Espoir pour les bébés-bulles

Deux enfants avaient contracté une maladie du sang après un traitement expérimental de thérapie génique. Cela avait entraîné l’arrêt de ce type de soins. Pourtant, les essais devraient reprendre : les médecins croient avoir trouvé la clef du problème

A7 mois, Armand a failli mourir de l’une des plus banales maladies infantiles, la varicelle. De longues semaines se sont écoulées avant que les médecins comprennent enfin pourquoi il n’en guérissait pas. Le garçon était en fait porteur d’une anomalie génétique qui le rendait incapable de se défendre contre les infections. Placé dans une bulle stérile, Armand a aussitôt bénéficié d’un traitement encore expérimental consistant à remplacer le gène défectueux par un autre, sain. Puis a commencé l’attente des premiers effets visibles. Trois longs mois d’un combat à armes inégales entre l’organisme vulnérable du bébé et un virus assez redoutable pour s’attaquer à un £il, puis à son cerveau.

Le jour de la victoire est resté gravé dans l’esprit de son père.  » Mon épouse était profondément découragée à la suite d’une nouvelle poussée de varicelle, se rappelle-t-il, quand elle s’est avisée que les boutons commençaient à disparaître.  » Pour Armand, la guérison signe le bon de sortie de sa prison de plastique. Son déficit immunitaire combiné sévère (DICS) lié au chromosome X était bel et bien corrigé.

Armand est le sixième bébé-bulle traité par thérapie génique, en France. Une première mondiale, qui a porté sur 10 patients en quatre ans, à l’hôpital Necker, à Paris. L’essai est pourtant suspendu depuis octobre 2002. Car les deux garçons soignés juste avant Armand ont développé une maladie du sang proche de la leucémie. Soignés par chimiothérapie, ils sont aujourd’hui en rémission. L’équipe de Necker vient de livrer l’analyse de leurs cas dans la revue Science.

 » Certaines de nos hypothèses doivent encore être validées sur des souris de laboratoire, explique le Pr Alain Fischer, mais nous avons bon espoir de pouvoir reprendre la thérapie génique dans un délai de l’ordre d’un an.  » Un v£u partagé par les parents d’Armand. L’idée que des bébés-bulles sont actuellement privés du traitement  » qui a sauvé [leur] fils  » les a décidés à sortir de l’anonymat.  » La thérapie génique n’est pas la panacée, reconnaît le père. Mais la greffe de moelle osseuse qu’Armand aurait reçue à la place aurait pu échouer.  » Vrai. Par cette technique déjà ancienne, les chances de survie à cinq ans sont de 3 sur 4 en l’absence de donneur compatible.

A ce jour, les 14 enfants traités par thérapie génique dans le monde (9 en France, 1 en Australie et 4 au Royaume-Uni) sont vivants et en bonne santé. Un seul n’a pas réagi au traitement, mais a bénéficié d’une greffe. Les chercheurs sont-ils aujourd’hui capables d’expliquer pourquoi deux d’entre eux sont tombés malades ? Oui. Savent-ils comment l’éviter par la suite ? Peut-être… Dans les deux cas problématiques, les lymphocytes T, ces globules blancs qui leur faisaient défaut à la naissance, se sont soudain multipliés de façon anormale. Le problème remonterait en fait aux étapes initiales de la technique de thérapie génique. Des cellules de la moelle osseuse sont prélevées chez le patient. L’objectif est de corriger leur génome pour qu’elles soient capables, une fois réinjectées dans l’organisme, de générer normalement des globules blancs. Ces cellules sont donc infectées par des rétrovirus porteurs du nouveau gène. Mais chaque virus s’insère où bon lui semble dans le génome de sa victime. Il se comporte comme une voiture sans pilote, et les chercheurs ne savent pas encore le téléguider. Or, parmi les sites possibles, certains sont dangereux, car situés trop près de gènes susceptibles, s’ils sont bousculés, de déclencher un processus de type cancéreux.

Dans les cellules qui proliféraient dans le sang des deux patients, le nouveau gène était justement situé à proximité d’un autre, impliqué dans des leucémies, le LMO2. Les petits malades avaient donc reçu des cellules corrigées à risque. Mais les chercheurs pensent que les autres garçons en ont reçu aussi. Quel facteur spécifique aux premiers a-t-il provoqué le dérèglement ? La piste la plus convaincante est celle de leur âge. Ces enfants, dont les antécédents familiaux étaient connus, ont été diagnostiqués et traités très jeunes, respectivement à 1 et à 3 mois. Le Pr Fischer envisage, si cette donnée s’avérait un facteur décisif, de réserver la thérapie génique aux enfants de plus de 4 mois.  » A force de passer d’hôpital en hôpital sans que le bon diagnostic soit posé, Armand avait déjà 7 mois quand il est arrivé à Necker « , remarque sa mère. Un mal pour un bien ?

Une rubrique de Pascale Gruber

ôLa thérapie génique n’est pas la panacée. Mais une greffe de moelle osseuse aurait pu échouer »

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