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Hezbollah: les raisons du durcissement européen

Le Vif

Les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne ont décidé d’inscrire sur la liste des organisations terroristes la branche armée du mouvement chiite libanais. Décryptage.

Après plusieurs semaines de débats les ministres des affaires étrangères européens ont décidé, lundi 22 juillet, d’inscrire la branche armée du Hezbollah, le parti chiite libanais, sur la liste des organisations terroristes de l’Union européenne. La mesure, qui s’accompagnera du gel des avoirs et d’une interdiction de visa pour certains membres du mouvement, a aussitôt été dénoncée par le Hezbollah qui l’a jugé, dans un communiqué, « injuste » et « agressive ».

Adoptée à la demande du Royaume Uni –qui a depuis longtemps placé le Hezbollah sur sa propre liste noire– elle constitue incontestablement un durcissement de la part des Européens, à commencer par la France et l’Allemagne. Paris et Berlin avaient en effet jusqu’ici refusé, en dépit des pressions américaines et israéliennes, de franchir le pas en faisant valoir que le mouvement chiite est l’un des principaux acteurs de la scène politique libanaise.

Un découplage entre le parti et sa branche militaire qu’il sera bien difficile de traduire dans les faits

Afin de préserver, aussi, la sécurité de leurs forces sur le terrain: Casques bleus français au Sud-Liban, troupes allemandes chargées de surveiller l’embargo sur les armes. Ce sont les Allemands qui ont les premiers infléchi leur position en proposant la solution de compromis à laquelle se sont finalement ralliés les Français et les autres, consistant inscrire sur la liste noire la branche militaire du Hezbollah, tout en précisant que la mesure ne visait pas le parti, avec lequel au contraire le dialogue se poursuivrait. Un découplage qu’il sera bien difficile de traduire dans les faits… Du moins prend-il en compte la complexité de la réalité libanaise. Car le Hezbollah est tout à la fois une très puissante milice qui n’hésite pas à recourir aux méthodes du terrorisme et une formation politique dans laquelle une large fraction de la communauté chiite libanaise s’identifie.

Pourquoi les Européens, et la France en particulier, ont-ils décidé, cette fois-ci, de durcir le ton ? Il y a deux raisons à cela. La première, officiellement mise en avant à Bruxelles, concerne des éléments de preuve, récents, mettant directement en cause la branche armée du Hezbollah dans un attentat en Bulgarie et un projet d’attaque à Chypre. La seconde, qui est du domaine du non-dit, tient à l’implication croissante du Hezbollah dans la guerre de Syrie aux côtés du régime de Bachar El-Assad et de l’Iran.
L’une des deux pièces maîtresse du dossier instruit à Bruxelles est un attentat qui avait fait sept morts dont cinq Israéliens le 18 juillet 2012 à l’aéroport de Bourgas en Bulgarie. Les autorités bulgares ont fait état à plusieurs reprises de « pistes nettes menant vers le Hezbollah ». L’autre affaire, moins spectaculaire, est plus embarrassante pour le Hezbollah car l’homme arrêté est passé aux aveux. Il s’agit d’une tentative d’attentat déjouée à Chypre, également en juillet 2012. Un libano-suédois, Hossam Taleb Yaacoub, a été arrêté alors qu’il effectuait des repérages à l’aéroport de Limassol. Condamné le 28 mars dernier à quatre ans de prison il a avoué travailler pour le réseau international du Hezbollah.

Mais pour Paris l’implication du Hezbollah en Syrie a sans doute compté tout autant. C’est bien en tous cas l’action de la milice chiite en Syrie qu’avait évoqué Laurent Fabius en mai dernier pour expliquer que la position de la France avait évolué. C’était peu après la bataille de Qousseir. Pour la première fois, le Hezbollah était ouvertement entré en guerre en prêtant main forte aux troupes de Bachar El-Assad menacées sur le terrain par la rébellion, rompant ainsi l’accord passé en juin 2012 avec les autres forces politiques libanaises afin de préserver le Liban des conséquences de la guerre en Syrie. La décision imposée par les Pasdarans iraniens à Hassan Nasrallah, le patron du Hezbollah, n’aurait pas fait l’unanimité au sein de l’appareil du mouvement.

Par Dominique Lagarde

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