Petit pays, gros salaires

Le Premier ministre belge n’a rien à envier à ses homologues européens. La transparence, elle, ne règne qu’à l’échelon gouvernemental. Les autres niveaux de pouvoir sont plutôt opaques

Non, Guy Verhofstadt, le Premier ministre, n’est pas mal payé. Avec son traitement de base d’environ 188300 euros annuels (brut, avant impôts) – soit quelque 15700 euros mensuels – ses 581 euros mensuels de frais de représentation et ses 1452 euros mensuels de  » frais de logement et domestiques « , il touche quelque 17 725 euros mensuels (toujours avant impôts). Ce qui le place en sixième position au hit-parade des chefs d’Etat et de gouvernement ( lire en p. 46), juste après Jean-Claude Juncker, son homologue luxembourgeois, et avant Tony Blair, le Premier ministre britannique.

Les vice-Premiers ministres (Didier Reynders, Laurette Onkelinx, Freya Van den Bossche et Patrick Dewael) et le ministre des Affaires étrangères (Karel De Gucht) sont logés à la même enseigne.

Les  » simples  » ministres touchent, eux, environ 17 442 euros mensuels. Ils bénéficient du même traitement de base et des mêmes frais de logement et domestiques que Verhofstadt et les vice-Premiers, mais leurs frais de représentation sont moins élevés (290 euros par mois). Quant aux secrétaires d’Etat, ils perçoivent 14900 euros de salaire mensuel de base, augmenté des mêmes montants pour frais que ceux des ministres. Soit un total de 16 637 euros par mois. Détail non négligeable, chaque membre du gouvernement dispose aussi, gracieusement, d’une voiture avec chauffeur.

L’indemnité pour frais de représentation est censée couvrir exclusivement le remboursement de frais réellement exposés par les responsables gouvernementaux, en raison de leur rang. Elle n’est, dès lors, pas imposable. Ce forfait pour frais sert, notamment, à renouveler la garde-robe des éminences qui, on l’admettra sans peine, doivent toujours être élégamment vêtues. Il est indépendant des notes de frais que chaque ministre peut encore rentrer à l’administration pour les dépenses de réception et de représentation ayant un caractère officiel ! Sur ce sujet, les informations ne sont pas légion… Cela dit, la Cour des comptes vérifie, chaque année, les frais déclarés par les ministres : ceux-ci doivent découler directement de l’exercice de la fonction ministérielle et avoir un caractère officiel. Pas question, par exemple, d’imputer l’achat de fleurs ou de cadeaux pour des mariages ou d’autres circonstances privées sur le budget du département.

L’aide au logement et domestique semblera sans doute injuste aux yeux de salariés obligés de payer une crèche pour leurs enfants, de se débattre dans de terribles difficultés horaires pour mener de front boulot et vie de famille, et de faire leur  » ménage  » le week-end. Mais il faut être de bon compte : il n’est pas donné à tout le monde de supporter sans craquer les responsabilités, la masse de travail, les horaires insensés et le stress engendrés par une fonction ministérielle.

Cela dit, l’échelon gouvernemental – les émoluments des ministres régionaux et communautaires sont comparables à ceux des membres du gouvernement fédéral – est certainement le plus transparent. Plus on  » descend  » dans la hiérarchie, plus l’opacité s’intensifie. Les abus, en Belgique, sont le plus souvent le fait de parlementaires cumulards, de bourgmestres indélicats, d’échevins opportunistes, de députés permanents peu regardants, de responsables d’intercommunales aussi gourmands que discrets, bref, de  » professionnels de la politique  » jouissant décidément du don d’ubiquité et… résolument à l’abri du besoin. Certes, une loi de 1999 limite le cumul à deux mandats exécutifs par élu, au maximum. Mais les mandataires publics ne témoignent pas tous d’un grand respect pour la loi : le système de sanction, déficient, ne les incite guère à la prudence. Ce sera, peut-être, le seul bénéfice que l’on retirera de la succession des affaires qui entachent aujourd’hui le monde politique : davantage de transparence, davantage de sanctions, davantage d’éthique. On peut toujours rêver…

Isabelle Philippon

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