L’Europe s’attaque aux bactéries

Avec un financement du 6e programme-cadre et sous une coordination de l’ULg, 16 laboratoires européens seront associés pour dénicher les pistes de nouveaux antibiotiques. Fondamental ? Absolument !

Le Vif/L’Express : Pourquoi les chercheurs européens vont-ils se mobiliser pour décrypter la synthèse des parois des bactéries ?

Pr Jean-Marie Frère (Centre d’ingénierie des protéines de l’université de Liège, et coordinateur du projet Eur-Intafar) : La résistance des bactéries aux antibiotiques est devenue un problème de santé publique. Nous avons abusé de ces médicaments (y compris et surtout en usage vétérinaire) et favorisé l’émergence de souches bactériennes résistantes. Il est donc fondamental de trouver d’autres produits, tout en modifiant nos comportements. Eur-Intafar, dont les participants se réuniront le 28 février, consacrera 11,3 millions d’euros à ces recherches fondamentales.

Comment préparer la voie à de nouvelles générations d’antibiotiques ?

La paroi des bactéries constitue une piste plus que prometteuse. Cette paroi est indispensable à la survie des bactéries dans la plupart de leurs milieux naturels, y compris dans les sites d’infection chez l’homme. Comme il n’existe pas de structure comparable chez l’homme, s’y attaquer provoquerait probablement des effets secondaires chez le malade.

Actuellement, la pénicilline agit à la fin du processus de synthèse. Nous pensons qu’il est possible d’intervenir de manière plus précoce. Nous visons spécifiquement les enzymes, les protéines de la bactérie : elles sont les catalyseurs qui accélèrent les réactions menant à la synthèse finale de la paroi et rendant la bactérie compatible avec la vie. Actuellement, nous connaissons presque toutes les enzymes impliquées dans cette longue réaction. Si nous parvenons à les arrêter, nous trouverions ainsi, au moins pour un temps, le moyen de contourner les problèmes de résistance. Mais ce n’est pas simple, car il nous faut, par exemple, entrer dans la cellule bactérienne, ce que la pénicilline, elle, ne fait pas : elle agit à sa surface. Dans le réseau Intafar, certains laboratoires étudient l’intérieur de la cellule, d’autres sa membrane, d’autres encore, la surface extérieure de cette dernière : à chaque endroit correspondent des solutions différentes pour des thérapies antibactériennes.

Contrer les résistances bactériennes, est-ce possible ?

L’histoire nous montre que les bactéries ont toujours su trouver de bonnes parades : l’idéal serait de parvenir à garder une longueur d’avance sur elles ! En tout cas, je reste optimiste, en raison de notre meilleure compréhension quant à leur fonctionnement.

Entretien : Pascale Gruber

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