Les francophones sont prêts

On peut ne pas être d’accord avec Joëlle Milquet (CDH). Mais sa résistance force le respect. Malheureusement, elle n’a d’égale que la détermination des Flamands. Qu’il s’agisse de Kris Peeters (CD&V), ministre-président flamand, du sénateur Etienne Schouppe (CD&V) ou des entrepreneurs flamands du Voka, ils disent à peu près tous la même chose : ils critiquent notre fédéralisme dit de  » consommation  » et veulent un  » confédéralisme de responsabilités « . Les constitutionnalistes ne voient pas clairement ce que cette terminologie sous-entend. Mais on a compris : pour le nord du pays, le centre de gravité doit passer de l’Etat fédéral aux Communautés. Dans ce cas, on ne sait pas ce qu’il restera de la solidarité entre les Flamands et les francophones. Ni comment on évitera une différence de niveau de vie encore plus criante entre le Nord et le Sud.

Mais c’est évident, les Flamands craignent que leur croissance ne soit menacée. Et en ont assez de payer pour les Wallons. Pas sûr qu’à leur place nous, les francophones, on n’agirait pas de même. Car sans doute avons-nous trop tiré sur la corde. Le 27 septembre dernier, jour de la fête de la Communauté française, sa ministre-présidente, Marie Arena, a salué la solidarité de la Flandre et a estimé qu’il lui incombait d’£uvrer au redressement de sa Communauté. Mais cela vient tard. Le montant exact des transferts de la Flandre vers la Wallonie est controversé. (Les Flamands parlent de 10 milliards d’euros par an.) Quoi qu’il en soit, le total des transferts est, de toute façon, trop élevé. Et il a été trop longtemps minimisé, voire nié par les francophones. Les Flamands en ont tiré du ressentiment. En contrepartie, ils n’ont reçu ni pouvoir supplémentaire ni remerciements.

Certes, appelé à la rescousse, Guy Verhofstadt (Open VLD) va relancer la formation du gouvernement. Mais, à terme, il faudra en faire son deuil : la Belgique, dans sa forme actuelle, est condamnée. En six mois de crise, le fossé s’est creusé entre le Nord et le Sud. Et les mentalités ont changé très vite. Selon un sondage du journal Het Nieuwsblad, une majorité des Belges, y compris des francophones, sont prêts à un débat de fond sur la survie de la Belgique. Il se trouve même deux francophones sur cinq pour vouloir une réforme de l’Etat (pour trois Flamands sur cinq).

Ce n’est pas la fin de la Belgique. Les Flamands, dans leur majorité, ne sont pas séparatistes, car ils ne veulent pas lâcher Bruxelles. En moins de deux siècles, le Mouvement flamand est parvenu à néerlandiser toute la Flandre, alors qu’à une époque le flamand n’était pratiquement plus parlé que dans les milieux populaires. Le français était, lui, la langue  » culturelle  » et celle des couches supérieures de la société. Seule Bruxelles est restée en grande partie francisée. Or, sans Bruxelles, la culture flamande risque de rester une culture provinciale.

La capitale reste donc la carte maîtresse des Wallons et des Bruxellois. Si, avant ou après la formation d’un gouvernement, les francophones doivent briser un tabou et se mettre à table pour un grand débat institutionnel, voulu par la seule Flandre, ils devront exiger qu’elle laisse à son tour tomber ses tabous historiques. Et sur la nécessité d’élargir les frontières de Bruxelles, les francophones devront, eux aussi, faire preuve de la plus grande détermination. l

de dorothée klein, Rédactrice en chef

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