Et à la fin Joly chuta

Personne n’imaginait la campagne de la candidate écologiste se dérouler tranquillement. De là à ce qu’elle prenne les allures d’un calvaireà

Dans l’une des maisons de l’île de Groix, un portable ne cesse de sonner. De nombreux journalistes, en cet été 2010, cherchent à joindre Eva Joly : la rumeur l’annonce comme possible candidate à l’élection présidentielle française de 2012. La sexagénaire ne répond pas aux appels. L’idée lui a été soufflée par quelques députés européens et elle ne saurait trop quoi dire. L’écrivain Judith Perrignon, venue travailler avec elle à l’écriture d’un roman policier, la met en garde :  » Si tu y vas, il faut que tu en aies très envie. Car cela va être d’une grande violence.  » Eva ira. Eva verra.

Vingt mois plus tard, dans la première classe d’un TGV Paris-Bordeaux, la candidate écologiste livre un petit bout de bilan.  » Un jour, on étudiera la manière dont j’ai été traitée par la presse dans cette campagne. Même si je savais bien que ce ne serait pas une danse sur les roses, je ne m’attendais pas à cette forme de Joly bashing.  » Ne pas imaginer pour autant l’ancienne juge au bord des larmes :  » Je sais très bien, par expérience, ne pas tenir compte de l’opinion.  » Vraiment ?  » A partir du moment où j’ai mon petit cercle.  » Sur la gigantesque terrasse de l’hôtel de la Corniche, qui mord sur la dune du Pilat, le  » petit cercle  » l’entoure en cette fin de mars. Un gin tonic au premier plan, le coucher de soleil au second, Eva Joly sourit :  » Il faut être inconsciente et tranquille. Au fond, je prends tout cela comme un jeu. « 

Il y a des jeux dont les participants souhaitent qu’ils se terminent au plus tôt.  » Vivement le 22 avril, que je prenne des vacances « , a glissé la candidate, il y a un mois, à son conseiller Patrick Farbiaz. Passé le premier tour, elle veut aller se reposer en Corse, afin d’y faire un peu de sport et attention à ce qu’elle mange.

La détermination n’empêche pas la souffrance

Mais la femme politique devra patienter encore un peu : entre les deux scrutins, il faudra sans doute se rendre à un meeting de soutien à François Hollande. Cette volonté d’en finir s’explique par la longueur et l’intensité du calvaire vécu. Le 30 novembre 2011, de retour d’une semaine d’exil en Charente, afin d’oublier l’accord signé entre les appareils Verts et socialiste, Joly envoie un SMS en forme de SOS à Irène Frachon, docteur brestois dénonciatrice des ravages du Mediator :  » Chère Irène, la campagne va être dure et terrible. Voulez-vous m’aider ?  » La pneumologue décline un engagement trop partisan, mais pianotera, un mois plus tard, sur son iPhone, en réaction à la publication d’une chronique moqueuse de Patrick Besson dans Le Point :  » J’espère que vous n’êtes pas trop affectée par les polémiques infectes dont on vous a gratifiée. Je découvre l’ignominieà « 

Ceux qui la connaissent ne pouvaient être que persuadés qu’elle ne se désisterait pas. Mais, lorsque l’on porte une croix, la détermination n’empêche pas la souffrance. Dans un avion volant vers la Réunion, cet hiver, Eva Joly évoque les nombreux éditoriaux remettant en question sa compétence et sa légitimité. Le Figaro venait de consacrer sa Une à  » L’erreur de casting « . Saisissant l’avant-bras de son interlocuteur, elle commente alors, sur le ton de la supplique :  » Ces torrents de haine, vous savez, c’est horribleà « 

A cela s’ajoutent le scepticisme initial de Cécile Duflot, quelques coups de canne de Dany Cohn-Bendit ou de Noël Mamère, et voilà la petite dame aux lunettes rouges chutant, en épilogue de l’histoire de sa campagne, dans l’absurdité d’un dimanche 1er avril passé seule au cinéma.  » Ma mère n’a pas la culture politique de la duplicité, résume son fils, Julien, 36 ans. Les critiques internes l’ont beaucoup touchée. Finalement, cette campagne était une aventure. Disons que, pour cette femme qui a eu plein d’activités différentes dans sa vie, celle-là était un peu bizarreà « 

TUGDUAL DENIS

 » Ma mère n’a pas la culture politique de la duplicité  » JULIEN, SON FILS

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