Charles Picqué : "J'ai encore plein de choses à réaliser." © Belgaimage

Communales 2018 : à Saint-Gilles, tirez sur le socialiste !

Le Vif

Charles Picqué brûle de rempiler. Une ultime fois. Avec un bilan solide mais qui se prend les pieds dans les chantiers et une certaine dualisation sociologique de sa commune. L’opposition canonne.

Trente-trois ans de Picqué, ça suffit, faut du changement !  » La sentence d’un opposant claque à l’ombre du somptueux hôtel de ville. Celui où règne depuis trois décennies de majorité absolue le grand Charles. Si Ecolo, DéFI, CDH et PTB sortent le gros calibre c’est que,  » pour la première fois depuis longtemps, on sent une ouverture en matière de résultats capables de redistribuer les cartes, de rajeunir le conseil, de reconfigurer les choix politiques, de mettre fin à la majorité absolue d’un PS à l’image écornée « , assène la tête de file Ecolo-Groen, Catherine Morenville. Alors, tous cognent dur sur le bilan Picqué :  » immobilisme « ,  » fracture entre haut nanti et bas précarisé de Saint-Gilles « ,  » chantiers dispensables imposés sans concertation, au Parvis et au square Jacques Franck, « ,  » insécurité « ,  » #zerosmartcity « ,  » mobilité et stationnement catastrophiques « ,  » gouvernance gangrenée par les cumuls « …

Ainsi s’abat, déjà à six mois du scrutin, une drache de griefs sur le râble altier et robuste du mayeur de 69 ans… Avant même sa candidature officielle pour un sixième mandat.  » Mais, c’est dans l’air « , sourit Picqué. Il officialisera bientôt. Il en faut plus que la charge musclée de l’opposition pour déstabiliser  » belette courtoise « , son totem scout. De son bilan, le grand Charles est fier comme de sa première écharpe mayorale. Avec un indéniable succès, salué, lui, unanimement, du CDH au PTB : l’augmentation des places en crèches et écoles communales pour épouser le boom démographique de la commune.  » De 2012 à 2020, nous aurons quasi triplé les places d’accueil pour la petite enfance. De 240 à 620 lorsque la dernière crèche sera opérationnelle sur le site de l’ex-école Ecam. Côté écoles communales, on a bondi de 2 070 places à 2 620 avec les créations d’un nouvel établissement primaire à enseignement différencié, du Lycée secondaire Roger Lallemand à pédagogie active et d’une nouvelle école de promotion sociale.  »

Bon bulletin mais…

Excellente note mais les détracteurs sévères égrènent leurs points d’attention. Tous se fixent sur le bas de Saint-Gilles. En suivant le gps de l’opposition, on passe par la gare du Midi décatie et son centre de tri postal abandonné, on remonte vers le square Jacques Franck devenu chantier encombrant où se cristallisent incivilités et petite criminalité dans un climat électrique avec les policiers de proximité d’Uneus. Une mauvaise série sous le regard désabusé et insécurisé des habitants. Les mêmes, réveillés en sursaut un matin de septembre 2017 par les tronçonneuses rasant les arbres de leur square. D’un chantier à l’autre, cap sur celui du Parvis.  » Il fragilise gravement l’attractivité de commerces déjà mal en point « , décoche l’Ecolo Catherine Morenville rejointe par Loïc Fraiture du PTB évoquant  » le ras-le-bol des Saint-Gillois face aux difficultés aiguës de stationnement ponctuées d’un zèle verbalisant à la moindre infraction ou horodateurs impayés.  » Sans oublier les problèmes de logements (sociaux, publics ou privés) et d’inflation des loyers qui mineraient une commune déjà, à 50 000 habitants, au maximum de sa capacité.

Face à la bronca arc-en-ciel, Picqué réfute et, pour commencer, brandit la statistique de la criminalité : en baisse effective de 40 %, malgré le noeud de tension du square Jacques Franck. Le mayeur pose ensuite le principe cardinal qui a toujours guidé son action :  » Les communes pauvres doivent s’en sortir en régénérant leur mixité et leur maillage social. Le défi est de trouver ce point d’équilibre entre solidarité sociale et renouvellement d’une population plus contributive fiscalement. Oui, ma commune doit faire évoluer son tissu sociologique par souci de recette fiscale, pour aspirer tout le monde vers le haut. Je préfère être Saint-Gilles que Cureghem ou Fort Jaco.  » Dans les faits, il est vrai que la politique d’espaces publics, de rénovation de logements et l’offre riche et large d’équipements publics a aimanté des familles à revenus moyens et supérieurs, des jeunes ménages, nombre de Français et des fonctionnaires européens. La commune s’est  » boboïsée « .

Communales 2018 : à Saint-Gilles, tirez sur le socialiste !

Allo maman, bobo !

Vincent Henderick, tête de liste CDH, reconnaît que  » l’ère Picqué a tiré Saint-Gilles vers le haut, mais la dualisation de la commune, tant sur le plan social qu’urbanistique, est plus forte que jamais. Son ADN populaire est en danger « . L’humaniste est rejoint par Emmanuel de Hemricourt, le premier de liste DéFI :  » Cette gentrification serait moins problématique si elle s’inscrivait dans une vraie politique de mixité sociale « . Le nouveau venu PTB Loïc Fraiture tape à son tour,  » tout ce jeu d’attraction de publics aisés éloigne des problèmes criants des populations précarisées et de leur habitat. Avec 4,5 % de logements sociaux pas vraiment en bon état, Saint-Gilles est la pire élève de la Région et les logements dits publics n’ont pas des loyers toujours bas.  » Face à la pique, Picqué esquive.  » N’importe quoi ! On a énormément investi dans la rénovation.  »

Sous l’ impulsion du mayeur, la régie foncière saint-gilloise est devenue, derrière Bruxelles-Ville, la plus riche du pays. Propriétaire de pas moins de 180 bâtiments. Picqué explique cette fièvre acheteuse :  » Faute de nouveaux espaces constructibles, seule cette politique d’acquisition foncière me permet d’offrir de nouvelles crèches et écoles à la population, d’ouvrir bientôt une ressourcerie de récupération d’appareils ainsi qu’une halle alimentaire à économie circulaire courte. Ces acquisitions tous azimuts ont permis nos 1 000 logements publics et d’influer aussi sur l’offre commerciale en achetant et revalorisant des surfaces.  »

Charles Picqué veut, c’est sûr, rester à la tête de son  » labo communal d’une certaine idée de la mixité et de la diversité socio-culturelle. Je rassure mes adversaires, si je suis élu, ce sera mon dernier mandat, pour préparer ma relève. Je suis un vieux format remplaçable ! Et je ne me présenterai pas aux Régionales de 2019 pour servir à 100 % Saint-Gilles. J’ai encore plein de choses à réaliser. Pourquoi pas un phare culturel ? Je ferais bien de ce qu’on nomme « la Chapelle », l’énorme bâtiment central de la prison bientôt désaffectée, un espace d’exposition multiculturel et classé. Ça aurait de la gueule, non ? « 

Par Fernand Letist.

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