Le hollandais sans volant

En arrivant à l’Elysée, le président François Hollande n’a pas emmené avec lui son chauffeur de toujours. Au Château, pas de place pour les sentiments.

ll fut pendant dix ans l’ombre de François Hollande. Son garde du corps, son aide de camp, son chauffeur. Dans la Renault Espace du Parti socialiste français, Rachid Kasri a conduit le premier secrétaire un peu partout, en ces années d’opposition, de Charleville-Mézières à Guéret. Il courait acheter Le Monde dès sa parution, déposait les costumes du patron au pressing. Dévoué, mais aussi redoutablement efficace dans la protection rapprochée. Maintes fois, cet ancien videur de boîte de nuit a exfiltré Hollande quand des manifestants se montraient trop hostiles. En février 2012, il est le premier à bondir sur la déséquilibrée qui aspergea de farine le candidat à la présidentielle.

Aujourd’hui, date du premier anniversaire de l’arrivée de son champion à l’Elysée, le bodyguard a un pincement au coeur.  » Le peuple n’est pas assez solidaire avec son président, grogne-t-il en avalant un cheese-burger dans un restaurant situé près du siège du Parti socialiste. Avec le recul, on le créditera d’avoir entrepris des réformes indispensables, d’avoir lancé les 12 travaux d’Hercule.  » De la victoire du 6 mai 2012, il se souvient d’une scène. Ce soir-là, il patiente sur le tarmac de l’aéroport du Bourget. Arrive le Falcon en provenance de Tulle. Le nouveau président sort de l’appareil et fait la bise, chaleureusement, à Rachid. Puis le Corrézien file vers la place de la Bastille, aspiré par son destin.

Leurs chemins ne se croiseront plus. La sécurité du président est assurée par une soixantaine de policiers et de gendarmes d’élite du Groupement de sécurité du président de la République (GSPR), et sa voiture est conduite par un autre. Rachid Kasri n’a plus que des nouvelles indirectes, distillées par certains ministres qui l’invitent parfois à déjeuner. Au début, il a ressenti comme un vide. L’autre jour, un poids lourd du gouvernement l’a croisé par hasard dans le VIIe arrondissement de Paris :  » Quand est-ce que tu reviens auprès de François ?  »

Il n’a pas changé

Dans le passé, François Mitterrand avait emmené à l’Elysée son fidèle chauffeur, Pierre Tourlier. Kasri coupe court aux questions.  » Pourquoi Hollande m’appellerait-il auprès de lui ? Le président a autre chose à faire et je ne vois pas en quoi je lui serais utile.  » Le pouvoir rend les puissants ingrats, glissent certains. Lui refuse d’être amer.  » J’ai eu de la chance, je suis tombé sur le meilleur, s’enorgueillit-il. Chaque jour était exaltant.  » A 48 ans, il travaille toujours comme permanent au siège du PS. Mais il a quitté, à sa demande, le service des chauffeurs. Il n’arbore plus de costume-cravate, mais une casquette négligemment vissée sur le crâne. Il attend qu’on lui confie une nouvelle affectation.

Quand il voit son président à la télévision, il reconnaît les traits de l’animal politique :  » François Hollande n’a pas changé, contrairement à ce que certains pensent. Toujours ce sens du contact, qui fait sa force.  » Et d’ajouter, après une courte réflexion :  » D’ailleurs, il pourrait s’en servir davantage. A l’époque, on se déplaçait même dans les quartiers nord de Marseille. Alors, avec le large dispositif de protection dont il bénéficie maintenant comme chef de l’Etat, il ne devrait pas hésiter à aller sur le terrain.  »

MARCELO WESFREID

 » Pourquoi Hollande m’appellerait-il ? Le président a autre chose à faire « 

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