Une petite pièce pour la science

Après l’UCL et l’ULB, c’est au tour de l’Université de Namur de se lancer dans la levée de fonds privés pour financer la recherche. Une pratique de plus en plus courante, face aux budgets publics insuffisants.

La campagne entend mettre les petits plats dans les grands. Benoît Poelvoorde qui pose avec sa maman pour soutenir l’opération, un site Web expressément conçu, des ambassadeurs qui relaient l’information dans leurs cercles respectifs… L’UNamur l’a bien compris : on n’attrape pas les mécènes avec du vinaigre. Pour réunir 4 millions d’euros en quatre ans, il faut se donner les moyens de ses ambitions. Et miser sur un thème fédérateur, capable de sensibiliser Monsieur et Madame Tout-le-Monde tout en étant suffisamment transversal scientifiquement parlant. Le vieillissement de la population s’y prêtait particulièrement. C’est donc armée du slogan  » Vivre mieux, plus longtemps  » que l’institution s’apprête à lancer sa levée de fonds. Sa première du genre.

Comme toutes les universités, Namur reçoit son lot de dons et legs spontanés. Cette fois, c’est elle qui va solliciter activement la générosité. Des entreprises, de ses anciens étudiants, de fondations philanthropiques mais aussi de tout un chacun.  » Il s’agit de notre première campagne structurée, explique Morgane Belin, responsable du projet. Nous avions commencé à mettre en place la structure nécessaire fin 2012, avec l’aide d’un consultant extérieur. Dans un premier temps, nous étions dans une phase « silencieuse », nous avions sollicité les grands donateurs habituels et déjà récolté 1 million d’euros.  »

Pour rassembler les 3 millions restants, l’opération s’apprête, ce mois-ci, à passer en mode public. Trois projets en particulier seront mis en avant.  » Le premier porte sur le bien vieillir, soit comprendre les enjeux de l’allongement de la durée de vie tant du point de vue médical que sociologique, psychologique, etc. Le deuxième concerne l’artériosclérose, la calcification des artères qui reste l’une des principales causes de décès dans le monde. Enfin, le troisième s’intéresse aux cancers, dont la fréquence augmente avec l’âge « , énumère Morgane Belin. Neuf cent mille euros y seront affectés, le solde devant être redistribué à d’autres programmes de recherche.

En se lançant dans le fundraising, l’université namuroise n’a rien inventé. En Belgique, l’UCL en a été le précurseur, dès 1999.  » L’idée était venue du recteur de l’époque, Marcel Crochet. Il avait étudié aux Etats-Unis et observé que cela était très courant là-bas. Des établissements comme Harvard tirent quasiment la moitié de leur financement du privé « , rappelle Caroline Mouligneau, secrétaire générale de la Fondation Louvain.

La première campagne de l’UCL visait à amasser 1 milliard de francs belges pour différents projets. Objectif atteint. Tout comme pour la deuxième récolte, en 2005, qui permit de glaner 2,8 millions d’euros pour la création de nouvelles chaires. La Fondation Louvain prépare actuellement une troisième salve d’envergure. Elle n’est toutefois pas inactive entre les coups, puisqu’elle sollicite des financements pour des projets précis. Une mission qui occupe quotidiennement 6 personnes.

En Fédération Wallonie-Bruxelles, l’ULB a rejoint le mouvement dès 2010, via la mise sur pied de sa propre fondation. Qui n’organise pas de levée de fonds globale, mais qui a pour habitude de sélectionner des  » projets de haut niveau  » présentés à un parterre de mécènes potentiels. A vot’ bon coeur, pour les chercheurs !

Une manière de combler un financement public lacunaire ?  » Pour quoi d’autre le ferions-nous ?, répond Serge Schiffmann, vice-recteur de l’ULB. Il est clair que les financements publics deviennent de plus en plus durs à obtenir et sont clairement insuffisants.  » Tandis que la recherche, elle, se révèle toujours plus pointue, dès lors toujours plus coûteuse.  » Il y a aussi de nouveaux champs de connaissance qui ne sont pas couverts par les contrats publics, ajoute Caroline Mouligneau. Par exemple, sans le fundraising, on n’aurait jamais obtenu 1 million pour développer les MOOCs (NDLR : cours en ligne gratuits).  »

A l’UNamur, on se montre plus prudent vis-à-vis du pouvoir subsidiant.  » Il ne s’agit pas de poser un sparadrap sur un trou béant, assure Morgane Belin. Notre volonté est d’avoir plus d’ambition.  » Les sommes engrangées auprès de bonnes âmes privées restent minimes comparées aux financements globaux. Les 4 millions namurois s’ajouteront aux 34,7 millions consacrés annuellement à la recherche. A l’ULg, on estime que le capital  » philanthropique  » total s’élève à environ 20 millions, toutes années confondues. Là aussi, on réfléchit sérieusement à la piste fundraising.  » Aujourd’hui, il faut essayer de trouver l’argent un peu partout, confie Albert Corhay, recteur de l’ULg. Même si se tourner vers le privé ne fait pas partie des mentalités dans toutes les facultés. Il faudrait également développer le sentiment d’appartenance des anciens. Car les sponsors ne sont pas innombrables « .

La Fédération Wallonie-Bruxelles reste effectivement étroite. Tout comme la liste des philanthropes potentiels. Essentiellement constituée d’entreprises, de représentants de familles fortunées et d’alumni souhaitant faire bénéficier  » leur  » établissement de leur réussite une fois la soixantaine atteinte. Sans doute aussi attirés par la déductibilité fiscale proposée. Les dons des particuliers, eux, sont nombreux mais peu élevés.

Si plus d’acteurs se positionnent sur le terrain du mécénat, le jeu risque de devenir serré. D’ailleurs, aucune fondation ne l’avoue ouvertement, mais un vent de concurrence souffle déjà…

Par Mélanie Geelkens

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire