Du sang et des armes

Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Kill Bill (volume 1) marque le retour en fanfare de Quentin Tarantino. Un artificier brillant pour un film d’action explosif en diable !

T he Bride  » ( » la mariée « ) est son nom de code. Tuer est son métier, se venger est sa nouvelle mission. Sortie de plusieurs années de coma, elle n’a pas oublié le massacre perpétré à son mariage par un infâme rival prénommé Bill. Désormais, elle mettra tout en £uvre pour punir le groupe d’assassins que celui-ci dirige. Une tâche sanglante dont l’accomplissement demandera beaucoup d’énergie, de courage, d’habileté létale et de temps. Plus de temps, en fait, que ne permet la durée d’un film commercialement viable. Et c’est pourquoi l’héroïne du nouveau film de Quentin Tarantino n’est qu’à mi-chemin de son parcours vengeur au terme de Kill Bill, premier épisode ! Il nous faudra patienter quelques mois (jusqu’au 24 mars 2004) pour découvrir la suite, mais le bouillant réalisateur de Reservoir Dogs et de Pulp Fiction a fait tellement fort que l’intérêt ne risque pas de baisser d’ici là. Et que sont cinq mois d’attente comparés aux six ans mis par Tarantino pour donner un successeur à Jackie Brown ?

C’est en virtuose que le bouillant Quentin escalade ce nouveau sommet du film d’action armée qu’est Kill Bill (volume 1). Grand amateur du cinéma d’arts martiaux extrême-oriental, Tarantino en a comme distillé les sucs essentiels pour en tirer LE spectacle absolu du genre, un festival de combats et d’affrontements, tous plus violents, colorés et brillamment mis en scène les uns que les autres. La Mariée (ou plutôt la Veuve) y est opposée à des adversaires aussi dangereuses que hautes en couleur, telles Vernita Green (jouée par Viveca A. Fox) et O-Ren Ishii (incarnée par Lucy Liu). Même au féminin, les duels ne ménagent pas les jaillissements d’hémoglobine. Le contraire eût été surprenant de la part d’un Tarantino qui n’a jamais fait mystère de son goût pour une violence que ses deux premiers films cultivaient déjà avec une singulière franchise. L’oreille coupée au rasoir de Reservoir Dogs, la tête explosée dans la voiture de Pulp Fiction balisaient avec éloquence un chemin dont Kill Bill porte les délires très contrôlés à un rare point d’incandescence.

L’horrible et le sublime

Certains rejetteront sans aucun doute cette démarche où domine l’outrance et où le  » mauvais goût  » s’affiche sans fausse pudeur. Ils auront beau jeu de dénoncer dans le film une violence littéralement insensée. De fait, Tarantino ne cherche à donner aucune signification aux sanglants exploits de son amazone, idéalement campée par Uma Thurman. Peu de cinéastes ont à ce point fait de la forme une priorité absolue, négligeant le fond ou intégrant si intimement ce dernier au style qu’il devient absurde d’en questionner les motivations. Kill Bill n’est pas plus une apologie de la vengeance individuelle qu’il ne se fait l’avocat de la violence gratuite. Il embrasse simplement la fascinante matière du film d’arts martiaux, du kung-fu chinois au film de cape et d’épée japonais, pour en nourrir une £uvre personnelle, fourmillant d’invention et d’hommages, pour le plus grand plaisir du spectateur prêt à partager le vertige tarantinien.

Uma Thurman est formidable dans un rôle principal qu’elle investit d’un fol enthousiasme, d’une présence physique extraordinaire et de prouesses athlétiques idéalement chorégraphiées par le réalisateur qui la dirigea déjà dans Pulp Fiction. Derrière la caméra, Tarantino se déchaîne, osant les plans les plus audacieux avec une créativité qui donne à chaque séquence une puissance d’impact inouïe. L’horrible et le sublime s’épousent dans Kill Bill (volume 1) avec une rare évidence, célébrant un art non point pur, mais total dans son refus du cinématographiquement correct, sa liberté farouche et ses obsessions d’auteur explosant sur la toile comme autant de feux d’artifice.

Louis Danvers

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