Démocratie et consensus

Opposition et majorité disent à peu près la même chose. Pourquoi ne pas réunir les meilleurs de tous les partis pour gouverner ?

Jan Houben, Sint-Pieters-LeeuwCette vision de l’organisation de notre vie politique, sans être clairement exprimée, se dessine en filigrane dans la rhétorique présente. Elle sous-tend les discours sur la recherche d’un consensus comme l’objectif de la démocratie. Elle exprime, ce faisant, une conception de celle-ci, propre à tous les conservatismes. Il ne s’agirait plus de gouverner la Cité à travers le débat de citoyens égaux, regroupés dans des partis qui expriment la multiplicité û contradictoire û de leurs intérêts et, donc, de leurs points de vue. Tout se passerait comme s’il était possible de définir scientifiquement ce qu’il faut faire. On en trouve la traduction institutionnelle dans le présidentialisme, le recours aux experts et aux personnalités. Bref, une sorte de scientisme pragmatique qui, s’il exprimait durablement la conviction générale, signerait la fin de la démocratie. En effet, pourquoi débattre, pourquoi opposer des projets différents, pourquoi parler de liberté si les idées de la majorité et de la minorité, pratiquement, se confondent.

Dans cette conception, les gens responsables auront à c£ur de choisir les meilleurs comme on choisit de le faire (en principe) dans une entreprise. Pour cette dernière, cette conception se justifie par sa finalité. Dans la Cité, il n’y a pas une conception unique du bien commun. La divergence des intérêts est évidente. Seule subsiste la volonté d’une méthode commune : le refus de la violence. Cela suppose la liberté et son institutionnalisation à travers le débat, les partis, etc. La suprématie du parlement exprime cette diversité des citoyens dans leurs projets d’organisation de la Cité.

Il est, pour le moins, décevant de voir se développer à travers l’espace démocratique cette conception irénique du consensus. Si majorité et minorité démocratiques sont indiscernables, pourquoi s’étonner si les mécontentements parlent à travers les extrêmes. Quand ceux qui ont la responsabilité de la vie politique démocratique gèrent la société comme une entreprise, comment s’étonner que les projets les plus utopiques ou les plus dangereux soient portés par ceux qui, ouvertement, défient l’ordre démocratique.

Que majorité et minorité soient porteuses de projets différents et que les citoyens, au vu des résultats, puissent trancher en renouvelant leur confiance à ceux qui sont au pouvoir ou le confier à d’autres partis, là est l’important et non les seules qualités (?) individuelles.

Jean Nousse

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