Toucher des yeux

Guy Gilsoul Journaliste

Entre le 19 et le 23 janvier, le quartier du Sablon propose un circuit riche en découvertes d’art oriental ancien, de productions tribales et de pièces archéologiques. A voir… de près.

Pour des raisons autant historiques que juridiques, politiques et culturelles, Bruxelles fut et demeure une plaque tournante internationale du marché de l’archéologie et des arts ethniques. Du coup, les Belges, assez naturellement, sont devenus de fameux collectionneurs et les trésors acquis aux heures héroïques alimentent encore régulièrement le stock des marchands actuels. Mais la situation change. Désormais, de nombreux achats se décident via Internet. Le choix se fait à partir du virtuel. On approche moins l’objet que son image sur écran. On ne le touche plus, on le manipule plus. Du coup, on visite davantage les sites des grandes salles de vente, quelle que soit leur localisation sur la planète. Mais, ce faisant, la fréquentation des galeries est en chute libre. D’où l’opération  » groupée  » organisée dans le quartier du Sablon par les associations professionnelles Bruneaf (arts ethniques), BOAfair (art oriental) et AAB (archéologie). Car découvrir un objet ancien, avec la possibilité de proximité qu’offre une galerie, provoque d’autres approches que celles plus habituelles que livre une exposition muséale.

Pas de longs textes explicatifs, pas de scénographies théâtrales. Rien que l’objet. Rien que son énigmatique beauté. Qu’il soit égyptien, grec, chinois ou africain, qu’il vienne de Papouasie, d’Australie ou du Mexique, quelqu’un, un jour, l’a façonné selon des règles précises et avec une patience inouïe. Et le voilà, offert à notre appétit. Un dialogue s’installe. Il sera de qualité parce que les £uvres sont de grande qualité. Choisies par cinquante experts installés dans le quartier ou venus de New York, Barcelone, Paris, Los Angeles, Londres, Fribourg ou Hongkong, elles invitent à des voyages au plus profond de ce qui fait la grandeur de l’esprit humain et de sa créativité. Mais la visite autorise aussi d’autres rencontres : avec les marchands eux-mêmes, des hommes ou des femmes qui, souvent, méritent mieux que la réputation qu’on leur prête. Car il y a de la passion derrière ces vitrines. Parfois même davantage. Sans doute aussi, un parfum d’aventures, surtout chez les plus anciens. Leurs chasses au trésor signifient en effet une immersion dans le monde des altérités et de leurs croyances. Certes, on peut être expert en arts en se documentant derrière un bureau. Lire les ouvrages spécialisés, suivre le cours des valeurs, spéculer, organiser des expositions pertinentes, c’est déjà bien. Mais il y a un plus nécessaire : celui de l’expérience sur le terrain. Entendez, la confrontation bien réelle avec un paysage, une nature, une population. Une immersion aussi dans les pratiques magiques par exemple qui, souvent, laissent des traces sur les convictions à l’occidentale. Bref, des moments forts de la vie jalonnés à leur tour par des impressions très physiques :  » Respire cette odeur « , me dit un jour un marchand approchant de mon visage un masque africain. Il en avait les larmes aux yeux.

Winter Sablon, Bruxelles. Du 19 au 23 janvier. www.winterbsablon.com

GUY GILSOUL

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