Automobilisme

La preuve par Juan Pablo Montoya, Nick Heidfeld, Kimi Räikkönen ou autres Jenson Button: les jeunes pilotes de formule 1 s’affirment de plus en plus tôt

Il y a quelques mois, c’était le sujet de plaisanterie à la mode dans les paddocks de formule 1: Flavio Briatore, le fantasque directeur sportif de l’écurie Benetton-Renault, aurait déjà enrôlé le fils de Mika Hakkinen, né en décembre 2000. Une plaisanterie qui n’aurait probablement amusé personne si elle ne s’était inscrite dans un contexte approprié, et qui rompt résolument avec un passé récent.

Après l’engagement, l’année dernière, par Williams-BMW, de l’Anglais Jenson Button, qui venait de fêter ses 20 printemps, la saison actuelle a vu les équipes Sauber et Minardi jeter leur dévolu sur des pilotes de 19 et de 21 ans à peine: l’Espagnol Fernando Alonso et le Finlandais Kimi Räikkönen. Des faits isolés ? Pas du tout. La preuve encore par Renault, qui a annoncé son intention de mettre sur pied une filière pour aider les plus doués des candidats champions à grimper tous les échelons de la hiérarchie, de la formule Renault à la formule 1, en passant par la formule 3 et 3000. La preuve toujours par les écuries McLaren-Mercedes, BAR-Honda, Arrows, Minardi et Prost qui, toutes, en prélude au dernier Grand Prix d’Espagne, à Barcelone, ont fait tourner en essais privés un peloton de jeunots. La preuve, enfin, par le petit prodige britannique de karting, Lewis Hamilton, qui, à 16 ans, est déjà embauché sous contrat par McLaren-Mercedes depuis six saisons.

Rien d’étonnant, dans ces conditions, de constater que, depuis 1997, la moyenne d’âge des pilotes de formule 1 a singulièrement chuté. De 32 ans, elle est tombée à 29 en 2000 et avoisine, actuellement, les 25 ans. Entre-temps, des vieux briscards, tels Damon Hill et Gerhard Berger, ont abdiqué, au profit des Ralf Schumacher, Juan Pablo Montoya, Jenson Button et autres Nick Heidfeld qui, à peu de chose près, pourraient être leurs bambins.

La formule 1, il est vrai, a toujours offert leur chance aux jeunes espoirs. Mais, depuis peu, elle semble le faire plus volontiers et avec plus d’audace. Les écuries savent désormais se donner le temps de tester plusieurs néophytes, alors qu’elles réservaient, jusqu’à présent, cette faveur à quelques privilégiés triés sur le volet. Mieux : elles osent sauter le pas quand ces courts galops d’essai s’avèrent concluants.

De nombreuses raisons expliquent ce regain d’intérêt. Physiquement, les bolides de formule 1 sont moins éprouvants à maîtriser, depuis que, en matière de freinage, le carbone a remplacé l’acier. Les boîtes automatiques, qui ont remplacé les transmissions manuelles, réduisent les sources de petites erreurs de pilotage. Les progrès technologiques ont diminué l’importance du pilote dans le domaine de la mise au point. De plus, les compétitions, toujours plus nombreuses, se pratiquent de plus en plus tôt. Exemple: en France, le minikart (pour voitures de 50 cc et 6 chevaux) est accessible dès l’âge de 7 ans. Ainsi, le pilote affronte progressivement des catégories supérieures jusqu’à conduire des engins au rapport poids/puissance très proche de la formule 1. Evidemment, une telle ascension n’est pas gratuite. Il en coûte environ 1 million de francs pour une campagne nationale et cinq fois plus pour une saison internationale.

L’argent, toujours l’argent. Aujourd’hui, dans les écuries, cette préoccupation s’accommode souvent bien avec l’engagement d’un jeune pilote. Un petit nouveau, ce n’est pas cher et ça peut rapporter gros. Soit dans le domaine des résultats sportifs, soit sur le plan de l’économie à l’embauche, surtout si un team plus fortuné se montre ensuite intéressé par le rachat du contrat en cours du jeune champion. Les clubs de football n’ont rien inventé…

Autre évolution: jadis incontournable, la formule 3000 ne l’est plus tout à fait. Seuls des pilotes d’exception comme Alain Prost, Nelson Piquet ou Ayrton Senna se sont permis, par le passé, de court-circuiter cette catégorie intermédiaire. A présent, tout se passe comme si la formule 1 déniait son rôle à la 3000. En tout cas, les décideurs font de plus en plus appel à d’autres catégories, comme, par exemple, l’ Indy américaine. Certes, cela n’a pas toujours été une réussite. En revanche, recruté en 1996 par Frank Williams dans la compétition américaine, le Canadien Jacques Villeneuve est devenu champion du monde de formule 1 dès l’année suivante. Rebelote, cette année, pour l’écurie britannique: le Colombien Juan Pablo Montoya, 25 ans, un champion d’ Indy, qui a également tâté de la formule 3000, a réalisé des débuts très prometteurs dans la catégorie reine. Le mois dernier, au Grand Prix du Brésil, il a longtemps roulé en tête, après avoir réussi un dépassement très audacieux au détriment de Michaël Schumacher en personne. Et, le dernier dimanche d’avril, il a terminé deuxième du Grand Prix d’Espagne, immédiatement derrière le champion du monde.

La formule 3 reste une autre source, nullement tarie, où puiser de jeunes pilotes. L’an dernier, Williams, encore, a misé gros en alignant d’emblée en formule 1 Jenson Button, 20 ans, un garçon encore en manque d’expérience dans sa catégorie d’origine ! Coup gagnant, pourtant: révélation de l’année 2000, coqueluche des médias anglais, il a démontré de formidables facultés d’adaptation à la nouvelle discipline, maîtrisant rapidement une machine et des circuits jusqu’alors inconnus. Ce pari réussi a incité, cette saison, l’écurie Sauber à aller un cran plus loin encore. A la surprise générale, le team suisse a embauché un pilote, Kimi Räikkönen, issu de la… formule Renault. Il s’agit d’une compétition de promotion, réservée à des voitures monomarques de même modèle, permettant aux jeunes pilotes de faire leurs premières armes sur circuit. D’aucuns ont estimé une telle initiative aussi inédite que dangereuse. Pourtant, le jeune Finlandais, 21 ans, tire remarquablement son épingle du jeu. Sixième, il a d’emblée marqué un point en championnat du monde, au Grand Prix d’Australie, et il a encore terminé, à la huitième place, le récent Grand Prix d’Espagne, le 29 avril dernier, à Barcelone. La formule semble bien s’être trouvé un nouveau mot d’ordre: « Roulez, jeunesse… »

Christophe Engels

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