Quand les partis jouent au Monopoly

Qui sont les partis riches ? Pourquoi accumuler de l’argent ? Qui gère ce patrimoine ? Quelques éléments de réponse

Peoplisation  » des débats et influence des gourous du marketing : la politique prend de plus en plus des airs de Star Academy. Mais le jeu électoral ressemble aussi à un grand Monopoly. Les partis brassent en effet des sommes importantes, et leur santé financière peut rapidement évoluer. Car les formations politiques tirent une grande partie de leurs recettes des dotations publiques, qui dépendent elles-mêmes des résultats aux élections. Leur fortune peut donc gonfler en peu de temps, ou fondre tout aussi vite. Comme dans les jeux de société… Ecolo en a fait l’expérience, dans la douleur, après sa défaite de 2003 (voir ci-contre).

Selon les chiffres que les partis viennent d’introduire à la Chambre, l’Open VLD dispose de la caisse de guerre la plus importante : environ 13,6 millions d’euros. Côté francophone, le Parti socialiste arrive en tête avec 11 millions d’euros. Suivent le MR (4,4 millions), le CDH (3,9 millions) et Ecolo (0,8 million).  » Il y a bel et bien des partis riches et des partis pauvres, mais sur un cycle de quatre ou cinq ans, analyse Benoît Rihoux, professeur de sciences politiques à l’UCL. Les partis qui disposent de réserves importantes peuvent opérer des choix stratégiques : engager une rénovation profonde de leurs bâtiments, investir massivement dans la prochaine campagne électorale, ou au contraire se réserver pour la suivante.  » Reste que la situation peut très vite évoluer. Il suffirait ainsi d’une progression minime aux élections législatives de juin prochain pour qu’Ecolo décroche un cinquième siège à la Chambre (il en détient 4 actuellement) : le parti pourrait alors bénéficier d’un groupe parlementaire, donnant droit à une somme rondelette versée chaque mois.

 » En comparaison avec les autres pays d’Europe, les partis belges sont plutôt riches, tout comme en Autriche ou en Finlande, explique Benoît Rihoux. Cela tient au financement public, assez généreux. Mais aussi au fait que les organisations satellites des partis, comme les centres d’études, peuvent également recevoir des subsides.  » N’empêche, pour un parti politique, amasser des fortunes ne revêt pas un énorme intérêt – à la différence des syndicats, dont le trésor de guerre peut servir à financer de grandes grèves.  » Les partis ne sont pas des entreprises privées : leur but n’est pas de dégager des profits, rappelle Jean Faniel, chercheur au Centre de recherche et d’information socio-politiques (Crisp). Leur argent sert à financer les campagnes électorales ou à entretenir un centre de recherche. A part ça, il n’y a pas vraiment d’enjeu pour eux à accumuler des sommes colossales.  » Exception notable : le Vlaams Belang (ex-Vlaams Blok), qui a longtemps cherché à mettre de côté une petite fortune.  » En 2000, ses avoirs étaient chiffrés à 200 millions de francs belges, expose Jean Faniel. Le parti craignait alors d’être privé de sa dotation publique. Il avait donc constitué une sorte de matelas, de manière à pouvoir poursuivre sa propagande, si jamais on lui coupait les vivres.  »

Un autre aspect distingue le Vlaams Belang des autres grands partis : la faiblesse de ses frais de personnel, qui se limitent à 44 000 euros (contre 2,8 millions pour le CD&V, par exemple). Le parti d’extrême droite flamand a décidé de réduire au minimum son travail de recherche, et de se passer d’un coûteux centre d’études. Au contraire, il engage l’essentiel de ses forces financières dans la communication, produisant une masse de tracts, qui inondent en permanence les boîtes aux lettres. Ses frais de publicité frôlent les 5 millions d’euros. Presque trois fois plus que l’Open VLD !

Pour les différents partis, disposer de réserves en liquidités permet par ailleurs de se lancer dans d’ambitieux projets immobiliers. Le MR a investit récemment dans un siège situé avenue de la Toison d’or, plus classieux que ses précédents locaux. Quelques années plus tôt, le PS avait complètement relooké ses bureaux du boulevard de l’Empereur… Il faut avoir les reins solides, financièrement, pour pouvoir assumer de tels travaux. Leurs avoirs, d’ailleurs, ne se résument pas à leurs comptes en banques. Des partis anciens, comme le PS, ont pu se constituer au fil du temps un patrimoine, qui comprend notamment les différentes Maisons du peuple. Au contraire, les partis jeunes – comme Ecolo, la N-VA ou Vivant – ne bénéficient pas de la même  » implantation « , et donc des bâtiments qui y sont liés.

A qui revient la gestion de tout ce patrimoine, qu’il soit financier ou immobilier ?  » Dans mon parti, c’est clairement le président – et lui seul ! – qui gère tout ça, répond un député, sous couvert d’anonymat. Et je pense que c’est pareil ailleurs.  » D’une manière générale, les partis politiques belges sont très centralisés.  » Sur les questions financières, ce sont les présidents qui prennent les décisions stratégiques, avance Benoît Rihoux. Parfois en concertation avec un cercle informel de 4 ou 5 personnes qui comptent au sein du parti.  »

F.B.

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