Décollage d’urgence

Avec le séisme Caterpillar, le bassin carolorégien est une nouvelle fois confronté à l’absolue nécessité d’une reconversion. Le temps presse… Mais quels sont les axes de développement ?

Je voudrais faire passer un message à vous, les étudiants, qui allez bientôt entrer dans la vie active : osez ! Osez vous prendre en main et créer autour de vous des projets auxquels vous croyez. Osez décider votre avenir à Charleroi « , lançait, le 9 mai 2012, Yves Lardinois, député provincial en charge de l’Enseignement, à des étudiants en marketing de l’IETCPS (1) qui avaient organisé un vaste colloque au thème pour le moins actuel :  » Charleroi décolle : l’urgence d’une reconversion « .  » Dans l’assemblée : le Premier ministre Elio Di Rupo.

Si le décollage se fait tout de même attendre, l’urgence de la reconversion s’impose, en effet.  » Parmi les vieilles régions industrielles européennes, le Hainaut fait encore figure de zone sinistrée, constatait Thomas Englert, chargé de cours à l’IETCPS. Charleroi a subi le choc de l’effondrement de la vieille industrie lourde de plein fouet. La ville présente la particularité d’avoir eu énormément de mal à lancer son redéploiement économique. Charleroi rime aujourd’hui avec pauvreté, criminalité et corruption, plutôt qu’avec les succès techniques et les ascensions sociales du passé […]. Le chômage touche 25 % de la population active, ce chiffre atteint 40 % chez les jeunes de moins de 25 ans.  »

Déboires industriels en série

Posé alors que le groupe Duferco venait d’annoncer la fermeture définitive de la phase à chaud carolo (Carsid) , à l’arrêt depuis l’automne 2008, ce constat n’a malheureusement rien perdu de son actualité. D’aucuns diront même qu’il s’est aggravé dans le sillage des récents déboires de Caterpillar. En annonçant, fin février, son intention de supprimer 1 400 emplois au sein de son ex-usine modèle de Gosselies, le géant américain des engins de génie civil a provoqué un cataclysme dans la région : née dans les Golden Sixties, régulièrement maintenue à la pointe de la technologie à coups de centaines de millions d’euros d’investissements, cette usine était comme un phare dans une mer démontée… Le bassin carolorégien pourra-t-il s’en remettre ? A première vue, la reconversion y paraît moins avancée qu’à Liège, où nombreux sont pourtant ceux qui s’impatientent de la lenteur avec laquelle s’effectue la sortie de l’ère sidérurgique. Alors que la principauté s’est dotée d’un organe moteur pour  » penser  » son avenir sous la forme du GRE-Liège, en partenariat avec l’ULg, c’est au Comité de développement stratégique (CDS) de Charleroi et du Sud-Hainaut que revient la responsabilité d’oeuvrer à la reconversion des bords de la Sambre.

Ce Comité de développement stratégique, il faut le connaître… pour le trouver. Pas de site Web, ni même de structure juridique servant de réceptacle à ses activités auxquelles participent pourtant toutes les forces vives locales (politiques, patronales et même syndicales).  » Le Comité est né en 1997 dans le sillage de la décision du groupe Duferco de fermer sa cokerie, à Marchienne-au-Pont : ce projet libérait des terrains qu’il fallait assainir et dont il fallait étudier les affectations, commente Anne Prignon, la directrice générale de Sambrinvest qui préside la commission prospective du CDS. L’objectif de départ était donc relativement limité, et fut du reste contrecarré par les tergiversations de Duferco qui, deux ans plus tard, envisageait la construction d’une nouvelle cokerie, avant d’y renoncer…  » Chemin faisant, et déboires industriels aidant, le CDS a vu s’élargir sa mission et, surtout, se renforcer l’urgence de la mener à bon port.  » Caterpillar est un coup de tonnerre, poursuit Anne Prignon. Nous allons d’ailleurs lancer une étude sur les forces et faiblesses de la région, ses atouts et ses handicaps jusqu’à l’horizon 2030. De là à conclure que nous sommes restés inactifs, il y a cependant une marge : notre visibilité est faible, c’est vrai, mais nous agissons de manière pragmatique, dossier par dossier, en ayant déjà une bonne idée des axes sur lesquels nous devons capitaliser : l’aéroport, bien entendu, mais aussi l’implantation de l’ULB et sur le site de Gosselies.  »

Le prix de la paupérisation

Même si le souci de faire bénéficier ces axes de développement à l’emploi local est réel, il n’en reste pas moins un défi.  » Avec seulement 11 % de la population diplômée de l’enseignement supérieur de type long en 2007 par rapport à une moyenne nationale de 22,3 % et seulement 22,1 étudiants pour 1 000 habitants, Charleroi paie le prix de la paupérisation de sa population, relevait Thomas Englert. La ville et son hinterland ne disposent pas ou peu du capital humain suffisant pour alimenter l’économie de la connaissance qui est en développement autour de l’aéropole.  »

Diverses initiatives, parmi lesquelles le Campus technologique, à l’aéropole, ou la Cité des métiers, dans la ville, entendent remédier à ce terrible constat. Et ce n’est sans doute pas un hasard si le deuxième colloque  » Charleroi décolle « , organisé ce 15 mai, était précisément dédié aux  » métiers d’avenir.  » Une profession de foi ?

(1) IETCPS : Institut d’enseignement technique commercial de promotion sociale, à Charleroi.

BENOÎT JULY

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