Surpayés, les eurocrates ?

Les salaires des fonctionnaires européens ont la réputation d’être très confortables. Par rapport à ceux de leurs collègues belges, certainement. Mais tout est question de mesure.

Les fonctionnaires européens sont-ils surpayés ? C’est l’image qu’on s’en fait en Belgique. A l’échelle européenne, la réalité est plus nuancée. Quelques chiffres : un universitaire sans expérience touchera, au minimum, 4 068 euros par mois dans les institutions européennes. En fin de carrière, le salaire peut monter jusqu’à 17 182 euros. Il s’agit de montants bruts, mais le niveau d’imposition, qui varie de 8 à 45 %, est bien plus faible qu’en Belgique (voir tableau 1). En revanche, ils ne peuvent prétendre qu’à deux abattements fiscaux : pour enfant à charge et pour frais professionnels (10 %). Ils ne perçoivent ni pécule de vacances ni 13e mois et ne disposent pas de voiture de société, cartes essence, chèques-repas…

La grille des rémunérations est revue chaque année suivant une méthode qui prend en compte à la fois les barèmes pratiqués dans les diverses administrations nationales et l’inflation à Bruxelles. A cela s’ajoutent les indemnités : installation, allocations familiales, éducation… Un eurocrate belge ne peut évidemment prétendre à l’indemnité de dépaysement de 16 %. Sauf s’il travaille, par exemple, à la Cour de justice à Luxembourg, même s’il s’agit d’un Arlonais… En revanche, un Ch’ti qui occupe un poste au Parlement européen à Strasbourg en sera privé. Dur !

Situation encore plus avantageuse : partir dans une des délégations de l’Union européenne dans le monde. L’indemnité d’expatriation peut atteindre 40 % du salaire, sans compter le coefficient correcteur en fonction du coût de la vie. Autrement dit, dans certains pays pauvres, un délégué peut gagner jusqu’à deux cents fois le salaire d’un fonctionnaire local ! Et que touche un commissaire européen comme Louis Michel ?  » Les commissaires sont hors cadre « , répond-on poliment. On estime que leurs rémunérations représentent entre 112 et 138 % du maximum de la grille, soit entre 20 000 euros mensuels pour un commissaire et 23 000 euros pour José Manuel Barroso, président de la Commission.

D’après une étude menée pour le compte de la Commission européenne, le niveau de rémunération nette dans les institutions européennes est supérieur à celui observé à l’Otan (voir tableau 2), mais généralement inférieur aux salaires du personnel de grade comparable employé par les multinationales et certains ministères nationaux. Ainsi, dans la fonction publique française, un fonctionnaire marié de grade équivalent à A6/A7 perçoit un traitement net quasi équivalent à celui du fonctionnaire européen, tandis que son collègue danois n’en touchera que la moitié.

Depuis l’avènement de l’Europe des Vingt-Sept et la nécessité de comprimer les coûts de l’élargissement, les nouveaux recrutements se font à des niveaux plus bas. Pour un universitaire, cela équivaut à un manque à gagner de 500 à 1 300 euros mensuels.  » La progression salariale devrait toutefois être plus rapide, remarque Félix Géradon, de l’Union syndicale, principal syndicat au sein des institutions européennes. Le nouveau système prévoit un tel rattrapage, mais seuls ceux qui auront une carrière complète en profiteront.  » Enfin, la catégorie D, qui regroupait huissiers, chauffeurs, etc., a disparu. Tout nouveau recrutement de ce type de personnel se fait désormais sur une base contractuelle, et la rémunération a été revue à la baisse.

François Janne d’Othée

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