Donald Trump © REUTERS

Même ceux qui laissaient le bénéfice du doute à Trump, doivent admettre qu’il se plante

Jonathan Holslag
Jonathan Holslag Jonathan Holslag est professeur en relations internationales à la VUB.

« Trump délite le monde euroatlantique et cela entraîne inévitablement un affaiblissement collectif, craint Jonathan Holslag (VUB).

Jean Hotman, ambassadeur au 17e siècle, affirmait que la tâche principale de diplomates consistait à dissimuler les bêtises de la patrie et du souverain, « un peu comme un enfant le ferait pour un parent sénile ». Ça ne fonctionne pas toujours très bien. Ainsi, la diplomatie américaine n’est plus capable de masquer la stratégie du président Donald Trump, et encore moins de la compenser. « Je suis le seul qui compte », avance Trump. Depuis son entrée en fonctions, le personnel diplomatique des États-Unis s’est réduit de 10% et le département d’État a été marginalisé dans le processus décisionnel.

Le Conseil de sécurité national a été dégradé à un prolongement de l’égo de Trump, à tel point que le conseil a dû produire en amateur une vidéo de propagande pour le sommet avec Kim Jong-un la semaine dernière. Même le département de Défense doit y passer. Bien que le ministre de la Défense, James Mattis, impose toujours le respect et que la force armée américaine reçoit de l’argent en plus, eux aussi sont confrontés à des surprises. La semaine dernière, le lendemain du sommet, j’étais par hasard en compagnie de quelques généraux américains, et manifestement, personne n’était au courant de la décision de Trump, de cesser les exercices militaires avec la Corée du Sud comme concession à la Corée du Nord. Après, le président américain joue de toute manière un rôle important dans la politique étrangère, mais cette évolution est tout de même inquiétante.

Les positions du président doivent être affinées et modérées là où nécessaire par cinq facteurs : la consultation avec les départements compétents, l’analyse des services de renseignements, les avis du Conseil de sécurité national, le Congrès américain et les médias. Ce premier facteur disciplinant est donc affaibli. Avec John Bolton comme conseiller de sécurité, Trump est plutôt confirmé dans son impétuosité. C’est la pensée collective, où les positions égales se renforcent, qui prime. Le Congès, certainement depuis le départ de républicains charismatiques de la trempe de John McCain, n’a pas tendance non plus à freiner. Les médias critiques que sont CNN et The New York Times sont ignorés, car les électeurs de Trump ne les regardent pas.

La personnification de la politique étrangère américaine est d’abord un drame pour les États-Unis. Prenez les entretiens avec la Corée du Nord : même si Kim poursuit le démantèlement de son programme d’armes nucléaires et que Washington remporte une victoire à cet égard, Trump a fait du tort à la position américaine en Asie de l’Est. La Corée du Sud se sent dépassée et trouve que les Américains ne cherchent qu’un succès rapide dans se soucier du long terme : la menace que représentera la Corée du Nord les années à venir et la discussion sur la réunification si les Nord-Coréens signent un jour un traité de paix. Le Japon se plaint que les Américains sont moins fiables, mais maintenant on dit à haute voix que Trump ne s’occupe que de missiles intercontinentaux nord-coréens et pas de missiles qui peuvent toucher l’archipel japonais. Cela compromet des alliances importantes, ce qui est à l’avantage du concurrent principal de l’Amérique : la Chine.

En ce qui concerne la Chine, Trump a fait semblant. Si initialement on avait dit qu’il s’en prendrait au secteur de télécom chinois pour atteintes supposées à l’embargo contre l’Iran, l’entreprise chinoise ZTE s’en est tirée avec un arrangement d’un milliard de dollars : pour les Chinois de l’argent de poche. Pour le moment, il y a peu de menaces dans les relations commerciales, mais peu de mesures dures et cela donne un peu de temps supplémentaire à Pékin pour rendre son économie moins fragile. Le départ anticipé de Trump du sommet du G7 au Canada a donné l’opportunité aux Chinois de montrer qu’ils sont constants et fiables lors du sommet presque simultané de la Shanghai Cooperation Organization (SCO). Suite à la politique de confrontation économique américaine à l’égard de l’Europe et du Canada, la Chine apparaît de plus en plus comme un partenaire alternatif, ce qui isole l’Amérique. Cependant, Trump délite aussi le monde euroatlantique et cela mène inévitablement à un affaiblissement collectif.

Ceux qui laissaient le bénéfice du doute à Trump doivent peu à peu admettre qu’il ne réussit pas grand-chose. La politique de Trump n’a rien à avoir avec le réalisme politique – la conservation et la maximalisation efficace du pouvoir international – et témoigne d’imprudence. La plus grande menace réside dans le fait que l’attitude de Trump sape la position diplomatique de l’Amérique, que la promesse de grandir l’Amérique sera ouvertement contestée par des pays comme la Chine et que l’imprudence caractéristique de Trump avivera les tensions qui en découlent.

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