Anderlecht : les coulisses d’une bataille urbaine

Skinheads contre Marocains : des bandes rivales se sont affrontées la semaine dernière à Anderlecht. Enjeu de la bataille : le contrôle du territoire. Du jamais-vu en Belgique.

Tous ensemble, tous ensemble, hey ! « ,  » Nous sommes chez nous  » ! martèlent les hooligans massés place De Linde, à Anderlecht, en cette soirée du vendredi 23 mai. On peut revoir la scène en vidéo sur YouTube et sur des sites d’extrême droite. C’est la déclaration de guerre des  » petits Blancs  » musclés – de 250 à 300 jeunes adultes proches de la  » bande de la place De Linde « , renforcés par des  » durs  » du Sporting de Charleroi, du Club de Bruges et du KV Mechelen – aux Marocains. Face à eux, plusieurs centaines de mineurs d’origine marocaine – très majoritairement étrangers à la commune – surgis subitement des bouches de métro. Le plus jeune a 11 ans. Les agitateurs, plus âgés, sont connus des services de police.

Les  » Blancs  » reprochent aux Marocains d’étendre leur  » emprise  » sur la commune bruxelloise (98 000 habitants). Le racisme est des deux côtés. Les ingrédients d’une bataille rangée sont réunis.

Heureusement, le choc frontal n’aura pas lieu. En effet, la police fait barrage aux fauteurs de troubles. Lesquels, dépités, s’en prennent au mobilier urbain et aux commerces. La tension ne retombera qu’avec l’arrestation de 197 manifestants, tous jeunes et  » allochtones « , à l’exception d’un  » skin « . D’autres casseurs sont dans le collimateur de la justice.

Tout avait commencé au parc Astrid, le 17 mai, avec le vol avec violence, suivi d’un viol en réunion, d’une jeune fille  » blanche  » de 18 ans. Les cinq auteurs, mineurs et d’origine étrangère, sont arrêtés. La victime connaissait des habitués de la  » bande de la place De Linde « . Depuis la fin du mois de janvier dernier, la police tient à l’£il ce groupe ainsi que le noyau dur des supporters du Royal Sporting Club d’Anderlecht. Ils se réunissent au café L’Occasion.

De plus en plus de familles marocaines quittent Cureghem, dans le bas de la commune, pour s’installer près de la place De Linde. Elles supportent mal les beuveries et les beuglements des supporters, au point que le bourgmestre Gaëtan Van Goidsenhoven (MR) a songé à prendre un arrêté de fermeture du café. Mais la vraie  » ligne de démarcation  » entre le  » quartier marocain  » et le  » quartier blanc « , c’est la rue de la Procession, à 300 mètres de l’établissement, près de l’entrée du métro Saint-Guidon. Là, les jeunes d’origine marocaine se sentent chez eux.

Agression puis expédition punitive

La véritable étincelle s’est produite le 18 mai.  » Le jour de la finale de la Coupe de Belgique, mon fils était au métro Saint-Guidon, rapporte le conseiller communal Ecolo André Drouart, par ailleurs très critique à l’égard de la majorité MR-PS-CDH. Une dizaine de jeunes d’origine maghrébine étaient occupés à racketter un jeune d’origine belge. Des supporters d’Anderlecht, déjà bien imbibés, leur ont réglé leur compte.  » Le lendemain, une expédition punitive s’est attaquée au quartier général des supporters d’Anderlecht, place De Linde.

Dès mardi, un hélicoptère de la police fédérale tournoie au-dessus d’Anderlecht. La tension est montée. Deux cocktails Molotov prêts à l’emploi ont été découverts près du café des  » skins « . Entretemps, un blog a invité tous les  » dlaly  » (copains) de Bruxelles à se rassembler le vendredi 23 à Saint-Guidon pour s’en prendre aux  » skynets  » et aux  » flaments « . Le 20 mai, à 10 heures, il avait déjà été visité par 3 659 personnes.

La leçon de cette semaine orageuse ? Cette guérilla urbaine, mouvante et insaisissable, qui se nourrit de SMS et de blogs, doit entrer dans les manuels de maintien de l’ordre. Et il faudra que les moyens suivent… A Anderlecht, les policiers étaient tout juste assez pour s’interposer entre les clans surexcités.

Depuis ces événements, la commune profite d’un calme… apparent. Dans la nuit du 24 au 25 mai, un cycliste a été suivi par une voiture chaussée de Ninove et passé à tabac par ses occupants, d’origine marocaine. Le lundi 26, des mères équipées de poussettes se sont précipitées chez elles, paniquées par des rumeurs d’agression contre les femmes en foulard.

Marie-Cécile Royen

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