DONALD, DUC DE WASHINGTON

Jacques De Decker

L’abcès est vidé. L’alternative était simple : la continuité ou le changement. Si la continuité avait eu du charme, elle l’aurait emporté, d’autant qu’elle était incarnée par une femme. Le changement, lui, avait un atout : une rupture absolue dans la manière, une vulgarité assumée, reflétant l’humeur du temps, dans la gamme trash qui se moque des nuances, renverse les tables, arrache les nappes et casse la vaisselle. Le style post-Charlie, en fait, qui a, de plus, désormais, les honneurs du martyre. Les sonneries des trumpettes ont été assourdissantes. La question se pose : sont-ce celles de l’apocalypse, comme certains titres de presse l’ont proclamé ?

C’est plutôt une page blanche, aussi blanche que la demeure qui va abriter l’heureux gagnant. Une experte qui s’est longtemps penchée sur son cas, Marie-Cécile Naves, l’a écrit : il s’est battu pour régner, pas nécessairement pour gouverner, selon l’habitude dont il ne s’est jamais départi, depuis que son père, qui lui a montré la voie, lui a enjoint d’être un  » tueur « . Maintenant, il va habiter une demeure moins clinquante que celle qu’il a lui-même construite, il va pouvoir observer l’espèce humaine et voir se retourner un nombre sidérant de vestes, il ne devra plus assumer le spectacle lui-même, mais sera aux premières loges de celui du monde, puisqu’il est le plus puissant occupant du parterre.

Que l’homme ait de l’instinct, les événements l’ont prouvé : sans la moindre expérience crédible du pouvoir, sans l’ombre d’un diplôme de sciences-po, sans même un ancêtre dans la branche (ce qui fait de lui une exception), il a écrasé tous ses adversaires. Un self-made-mana démontré à l’Amérique que son mythe fondateur avait conservé toute sa vigueur. C’est ce qu’avait annoncé le Michel-Ange américain, à savoir Walt Disney, en créant la dynastie des Duck : le 45e président a le côté hâbleur et colérique de Donald, et peut crawler dans sa piscine de dollars comme le richissime oncle Picsou.

C’est dire que le président Trump est le plus pur produit possible du pays qui l’a suscité. C’est son prédécesseur qui contrariait la règle, et avait servi à dissimuler la honte nationale du crash de 2008. Maintenant que l’on est revenu à la  » normale « , que les Républicains ont verrouillé les assemblées, plus besoin de se gêner. L’étalon, le modèle de la nation, celui qui l’incarne jusqu’aux excès de la caricature pouvait accéder au sommet du podium.

Partons donc de ces prémices : Donald, duc de Washington, va pouvoir remettre les compteurs à zéro. Il ne manque pas d’idées, même si elles sont simplistes. Il ne va pas pouvoir décevoir sa clientèle, d’autant qu’il n’en a pas d’autre que son électorat (n’oublions pas qu’il a été le principal bailleur de fonds de sa campagne, ce qui n’est pas donné à tout le monde). Peut-être aura-t-il vraiment entendu les plaintes fondées de ceux que la mondialisation, la technologie inhumaine, le tout à l’économie ont plongé dans l’angoisse, le désespoir et la misère. Et s’il réalisait en 2017 ce que Lénine, un siècle auparavant, a tenté, avec les meilleures intentions du monde, de concrétiser, sans hélas prendre d’assurances contre la dictature ? Avec des personnages de cette trempe, il est permis de délirer : Trump n’a-t-il pas, lui, veillé à s’assurer contre sa défaite ? Diable d’homme ! Et s’il n’était qu’un Trump-l’oeil ?

jacques de decker

Un self-made-man a démontré à l’Amérique que son mythe fondateur avait conservé toute sa vigueur

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire