Ce que Schuiten doit à Verne

Hommage d’un maître de la BD à un génie du roman d’anticipation

Le Vif/L’Express : A lire vos albums, on imagine que c’est par les fameuses gravures des éditions Hetzel que vous êtes entré dans l’£uvre de Verneà

François Schuiten Plus exactement, c’est par la conjonction de ces images et de la voix de ma mère. Enfant, j’étais insomniaque et elle me lisait De la Terre à la Lune pendant des heures le soir… Plus tard, en voyant Les Enfants du capitaine Grant au cinéma, j’ai été frappé par cette image, surréaliste, où l’on voit les héros dans un arbre au milieu de la mer. Mais j’ai surtout été fasciné par l’atmosphère, l’épaisseur et particulièrement la lumière qui émanaient des gravures dans les romans de Verne. Il s’en dégage un mystère, une puissance d’évocation que j’ai essayé de retrouver lorsqu’on m’a demandé d’illustrer Paris au xxe siècle, l’inédit de Jules Verne publié en 1994.

A-t-il eu une grande influence sur la bande dessinée ?

Considérable. Il est une sorte de source qui a irrigué les plus grands, à commencer par Hergé (il suffit de comparer De la Terre à la Lune et Objectif Lune). Plus que les adaptations fidèles, ce sont les variations autour de son £uvre qui sont les plus réussies, comme Le Démon des glaces, de Tardi, ou Mystérieuse, matin, midi et soir, de Forest. Moi-même, lorsque je dessine un dirigeable ou un sous-marin, je suis un enfant de Jules Verne, car c’est lui qui, le premier, a porté un regard lyrique sur le monde industriel. Avec mon scénariste, nous l’avons même fait vivre comme personnage dans notre album L’Enfant penché.

Vous avez été choisi pour concevoir la scénographie de la Maison de Jules Verne, à Amiens. De quoi s’agit-il ?

Avec l’équipe de Bleu Lumière, nous allons recréer certaines pièces comme elles existaient du vivant de Verne, mais également travailler sur l’étonnante tour qui surplombait son hôtel particulier et peindre un gigantesque mur extérieur. Tout devrait être prêt au début de 2006. La première chose que j’ai faite en arrivant, pour m’imprégner de son esprit, a été de m’asseoir devant la petite table sur laquelle il composait ses romans. J’ai regardé par la fenêtre et j’ai vu, à quelques mètres, une ligne de chemin de fer. Alors j’ai eu l’impression de comprendre beaucoup de choses sur Jules Verne, ce voyageur immobile qui regardait passer des trains…

Entretien: J.D.

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