De quel bois se chauffe Laurent Minguet?

Michel Delwiche
Michel Delwiche Journaliste

Ecolo et homme d’affaires, le Liégeois Laurent Minguet a planté, au Sénégal, des arbres qui fourniront la moitié de notre électricité et de notre chauffage.

A Amay, dans la commune de Jean-Michel Javaux, coprésident d’Ecolo, l’éclectique homme d’affaires Laurent Minguet a acheté un terrain en bord de Meuse pour y créer une unité de cogénération (production simultanée d’électricité et de chaleur). Il s’agit tout simplement d’une (grosse) chaudière qui, ravitaillée au bois, va produire de l’eau chaude en même temps que de la vapeur. Celle-ci alimentera une turbine pour produire de l’électricité, tandis que l’eau chaude sera dirigée vers les habitations (radiateurs, cuisine, salle de bains…). Un millier de foyers sont concernés.

Laurent Minguet, fondateur d’EVS, la société qui a vendu aux télévisions du monde entier le système de ralentis en direct, ou de XDC, fournisseur de matériel de projection numérique des salles de cinéma, est aussi partenaire du projet Mediacité à Liège, investisseur dans des sociétés novatrices, donateur au FGF (Fonds pour les générations futures), membre d’Ecolo depuis plus de 20 ans. Il s’est également lancé dans la construction basse énergie et la production d’énergie renouvelable.

600 centrales

Les réseaux de distribution de chaleur, c’est l’avenir, estime-t-il.  » A terme, les intercommunales de distribution de gaz et d’électricité pourraient proposer de la chaleur, du moins dans les zones suffisamment peuplées. Les ménages n’auraient plus besoin de faire installer et entretenir une chaudière et feraient une belle économie d’échelle sur le combustible. A Amay, le projet arrive au stade de l’étude d’incidence. Le but est, dans une première phase, de chauffer un millier de logements, dont ceux de la cité Rorive (habitations sociales), de leur fournir l’électricité, et même d’en récupérer le surplus. « 

Laurent Minguet ne compte pas s’arrêter à Amay : son projet, ambitieux, est de créer 600 centrales de cogénération pour produire un peu plus de la moitié de l’électricité dont la Belgique a besoin (soit presque autant que celle des centrales nucléaires) et d’alimenter en chaleur 50 % des logements et bâtiments publics du pays grâce à 30 000 kilomètres de conduites souterraines super-isolées (des réseaux locaux d’une longueur moyenne de 50 km).

Un rendement supérieur

La surface de la Belgique entière ne pourrait suffire à produire le bois nécessaire. En revanche, les besoins du pays pourraient être couverts par des plantations tropicales, où le rendement est de 3 à 5 fois supérieur, et où la place ne manque pas.

Le hasard fait bien les choses : Laurent Minguet est tombé amoureux du Sénégal, et y a acheté une propriété où il se rend plusieurs fois par an.  » Le Sénégal, explique-t-il, produit son électricité avec du fuel lourd. Ce serait pour lui nettement moins cher, moins de la moitié, de la produire avec du pétrole vert, de l’énergie d’origine végétale. Et pour que les Sénégalais puissent organiser l’abondance, un concept qui leur est cher, j’ai pensé à ces centrales biomasse, alimentées au bois, et donc à planter des arbres. J’ai commencé en 2006, et aujourd’hui je dispose de 600 hectares où poussent un million d’arbres. J’en aurai 400 hectares de plus cette année, et mon plan est de disposer de 100 000 hectares (1 % de la surface du pays), avec 200 millions d’arbres. « 

Des bateaux de pellets

Il s’agit de plantations d’une variété d’eucalyptus, à croissance rapide, localisées en Casamance, dans le sud du Sénégal, une région où il pleut plus (si, si !) qu’en Belgique. Un tel projet n’est pas concevable dans le nord. Une fois les besoins sénégalais satisfaits, le bois excédentaire, transformé localement en pellets, pourra être importé pour alimenter la centrale d’Amay ou les 599 autres.

 » Le transport par bateau est peu gourmand en énergie, fait valoir Laurent Minguet, il n’est pas question ici d’importer par avion des fraises d’Israël ou d’Egypte, avec un transport qui consomme 1 kg de pétrole par kg de fruits. C’est finalement plus écologique d’importer le bois que de le produire chez nous, où le rendement est beaucoup plus faible. Nous n’allons pas non plus cultiver ici des bananes, du café ou du cacao. Il faut se méfier des idées toutes faites. La vaisselle à la main est moins écologique que l’utilisation du lave-vaisselle. « 

Michel Delwiche

 » La vaisselle à la main est moins écologique que l’utilisation du lave-vaisselle « 

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire