Perspectives Ethique ou exit

Après l’écroulement chypriote, il faut éliminer les autres paradis fiscaux et bancaires : Malte et la Slovénie. Et poser la question du Luxembourg.

Même si la crise chypriote a été gérée en dépit du bon sens par un Eurogroupe à la dérive, et même s’il est vraisemblable qu’on trouve les 15 milliards nécessaires pour colmater les brèches d’un système bancaire pourri, on ne peut durablement admettre, dans une zone partageant une monnaie qui tente de devenir l’une des plus sérieuses du monde, la présence d’une des places financières les plus opaques de la planète. Soit Chypre se transforme en un pays éthiquement irréprochable, soit elle n’a plus sa place dans la zone euro.

Pour certains, cette sortie n’est pas envisageable, parce qu’elle conduirait à l’effondrement du pays, à la ruine de tous les Chypriotes, au transfert des avoirs de ses banques vers la partie turque de l’île ou d’autres paradis fiscaux encore moins présentables ; et que Chypre se transformerait en  » porte-avions  » pour des puissances criminelles. Pour moi, ce risque mérite d’être couru, car laisser une telle machine à blanchir l’argent sale prospérer au coeur de la zone euro, c’est la gangrener de l’intérieur. Elle attirerait de plus en plus de capitaux infréquentables, qui y gagneraient une respectabilité tout en ruinant celle de l’euro. Or les banques chypriotes sont de plus en plus liées à celles du reste de la zone, qui devraient fermer les yeux sur la nature de plus en plus contestable de leurs déposants.

Dans un monde où l’économie criminelle prend, et prendra, des proportions de plus en plus vertigineuses, l’euro deviendrait la monnaie des mafias et ne pourrait jamais être un instrument d’échanges mondiaux. Il faut donc imposer à Chypre, contre la solidarité de la zone, les règles les plus strictes en matière de transparence bancaire, celles qui sont exigées, et appliquées, par les banques françaises en France.

Tout cela était prévisible depuis des années. Au moins depuis que la Grèce a échangé avec l’Allemagne l’entrée dans l’Union européenne de Chypre contre celle de la Pologne. Et plus encore depuis que le défaut des banques grecques sur leurs obligations privées a particulièrement pénalisé les banques chypriotes. On a préféré ne rien faire et attendre la dernière minute, venue avec l’élection présidentielle locale.

Il faut donc en tirer une leçon plus large encore et cesser d’attendre le dernier moment pour régler les problèmes devenus insolubles. En matière d’éthique financière, en Europe, les difficultés sont connues et nombreuses, qu’il faut oser aborder au plus tôt.

1. Eliminer les autres paradis fiscaux et bancaires : Malte, la Slovénie. Au-delà, il faut poser la question du Luxembourg, dont le statut bancaire et fiscal nuira un jour gravement à la crédibilité de l’euro, et ne pas faire entrer la Lettonie, au système bancaire très obscur, dans la zone euro.

2. Rendre solvables les banques de la zone, encore trop souvent financées de façon instable et absconse.

3. Gérer l’introduction, éthiquement justifiée, de la taxe sur les transactions financières d’une manière telle que les marchés n’étouffent pas, en réponse, la liquidité des entreprises, provoquant un nouveau crash majeur.

4. Cesser de mentir en laissant croire que la création monétaire suffira à redonner de la croissance et à éliminer la dette. La planche à billets n’est pas éthique, elle ne fait que transférer les actifs les moins sûrs dans les bilans des banques centrales et prépare l’inflation, impôt sur les plus pauvres.

Pour faire tout cela et rendre éthique la finance, il faudra bien plus que la réunion d’un Eurogroupe disqualifié. Cela implique des choix philosophiques et géostratégiques majeurs. Qui osera les faire ?

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