120 au repos

Voici un an, la Faculté le déclarait perdu pour le football. Aujourd’hui, son cour guéri, il est titulaire indiscutable au Mambourg.

Jusqu’à l’année dernière, la carrière de Fabrice Lokembo (20 ans le 31 octobre prochain, belgo-congolais) avait épousé une trajectoire linéaire: premiers pas, en Préminimes, au CS Brainois, passage en Minimes à la RAMS Marchienne d’abord, puis en Cadets au SC Charleroi où, au fil des saisons, il s’était hissé parmi les Espoirs. Avant d’être stoppé brutalement dans son élan.

« C’était au tout début de la saison passée », se souvient l’actuel back gauche des Zèbres. « En prélude à la nouvelle campagne, j’avais dû me soumettre au même titre que mes coéquipiers aux tests physiques d’usage. En ce qui me concerne, ils s’avérèrent de très courte durée car au moment de prendre mon pouls, au repos, le médecin faisant fonction fut stupéfait de constater que mon coeur battait à une cadence de 120 pulsations à la minute. C’était exactement deux fois plus qu’au cours des contrôles qui avaient été effectués avant les exercices précédents. D’emblée, on me mit en observation au CHU de Charleroi. A l’analyse, il apparut que je souffrais d’une infection cardiaque. Placé sous antibiotiques, ma situation ne s’améliora guère lors des premiers jours. Trois traitements se révélèrent finalement nécessaires pour venir à bout du mal. Entre-temps, toutefois, pas moins de quatre mois s’étaient écoulés. Une période où toute activité physique m’était proscrite. A un moment donné, comme bien l’on pense, je demandai au cardiologue qui s’occupait de moi si mon avenir sportif était compromis. Il m’avoua que si rien ne changeait, je devais bel et bien tenir compte de cette éventualité. Pour moi, c’était comme si le ciel me tombait sur la tête. Car depuis mon plus jeune âge, j’avais uniquement vécu par et pour le football. Pas un seul instant, je ne m’étais imaginé ma vie sans le ballon rond. C’est d’ailleurs à cette fin que j’avais entrepris des humanités en section foot-études. Il me restait un an à effectuer avant d’obtenir mon diplôme. A cause de ma maladie, cette ultime année scolaire s’en est allée elle aussi à vau-l’eau. Comme quoi, un malheur ne vient décidément jamais seul ».

Découvert par Vercauteren

Jusque-là, Lokembo n’avait jamais eu qu’à se féliciter de la tournure de sa vie et de son parcours dans le monde du football. Fils cadet d’une famille de neuf enfants, d’origine congolaise, il avait emprunté dès l’âge de neuf ans le même chemin que son frère aîné, Guy, qui militait alors en Première au stade Gaston Reiff.

« Je ne loupais pas un seul de ses matches », se rappelle-t-il. « Je faisais d’ailleurs office de ramasseur de ballons sur la portion du terrain où il jouait. A la mi-temps, c’était plus fort que moi, je m’emparais toujours de l’une ou l’autre balle qui traînait pour jouer et jongler sur l’aire de jeu. L’entraîneur-adjoint d’Anderlecht, Franky Vercauteren, qui venait tout juste d’embrasser les fonctions de coordinateur des jeunes chez les Jaune et Bleu, me vit un jour à l’oeuvre et s’empressa de m’affilier. Quelques mois plus tard, à la faveur d’un tournoi de jeunes, je fus repéré par des scouts de Marchienne. Comme mon frère était partant lui aussi, plus rien ne me retenait à Braine et c’est pourquoi j’ai accepté l’offre de la RAMS. Mon meilleur souvenir? Une victoire par 5 à 4 en Young Cup face au Sporting de Charleroi. Dans cette formation évoluait un garçon que je retrouve à présent en équipe-fanion au Mambourg: Christopher Fernandez. Après ce tournoi, je fus approché par les Zèbres. Mais sur les conseils de mon entraîneur, Yves Delprat, je restais une saison de plus en banlieue carolorégienne. Un an plus tard, par l’entremise du directeur de l’école des jeunes du Sporting, Raymond Mommens, je fus testé face au Standard. Après ce match, j’avais le choix: parapher un contrat chez les Noir et Blanc ou chez les Rouches, à qui j’avais visiblement tapé dans l’oeil aussi. Comme Charleroi m’avait dans le viseur depuis longtemps, j’ai répondu à son offre ».

