableau électrique et créer un réseau distinct pour les locaux inondables ; mettre hors eau les installations de chauffage et d’eau chaude sanitaire ; etc.

12. En cas de projet de construction, à quoi faire attention ?

Lorsque l’on conçoit son habitation des fondations au toit, quelques conseils s’imposent afin de la protéger au mieux des inondations. En fonction du terrain, tout d’abord, il s’agira, s’il est particulièrement bas ou en cuvette, de rehausser les fondations comme le niveau du sol alentours. Les portes et les portes- fenêtres sont à inscrire moyennant un seuil de faible hauteur. Il est judicieux d’utiliser des isolants thermiques retenant faiblement l’eau, afin que, lorsque celle-ci se retire, le retour à la normale soit accéléré. Dans la même optique, mieux vaut éviter les cloisons en plaque de plâtre, installer des menuiseries en PVC ou en aluminium et choisir des revêtements de sols résistants à l’eau. Côté matériaux, et au même titre que les techniques de construction, les briques, tuiles, ardoises, béton etc. qui constituent les habitations belges sont soumis à des normes européennes appelés Eurocodes, au nombre de 58. Ceux-ci tiennent compte, dans leurs prescriptions, des différents risques liés aux catastrophes naturelles. Toutefois, leur transposition dans le droit belge étant d’application volontaire, l’ensemble de ces Eurocodes ne se retrouvent pas dans le code wallon. C’est le cas, par exemple, de l’Eurocode 8, relatif au risque sismique.

(1)  » Inondations. Réduire la vulnérabilité des constructions existantes « , téléchargeable sur www.wallonie.be/sites/wallonie/files/publications/ spw_livre_inondations_bd.pdf

Par Frédérique Masquelier

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