Vive le Tour… quand même !

En dépit de l’affaire Vinokourov, des soupçons qui pèsent sur le maillot jaune Michael Rasmussen et de l’annonce du retrait de plusieurs sponsors, l’épreuve cycliste reste populaire.

C’est l’histoire d’un coureur qui roulait comme un lave-vaisselle et qui ne grimpait pas mieux que les autres. En août 2005, dans L’Express, le directeur sportif de l’équipe Française des jeux, Marc Madiot, disait tout le bien qu’il fallait penser du Danois Michael Rasmussen, qui venait, à 31 ans, de se révéler à lui-même et à la France du Tour :  » Il y a un type, cette année, dans le peloton, qui a séjourné au Mexique juste avant le départ de l’épreuve. Un mois plus tôt, sur les routes du Giro, il ne passait pas un pont de chemin de fer. Là, dans les Alpes et les Pyrénées, c’était un vrai cabri.  » Meilleur grimpeur du Tour 2005, le Danois bionique suscitait déjà la réprobation d’initiés qui en ont, pourtant, vu d’autres.

On comprend mieux pourquoi la prise du maillot jaune, le 15 juillet, par celui que l’on appelle  » Chicken « , même s’il n’a pas été élevé au grain et en plein air, a ressemblé pour les organisateurs du Tour à un cauchemar par anticipation. Et cela avant même que la fédération danoise signale publiquement la prochaine suspension de son coureur pour ses absences à répétition lors des contrôles antidopage commandités par l’Union cycliste internationale au printemps dernier. Ainsi va la vie sur la Grande Boucle, où, depuis la fin des années 1990, les organisateurs prient, chaque été, pour faire naître de nouveaux héros et tremblent dès qu’un champion domine un peu trop outrageusement ses congénères. Cette année, la façon dont le Kazakh Alexandre Vinokourov, coureur le plus populaire du Tour, avait gagné deux étapes n’avait pas manqué de faire naître quelques soupçons. Et l’annonce de son contrôle positif – pour dopage sanguin – n’a fait que plonger un peu plus le Tour dans le chaos.

Les chaînes allemandes supendent la diffusion

L’histoire n’est pas récente, donc. Ce qui est récent, c’est que, désormais, le grand public n’y croit pas plus que les grognards de la caravane. Un sondage du Journal du Dimanche montre que 78 % des Français doutent de l’honnêteté du moindre vainqueur d’étape. Une défiance qui a fini par ébranler quelques fidèles mécènes du peloton, poussant même les chaînes publiques allemandes ARD et ZDF à suspendre leurs retransmissions au beau milieu de l’épreuve.  » A ce rythme-là, il n’y aura bientôt plus beaucoup de sport sur les écrans « , note Daniel Bilalian, patron du service des sports de France Télévisions.

A l’orée de la dernière semaine de course, tout en hurlant au complot, les organisateurs du Tour ont jugé bon de réunir leurs principaux sponsors pour les assurer de la pérennité et du rayonnement quasi intacts de l’institution. Adidas, partenaire de la formation T-Mobile, ou encore les sponsors d’équipes Cofidis et Crédit agricole ont déjà fait part de leur probable retrait à l’issue de la saison. De son côté, la firme allemande Gerolsteiner qui, elle aussi, possède son équipe sur le Tour, a choisi de réaliser un sondage pour connaître l’évolution de sa notoriété avant de prendre une décision sur son avenir. Gerolsteiner est une marque d’eau minérale. Question image, c’est un peu comme si des produits de régime sponsorisaient une écurie de sumotoris.

Mais le Tour de France a survécu à d’autres guerres. Pour l’heure, les principaux sponsors – ceux qui déboursent 3,5 millions d’euros par an (Champion, le Crédit lyonnais, Nestlé…) – sont toujours en première ligne.  » Pourquoi partir ? interroge Hubert Genieys, vice-président de Nestlé Waters. Le public n’a presque jamais été aussi nombreux sur les routes et devant la télé que cette année…  » De fait, la dimension populaire de l’épreuve patrimoine écrase les objections strictement sportives des déontologues. Depuis le départ de Londres, France Télévisions, qui verse 23 millions d’euros par an, réalise des audiences en hausse de 15 %. En Allemagne, une chaîne privée, Sat.1, a pris le relais des chaînes publiques. Le jour même de leur défection. Et c’est pourquoi le Tour est éternel. Moins on y croit, plus on le regarde. l

Henri Haget

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