Une acidification préoccupante

Nos océans deviennent de plus en plus acides. Au risque d’atteindre le niveau qu’ils avaient il y a soixante-cinq millions d’années, quand les dinosaures ont disparu

Deux études récentes et sans relation viennent de parvenir aux mêmes conclusions : les océans sont en train de s’acidifier à toute vitesse. Les modèles informatiques du Pr Ken Caldeira, du département d’écologie globale de l’institution Carnegie (Washington), ainsi que les travaux du Pr Christopher Langdon, directeur du National Center for Carribean Coral Reef Research, montrent que dans moins d’une centaine d’années, le pH (l’acidité) des océans devrait descendre de 8,2 à 7,7. Tout amateur d’aquariums peut le confirmer, cela revient à retrouver tous les poissons le ventre à l’air !

 » Les espèces touchées en premier lieu seront celles qui utilisent le carbonate de calcium pour faire leurs carapaces, comme les coraux, a expliqué le Pr Caldeira lors d’un colloque des sciences océaniques. Aujourd’hui, les eaux de mer en sont saturées, il est donc très disponible. Un océan plus acide le dissoudra plus aisément, le rendant moins facile à obtenir, ce qui présente un risque énorme pour ces espèces.  »

La cause de cette acidification est, une fois de plus, la fâcheuse tendance de l’espèce humaine à dégager des quantités massives de CO2 pour ses besoins énergétiques. Le principe est le même que celui qui est à la base des pluies acides : quand de l’eau entre en contact avec du CO2, une partie du gaz se dissout en elle et forme de l’acide carbonique. Dans des conditions marines normales, cet acide est neutralisé par les sédiments marins, qui jouent le rôle de  » tampon chimique.  » Selon les calculs de ces chercheurs, la quantité d’acide à traiter est aujourd’hui 50 fois supérieure à celle qui est normalement présente et qui provient des sources de CO2 naturelles (volcans, etc.). Dès lors, ce tampon ne peut plus jouer son rôle protecteur.

La dernière fois que les océans ont subi un changement aussi drastique remonte à soixante-cinq millions d’années, lors de l’extinction brutale des dinosaures. Cette acidification semble donc directement liée au cataclysme qui a balayé les grands reptiles. Un événement similaire a  » presque  » eu lieu il y a cinquante-cinq millions d’années, période où la température de la Terre a aussi brutalement augmenté et où de grosses quantités de méthane et de gaz carbonique ont également été relâchées dans l’atmosphère. Il n’y a, en revanche, pas d’indication d’extinction massive à cette époque.

Selon les Prs Caldeira et Langdon,  » si nous n’y prenons garde, nos océans deviendront corrosifs pour les coraux ainsi que pour de nombreuses espèces marines. Ces résultats devraient encourager le développement et l’utilisation de sources d’énergie alternatives, telles que le vent et le soleil, qui permettent de soutenir la croissance économique sans dégager de CO2 dans l’environnement « .

Denis Taquet

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