Le meilleur avec Dufer et Fernandez

« Il ne fallait pas être grand clerc pour discerner un talent certain chez Fabrice Lokembo », observe Raymond Mommens. « Toutes proportions gardées, il me faisait irrésistiblement songer à moi à mes débuts: médian gauche, il était doté d’une technique des plus appréciables et faisait merveille par la précision de ses passes, courtes ou longues. Comme moi, il ne brillait pas par son explosivité, et son engagement sur le terrain laissait également à désirer. Les années aidant, il est parvenu, malgré tout, à gommer ces défauts. Tout en devenant également un joueur polyvalent par excellence car s’il a débuté au milieu, il s’est également illustré comme back et même comme soutien d’attaque. S’il n’est et ne sera jamais un sprinter, son démarrage n’en est pas moins devenu plus tranchant, sans compter que son coach chez les juniors UEFA, l’ancien Sportingman Hervé Royet, lui a appris à se battre sur le terrain. Si je ne suis plus au Mambourg aujourd’hui, je constate quand même que mon ancien élève met résolument le pied. La preuve: suite à une intervention musclée de sa part sur Steve Dugardein, il a vu rouge à Mouscron voici peu. Ce geste-là eût été impensable de sa part il y a quelques années. A ce moment-là, il voulait encore tout faire en finesse et c’est plutôt à lui qu’on faisait brouter l’herbe. Je suis heureux pour lui que le déclic s’est produit au bon moment. Et surtout, qu’il réponde présent au plus haut niveau aujourd’hui. Il aurait vraiment été dommage que sa carrière soit entravée pour des raisons extrasportives. Avec Grégory Dufer et Christopher Fernandez , il est incontestablement le meilleur jeune que j’aie vu évoluer en classes de jeunes du Sporting ».

Kanu, l’exemple

Après plusieurs mois d’inactivité forcée, Fabrice Lokembo reprit pour la première fois le chemin des terrains à la fin de l’hiver passé. Au départ, il dut se contenter de trottiner en solitaire, puis il fut autorisé à se mêler au groupe avant de reprendre résolument les entraînements avec le ballon. En fin de saison, il était récompensé de ses efforts en disputant quatre matches avec les Espoirs.

« Je ne m’avoue pas facilement vaincu », explique-t-il. « Quand les médecins m’ont dit que mon avenir sportif était entouré d’un point d’interrogation, j’ai immédiatement songé à Nwankwo Kanu. L’attaquant nigérian d’Arsenal était encore moins bien loti que moi, il y a quelques années, puisqu’il souffrait d’une malformation cardiaque alors que chez moi, il n’était somme toute question que d’une infection. Je me suis battu contre la maladie et, en définitive, j’en ai triomphé. Franchement, j’étais le plus heureux des joueurs au moment de disputer à nouveau un vrai match, en avril dernier. Arrivé en fin de contrat, j’espérais secrètement, à l’instar de Christopher Fernandez et Lokman Atasever, entrer en ligne de compte pour un contrat professionnel. Mais en raison de mes ennuis de santé, la direction du Sporting fut réticente. Elle était disposée à me faire signer un nouveau bail aux mêmes conditions que ceux qui émargeaient au noyau B. Dans un premier temps, je refusai cette offre, préférant proposer mes services à La Gantoise, au GBA et à Mons. Aucun de ces clubs ne se montra intéressé par un joueur qui n’avait pas joué pendant les trois quarts de la saison et qui n’avait pas la moindre expérience au plus haut niveau. La meilleure chose qu’il me restait à faire, dès lors, c’était de rempiler pour un an au Mambourg, avec l’espoir de suivre l’exemple de mes deux compagnons d’âge qui avaient été versés dans le groupe A ».

Jury central

Une promotion qui n’allait d’ailleurs pas tarder car dès la période de préparation, le nouveau coach des Zèbres, Etienne Delangre, l’invita à se mêler aux débats. Titularisé pour la première fois à l’occasion d’une joute amicale face aux Luxembourgeois de Mertzig, l’intéressé se tira tellement bien d’affaire qu’il ne quitta plus ni le noyau ni le poste de back gauche en Première.

« Il a mis à profit l’indisponibilité de Tony Herreman pour prendre du galon », observe l’entraîneur. « Par rapport à l’ancien joueur du Germinal, il a l’avantage de l’âge et du gabarit mais il manque évidemment d’expérience. C’est la raison pour laquelle il a pris une carte rouge évitable au Canonnier et qu’il a péché par un placement déficient contre le Standard. Attention, il n’est sûrement pas celui qu’il faut blâmer le plus dans le contexte des nombreux buts stupides que nous avons concédés jusqu’ici. Fabrice Lokembo est réceptif à tout ce que je lui dis et il progresse de semaine en semaine. Pour le moment, il constitue mon premier choix au poste d’arrière latéral gauche. Mais au même titre que ceux qui l’ont eu sous leurs ordres avant moi, je suis d’avis que sa meilleure place se situe un cran plus haut. Avant d’en arriver là, un écolage en tant que back me semble cependant tout indiqué. Une chose est sûre: si Fab persévère sur cette voie, il est bien parti pour décrocher un contrat pro en bonne et due forme au Sporting. Je l’apprécie parce qu’il en veut. Non seulement sur le terrain mais aussi dans la vie de tous les jours. Ayant raté sa dernière année d’études pour le motif que l’on sait, il s’est mis en tête de passer le jury central, au cours des mois à venir, afin d’avoir un diplôme en main. Avec cette détermination, les plus beaux espoirs lui sont permis ».

Bruno Govers

Même doué, il écoute et il applique

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