Génération SMS

C’est à leur portable que les adolescents se confient. Boîtes à mails ou chats sont leurs nouveaux jardins secrets

Depuis qu’ils ont l’ADSL, Nicolas et Sébastien, jumeaux de 18 ans, passent chaque soir environ deux heures sur MSN Messenger à chatter avec des amis, des copains des copains, voire de la famille, proches ou à l’étranger. Antoine (16 ans) a, pour sa part, cessé de téléphoner :  » C’est trop cher. J’arrive trop vite au bout de ma carte. J’envoie des SMS. Ou je chatte.  » Quant à Alexandre (15 ans), il est revenu de vacances, les valises pleines d’adresses électroniques.

Qu’en pensent les parents ?  » Cela me tue de voir ma fille de 13 ans chatter après 16 heures avec des copines qu’elle vient de quitter, se désole un père. En revanche, je trouve positif qu’elle soit ainsi entrée en contact avec des garçons du collège qu’elle n’osait pas aborder à la récré.  »

A chaque génération, sa technologie. Internet et SMS sont aux jeunes d’aujourd’hui ce que le téléphone était à leurs parents, accusés vingt ans plus tôt de faire exploser les factures téléphoniques : un rite de passage, signalant que l’enfance s’éloigne.  » L’adolescent cherche à exister seul, à se dégager du contrôle parental, à se dérober aux regards trop curieux, voire inquisiteurs, expliquent Brigitte Cadéac et Didier Lauru, dans Génération téléphone (Albin Michel). Coincé entre ses envies d’indépendance et ses besoins qui le rendent à ses yeux trop dépendant, il va se sortir de ce conflit par une prise de distance, une pudeur, une opposition fréquente et plus ou moins bruyante.  »

Sans bouger de chez lui, dégustant Coca et biscuits, l’ado se sent le maître du monde, avec son GSM et l’ordinateur. Pour le psychanalyste Serge Tisseron, le portable tient à la fois de la peluche qui rassure, qui rompt l’isolement, et du cordon ombilical, qui permet de garder le contact avec ceux dont on s’est provisoirement éloigné. Les SMS comblent le besoin de discrétion des jeunes qui s’échangent des informations à l’insu des professeurs ou des parents, ce que ne permet pas une communication orale.

Sur Internet, le mot de passe leur garantit que leur courrier sera lu et vu uniquement par eux. Comme si cela ne suffisait pas : pour protéger leur jardin secret, ils affectionnent un langage codé. Quand, sur les chats ou dans les forums, ils se sont reconnus, quand ils ont testé leur appartenance à une même communauté de  » pairs  » supposés partager les mêmes enthousiasmes et les mêmes rêves, ils s’autorisent la confidence.  » Il est plus facile de faire une déclaration d’amour via Internet qu’en face à face « , explique Nicolas en riant.

L’intimité sans la proximité.  » La Toile efface les préjugés, les complexes physiques, la timidité, la peur de l’autre et de la rencontre, écrit Aurélia Dejond, dans La cyberl@ngue française (La Renaissance du Livre). L’internaute s’abrite derrière son pseudonyme et se dévoile petit à petit.  » Une situation idéale pour l’adolescent inhibé, trop longtemps seul à attendre le retour de ses parents, qui peut se présenter sous son meilleur jour, tout en trompant un certain ennui ou un manque de rapports sociaux. Au détour d’une faute d’orthographe ou d’un smiley, ce sont alors ses maux qu’il dévoile. D.K.

Dorothée Klein

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