Patrons, faites un peu de cinéma !

Les débuts du  » tax shelter  » sont bien timides. Producteurs de films et intermédiaires spécialisés se démènent pour convaincre les entreprises d’investir dans l’audiovisuel, avec des avantages fiscaux

Cela devait tenir à la fois de la méthode Tupperware et du rendez-vous culturel. Le 23 novembre, à Bruxelles,  » La nuit du tax shelter  » jetait des ponts entre deux mondes a priori assez distants : celui des entreprises et celui du cinéma. Objectif : amener les premières à investir dans le second, en présentant aux patrons 10 projets de films, et la tête de ceux qui les réalisent ou les produisent.

Appliqué notamment en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Irlande ou aux Pays-Bas, le système du tax shelter, qui accorde un avantage fiscal aux entreprises qui investissent dans la production audiovisuelle, n’en est chez nous qu’aux balbutiements poussifs. Né d’une loi, entrée en vigueur à la fin de 2003, qui se révéla mal fagotée, il a été redessiné au printemps dernier. Mais l’information a été lente à circuler, des questions restaient en suspens et, surtout, l’administration fiscale n’a toujours pas donné sa bénédiction û non indispensable, mais très souhaitable û aux quelques sociétés qui sont apparues pour jouer les intermédiaires entre investisseurs et producteurs. Ce retard à l’allumage valait donc bien une  » nuit  » bruxelloise, organisée par Taxshelter. be, l’une de ces nouvelles sociétés. La période, en tout cas, est propice : en fin d’année, les entreprises connaissent leurs bénéfices et guettent les manières d’alléger l’impôt. Elles pourront le faire en investissant 500 000 euros au maximum, ce qui leur permettra d’immuniser fiscalement leurs bénéfices à concurrence de 150 % de ce montant, soit 750 000 euros, mais aussi de toucher des droits sur l’exploitation du film. De son côté, le producteur devra dépenser en Belgique 150 % de l’investissement.

Originale, parce qu’elle procure un avantage fiscal et soutient le cinéma, cette mise de fonds est, comme les autres, à risque.  » L’investisseur doit envisager aussi l’absence de return « , souligne Daniel Zimmermann, patron de Fast Forward, société de financement du cinéma créée avec Meusinvest et Wallimage.  » Mais dans la convention qu’il signe avec un producteur, cet investisseur peut affecter comme simple prêt une partie de sa mise (40 % au maximum), négocier pour la partie investissement un rendement minimum, ou prévoir un avantage en nature : une visibilité pour son entreprise, voire û cela arrive û un rôle pour sa fille ou le droit d’assister au tournage le jour des grandes stars…  »

Encore timide, l’intérêt des investisseurs belges pour la formule devrait aller croissant. Quelque 130 entreprises annonçaient leur présence à  » La nuit du tax shelter « , et Fast Forward estime disposer d’une quinzaine de dossiers sérieux.  » Jusqu’à présent, souligne le producteur Patrick Quinet (Artémis), le système a permis de lever quelque 3,5 millions d’euros en Flandre et, côté francophone, environ 2 millions, dont deux mises de 500 000 euros chacune. D’ici à quelques années, on devrait pouvoir récolter 40 millions par an.  »

Même s’il craint l’arrivée, demain, de producteurs étrangers qui viendraient en Belgique pour ramasser des investissements et puis s’en aller, Quinet ne peut que se réjouir de la formule. C’est notamment grâce à elle que le diffuseur Cinéart a investi, avec de faibles risques, 140 000 euros pour La Femme de Gilles que produisait sa maison…

Jean-François Dumont

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