Visages d’une reine

Dans le cadre des festivités liées au jubilé de diamant d’Elizabeth II, soixante portraits de la reine sont réunis à la National Portrait Gallery. Une chronologie visuelle fascinante d’une personnalité emblématique non moins étonnante.

De toute l’histoire de la couronne britannique, Elizabeth II est de loin celle qui a été le plus souvent représentée. Outre son règne d’une exceptionnelle longévité et la foule d’intempéries qu’elle dut traverser, la reine a su gagner l’affection et le respect de toute sa nation. L’institution londonienne s’est donc chargée de rassembler une soixantaine de portraits de la souveraine. Une palette surprenante de tableaux commandés et de clichés non autorisés explorant toutes les facettes de sa personnalité.

Il y a d’abord toutes les représentations des années 1950, époque qui nous livre une image formelle, empreinte d’autorité. Mais les temps évoluent vite, et dès les années 1960, son visage s’adoucit. Les caméras et appareils photo s’invitent à Buckingham. La souveraine pose, souriante, ses enfants dans les bras. Son rôle de maman fait les grands titres. Un tournant pour le moins dangereux s’opère dans les années 1970. La couverture irrévérencieuse de l’album des Sex Pistols – sur fond de drapeau anglais, la reine apparaît yeux et bouche bandés – assimile la royauté à un régime fasciste. Mais la queen résiste à ce désagrément pour le moins anecdotique. La grève des mineurs, les divorces successifs de ses enfants, l’incendie du château de Windsor ou encore la mort de Diana seront des épisodes de sa vie – médiatique entre autres – beaucoup plus critiques.

Eloignés de toute représentation formelle, les plus grands artistes du XXe siècle (Gilbert & George, Andy Warhol, Gerhard Richter…) transmettent leur vision personnelle. Parmi les pièces maîtresses, il y a d’abord cette commande à Lucian Freud. Le peintre ne fait aucune concession. La reine est dépeinte sans flagornerie avec cernes, double menton et visage flétri. Mais ce qu’elle perd en beauté, elle le gagne en humanité. On remarquera aussi le tableau de Justin Mortimer : sur un fond presque trop jaune, l’artiste représente la tête royale flottant à quelques centimètres de son corps. Du côté photographique, notons des portraits d’Annie Leibovitz, de Dorothy Wilding ou encore de Cecil Beaton, sans oublier de souligner un cliché tout particulier : une photographie de Chris Levine immortalisant la souveraine, les yeux fermés. Ce dernier raconte qu’il voulait obtenir une vraie sensation de sérénité. Entre deux prises, il invite son modèle à se reposer et le miracle se produit. Le résultat a quelque chose de magique. Elizabeth II semble très loin, retirée en elle-même… On la sent à la fois impénétrable, fragile mais toujours armée de sa forte personnalité.

L’exposition est également complétée de documents d’archives de natures variées : la reine est vue à travers des journaux, des extraits de films, des timbres-poste jusque dans l’emballage de quelques produits de grande consommation.

Enfin, cet événement a le mérite de rappeler aux négligents qui l’auraient oublié qu’Elizabeth II fut – à l’instar de Diana ou de Kate – une jeune femme d’une grande beauté.

The Queen : Art and Image, National Portrait Gallery, St Martin’s Place, Londres. Jusqu’au 16 septembre 2012. www.npg.org.uk

GWENNAËLLE GRIBAUMONT

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