BHV: non, ce n’est pas un échec

Les chroniqueurs de l’aventure institutionnelle belge, qui adorent consulter le calendrier des saints, inscriront-ils dans les annales  » le désaccord de la Sainte-Solange  » ? Ils devraient. Le mardi 10 mai, en soirée, les négociateurs flamands et francophones qui planchaient sur la scission de l’arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde (BHV) ont dû constater l’impossibilité d’aboutir à un troc équilibré. Arrivés au fond de l’impasse, ils n’avaient plus qu’à rentrer chez eux et méditer ce paradoxe : la négociation entamée fin avril est remarquable û on n’ose pas dire historique û précisément parce qu’elle n’a débouché sur rien. Pour une fois, et même si cela n’est que provisoire, une exigence portée par l’ensemble de la classe politique flamande n’est pas satisfaite parce qu’un front francophone, à son tour et de façon unanime, a posé ses conditions. A cet égard, parler d' » échec « , comme l’ont fait des ténors francophones mercredi matin, est pour le moins surprenant.

Il faut revenir brièvement au point de départ pour évaluer les non-résultats du marchandage. Invoquant un arrêt de la Cour d’arbitrage qu’il interprète à sa façon, le gouvernement flamand inscrit la scission de BHV à son programme alors que la matière relève du pouvoir fédéral. Quelques bourgmestres de l’arrondissement en font un sujet de chantage à la veille du scrutin européen de juin 2004. Les francophones répètent sur tous les tons qu’ils ne sont  » demandeurs de rien « . Sous la pression, Verhofstadt ne peut éviter d’ouvrir les débats. Les francophones fixent alors leur prix û élevé û en imaginant d’élargir la Région de Bruxelles pour y intégrer des communes périphériques. Au fil des discussions, ils placent la barre plus bas. Mais trop haut encore pour les négociateurs flamands ( lire en page 16).

On ne touche donc pas à BHV ? C’est précisément ce que réclamaient unanimement les partis francophones, et cela depuis plus d’un an ! Le gouvernement Verhofstadt ne règle pas le problème ? Son programme ne l’y engageait pas. Les compensations que les francophones étaient à deux doigts d’obtenir s’envolent ? Elles n’avaient, en réalité, rien de très glorieux. Abolir les circulaires Peeters et Martens n’était jamais qu’un retour à la situation sans tracasserie d’avant 1997. Permettre le vote pour des listes bruxelloises dans les communes à facilités garantissait seulement un statu quo (vieille stratégie qui  » vend  » aux francophones ce qu’ils ont déjà). Assouplir le bilinguisme à Bruxelles était une mesure de bon sens qui ne devrait même pas faire partie d’un marché. Elargir la compétence de la Communauté française aux communes à facilités ? C’était la seule avancée digne de ce nom, même si les écoles primaires de ces communes relèvent déjà de la Communauté française pour ce qui concerne l’inspection pédagogique. S’y seraient ajoutés la culture et le sport, voire aussi l’enseignement secondaire. Inacceptable û sans surprise û du point de vue flamand.

En fin de compte, vue du Sud, la rupture des discussions sur le dossier BHV û et son éventuelle mise au frigo û laisse un bilan intéressant : les francophones ont montré une rare capacité à coordonner leurs stratégies, le rapport de force communautaire est rééquilibré à l’échelon fédéral, le schéma institutionnel belge ne s’alourdit pas d’une complication électorale supplémentaire, le citoyen û flamand comme francophone û ne gagne rien mais ne perd rien non plus. Et, rêvons un peu, Verhofstadt peut enfin remobiliser son équipe sur les défis socio-économiques, autrement plus importants.

Il faudra au Premier ministre, c’est vrai, beaucoup de talent pour faire avancer dans la sérénité le dossier des fins de carrière et de la sécurité sociale, pour ne citer qu’eux. Non seulement, le climat au sein de sa majorité restera marqué par les récents événements, mais la pression des partis flamands pour régler un autre jour l’affaire BHV restera forte. Et, tôt ou tard, il faudra bien rencontrer l’objection de la Cour d’arbitrage sur le découpage électoral en Brabant flamand. En outre, Guy Verhofstadt a perdu un point dans la bagarre : sa méthode a échoué. Il ne suffisait pas d’emprunter à son prédécesseur, Jean-Luc Dehaene, la technique des marathons nocturnes et des huis clos discrets. Il fallait aussi avoir du bon matériel de rechange dans sa besace de plombier. Mais on sait, à ce propos, que le Premier ministre préfère souvent le jeu de poker à la clé anglaise…

Jean-François Dumont

L’arrondissement ne sera pas scindé ? C’est ce que voulaient les partis francophones, pour une fois unis et entendus. L’électeur, lui, ne gagne mais ne perd rien non plus. Verhofstadt doit maintenant revenir à l’essentiel

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