Faire revenir les habitants en ville

Michel Delwiche
Michel Delwiche Journaliste

Curieux attelage politique que celui qui mène les affaires communales de Charleroi : une tripartite PS-MR-CDH dans la plus grande ville de Wallonie, qui n’avait jamais connu autre chose qu’une majorité socialiste absolue depuis la fusion des communes de 1977.

« Aujourd’hui, nous sommes sortis du pire, du glacis qui étouffait la ville, revendique Jean-Jacques Viseur, le bourgmestre CDH de Charleroi, ancien ministre des Finances. Nous sommes arrivés dans les conditions les plus horribles qui soient et nous avons réussi à créer un climat qui, malgré les différences philosophiques, n’est jamais tombé dans le bas de gamme. Aujourd’hui, nous sommes lourds d’espérance. « 

Le bourgmestre reconnaît lui-même qu’il n’a pas la légitimité démocratique, ce n’est pas lui qui a fait le meilleur score, mais affirme que cela ne remet pas en cause son autorité.  » A l’intérieur du Collège, ça marche, explique-t-il, sans doute parce que les échevins ont des compétences complémentaires et doivent donc travailler ensemble : le métier rassemble les hommes.  » Mais l’héritage du passé est difficile à assumer. Dans les services communaux, les procédures sont longues pour remplacer les responsables qui, pour le dire pudiquement, ont été écartés.

Charleroi la déprime

« Les Carolos ont l’art de se faire du mal, déplore Jean-Jacques Viseur. J’ai fait mes études à Liège : quand le Standard jouait en Coupe d’Europe, quelle affaire ! A l’inverse, quelle est l’image que donne le Sporting de Charleroi ? De faillite en faillite, d’entraîneur en entraîneur, avec un patron dont le grand-père a été Premier ministre en Iran mais qui aujourd’hui se dispute avec les supporters. L’importance de l’aéroport et de l’Aéropôle ? Les Carolos n’y croient pas. Leur ville est candidate à l’organisation de la Coupe du monde de football ? Ils n’y croient pas. Et demandez- leur où se trouve le Musée de la photographie… Ou s’ils connaissent la biennale de Charleroi-Danse, qui attire toutes les grandes troupes mondiales, ou le Théâtre de l’Ancre, qui n’a pas d’équivalent en Belgique…  »

Charleroi est une ville qui a été totalement asservie à l’industrie, le travail y était érigé en valeur absolue. La Sambre a été détournée pour servir les usines, le ring a été créé pour assouvir les besoins économiques, au prix d’une balafre qui a coupé des rues en deux, qui passe au niveau des étages de maisons de maître.  » Mais c’est une ville qui, comme Bilbao, également marquée par le déclin de la sidérurgie, peut accueillir l’architecture la plus audacieuse. Culturellement, c’est une ville surréaliste, qui peut devenir la ville du xxie siècle par excellence. Il nous faut les meilleurs architectes du monde. Il faut que les futurs bâtiments publics affirment leur présence au bord du ring, et intègrent celui-ci dans la ville. Le nouvel hôtel de police ou la nouvelle caserne des pompiers doivent être des signatures. « 

 » Charleroi a connu une vraie dépression nerveuse, poursuit le mayeur. La sidérurgie y est passée de 55 000 emplois à moins de 4 000 aujourd’hui. Et pourtant, la contribution de Charleroi au PIB (Produit intérieur brut) est la plus importante des communes de Wallonie. Grâce à des sociétés comme Caterpillar, la Sonaca, la Sabca ou ces entreprises que j’appelle les  » enfants illégitimes des ACEC  » (Ateliers de construction électrique de Charleroi), comme Thalès (ex-ETCA) qui fournit les tables de guidage du centre spatial de Kourou ; ou Alstom, qui a mis au point les systèmes de sécurité pour les gares de Cologne et de Hongkong, ainsi que pour les TGV, et qui est prête à fournir le matériel qui permettrait d’éviter une catastrophe comme celle de Buizingen. « 

Le goût de vivre en ville

Il y a une trentaine d’années, Charleroi comptait 230 000 habitants. Elle en a perdu 50 000, des cadres ou des professions libérales qui se sont établis dans la périphérie et qui ont été en partie remplacés par des gens venus d’ailleurs, moins bien formés, disposant de moins de revenus.  » Aujourd’hui, nous voulons faire revenir les gens à Charleroi, s’enthousiasme le bourgmestre, c’est pourquoi des projets d’implantations commerciales comme celui de « Rive gauche », à la ville basse, près de la gare, doivent offrir une vraie mixité des fonctions. Des commerces, des bureaux, mais aussi de l’habitat, et de l’Horeca pour offrir une belle qualité de vie.  » Avec un plan lumière et une soixantaine de caméras de surveillance. A Charleroi plus qu’ailleurs, il faut en effet rassurer.

 » Je pense que Charleroi, au même titre qu’Anvers, est un des supports de Bruxelles, qui va devoir faire face à une explosion démographique sans précédent. Charleroi devra pouvoir accueillir les gens qui ont le goût de vivre en ville, et qui se montrent exigeants quant aux services, notamment la sécurité, l’enseignement, la qualité des hôpitaux, les sports, les perspectives d’emploi. « 

MICHEL DELWICHE

 » la ville peut accueillir l’architecture la plus audacieuse « 

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