Olivier Mouton

Bart De Wever doit faire partie du gouvernement!

Olivier Mouton Journaliste

La N-VA pourrait abandonner son visage radical en participant à la Suédoise. C’est le pari du MR. En effet, avec son président en dehors de l’équipe au pouvoir, le parti nationaliste risque de poursuivre ses visées confédéralistes. Mouiller De Wever, n’est-ce pas une nécessité?

Pour ceux qui en doutaient, vu l’étonnante discrétion actuelle du leader de la N-VA, Bart De Wever est bien à la table des négociations fédérales visant à mettre sur pied la Suédoise (N-VA, CD&V, Open VLD et MR). Il s’est rappelé au bon souvenir de chacun via quelques petites phrases anodines, mais significatives, lundi soir, à l’occasion de la projection d’un documentaire en son honneur.

Il y avait pourtant de quoi douter de la vivacité du poil à gratter de la politique belge. Ces derniers temps, ce sont surtout le CD&V et le MR qui se sont illustrés autour de la crisette relative à la désignation de notre commissaire européen et, surtout, au sujet de l’identité linguistique du futur Premier ministre. Selon les derniers pronostics, le Seize reviendrait finalement à la famille libérale, Charles Michel devançant Didier Reynders aux yeux des bookmakers.

Vraiment? Bart De Wever, subodorait-on, éprouverait toutefois quelques difficultés à accepter un nouveau Premier ministre francophone après Elio Di Rupo, cible privilégiée de la N-VA lors de la défunte législature. Un Premier francophone? « Cela reste à voir, rétorque-t-il. Si le contenu est bon, il faut être ouvert à tout. » Est-ce là une façon de brouiller les cartes? Jusqu’ici, l’avis unanime consistait à dire que les nationalistes refuseraient une fonction sacralisant la Belgique, par principe. Cela reste sans doute vrai. Mais après le rififi CD&V – MR, De Wever confirme une chose: le poste de Premier ministre n’est donné à personne, il aura un prix à payer lors des négociations.

Sur le fond, « le moment est peut-être venu de faire ce qu’il faut faire », insiste le président de la N-VA. Il faut cesser d’écouter ceux qui disent non, dit-il, pour réformer le pays. C’est une piqûre de rappel douce à l’heure où, déjà, certains laissent entendre que les mesures prises par la Suédoise pourraient provoquer des mouvements sociaux, voire « des émeutes ». C’est, aussi, une mise en garde discrète à l’encontre du CD&V que l’on sent embarrassé par la force de ses piliers syndicaux et mutuellistes.

Dans la future opposition fédérale francophone (massive: PS, CDH, FDF et Ecolo), on tire la sonnette d’alarme. Les partis flamands, CD&V et N-VA en tête entameraient « la phase de suffocation » pour noyer le MR dans une coalition où il est ultra-minoritaire en lui concédant le poste de Premier ministre pour mieux avoir les coudées franches. Ils envisageraient de revoir de façon larvée le fonctionnement de notre fédéralisme (en touchant notamment à la parité au sein du Conseil des ministres) et n’auraient d’autre objectif que de détricoter la solidarité pour obtenir le confédéralisme.

La discrétion de Bart De Wever, jusqu’ici, était une bonne nouvelle pour la Suédoise, elle était un gage de loyauté de la N-VA. La sortie anodine du leader nationaliste témoigne que son parti reste à l’affût et attend un programme fort illustrant « le changement de droite » voulu par sa base. Elle illustre aussi le fait que, jusqu’ici, et au-delà du fait que ce sera le premier gouvernement sans le PS depuis vingt-cinq ans (ce qui n’est pas rien), le parti nationaliste « n’a pas encore obtenu de grandes victoires symboliques » lors de ces négociations, souligne le politologue gantois Carl Devos. Or, elle devra défendre cet accord devant sa base avant de monter au gouvernement.

Au MR, on assume le choix posé de négocier avec la N-VA en se disant convaincu que cette coalition fédérale permettra de lisser peu à peu la formation nationaliste, de supprimer ses aspects les plus radicaux. C’est un coup de poker. Ses détracteurs affirment, sans doute avec raison, que la N-VA n’abandonnera pas ses objectifs, qu’elle reviendra rapidement avec ses visés confédéralistes.

De Wever doit faire partie du gouvernement fédéral afin qu’il perde cette virginité radicale qui le rend si populaire au nord du pays

Ce qui est sûr, c’est que Bart De Wever restera le poil à gratter de la politique belge s’il reste lui-même hors du gouvernement. Bourgmestre d’Anvers et président de parti, il pourrait à sa guise préparer les prochaines étapes du parti dans sa quête confédérale, dénoncer les politiques menées depuis Namur par le PS tout en critiquant le Premier ministre fédéral, a fortiori s’il est francophone.

Une condition sine qua non de la stratégie du MR n’est autre que celle-ci: De Wever doit faire partie du gouvernement fédéral afin qu’il perde cette virginité radicale qui le rend si populaire au nord du pays.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire