© FILIP VAN ROE

 » Il était déjà un acteur sur le terrain « 

Matthias Schoenaerts (40) brille dans Red Sparrow mais l’acteur anversois est également un très bon joueur de football. Ailier gauche, il fut l’un des espoirs du Beerschot. Avec ses ex-entraîneurs et son meilleur ami, il nous parle en exclusivité de ses exploits sur les terrains.

Vincent De Saedeleer (40) n’en doute pas un seul instant :  » Matthias Schoenaerts aurait pu devenir footballeur pro.  » Pendant des années, les deux hommes ont formé un duo inséparable dans les équipes d’âge du Beerschot, où ils se sont rencontrés en préminimes.

 » Nous étions les seuls à être présents deux heures avant et après l’entraînement « , dit De Saedeleer.  » Nous tirions vers le but le plus proche de la buvette, pour profiter de l’éclairage. Un jour, j’ai demandé à Matthias de prendre place dans le but. C’est comme ça que nous sommes devenus amis. Nous jouions pendant 20 heures sur tout le week-end. Nous faisions des centres, des concours de penalties ou des challenges de barre transversale. Nous ne rentrions qu’à 22 heures, lorsqu’il faisait noir. Matthias dormait chez moi ou moi chez lui.  »

Sportif

Schoenaerts explique que c’est un voisin qui l’a amené au Beerschot, qu’il pouvait facilement rejoindre en tram. Dès les minimes, De Saedeleer et Schoenaerts ont joué dans la même équipe.  » Nous avons été directement champions. Matthias était toujours gardien. Son père, Julien ( également acteur, ndlr) venait encore le voir. Avant le match du titre, il nous avait dit de nous échauffer. Il pleuvait et il était bien habillé mais il s’en fichait.  »

De Saedeleer affirme que Matthias était un très bon gardien.  » Mais il ne voulait pas rester au but, il aimait trop le ballon.  » Schoenaerts confirme :  » A l’entraînement, je m’amusais bien au but car j’avais toujours quelque chose à faire mais pendant les matches, je m’ennuyais.  » On l’a donc aligné sur le flanc gauche.

 » Les gens affirmaient que j’étais meilleur que lui « , dit De Saedeleer.  » J’étais plus doué techniquement mais Matthias avait un bon centre et une meilleure frappe du gauche. Même en Promotion, je n’ai jamais vu quelqu’un tirer aussi fort que lui. Il était aussi très rapide. Parfois, il y avait des tests de Cooper et nous devions nous entraîner. Mais pas lui. Il était maigre mais très musclé. Un vrai sportif. Il faisait des abdos et de la boxe.  »

Ces deux-là étaient faits pour s’entendre.  » Notre jeunesse ne fut pas rose « , dit De Saedeleeer.  » Le père de Matthias était souvent absent et ses parents ont fini par se séparer. Les miens l’étaient déjà. Matthias s’entendait très bien avec sa mère mais il n’y avait pas de contrôle. Chez moi non plus : nous pouvions rentrer à deux heures du matin et ne pas aller à l’école. Nous étions des enfants de la rue.  »

Schoenaerts approuve :  » J’étais différent des autres jeunes du Beerschot et Vincent aussi. Les autres venaient à l’entraînement avec leurs parents. Nous venions seuls, parfois à vélo, même sous la pluie.  »

Clown

En cadets nationaux, Schoenaerts et De Saedeleer ont été entraînés par Marcel Saey (72).  » Matthias n’était pas un crack mais il parvenait toujours à se distinguer. Il était espiègle, c’était un clown.  » Schoenaerts rigole :  » C’était normal, à cet âge-là. Et c’était sans doute un peu dans ma nature.  »

Mais Saey n’a jamais eu de gros problème avec lui.  » Sauf une fois, à Ostende. Nous logions sur la digue, au 5e étage. Vincent et Matthias sont sortis par la fenêtre pour entrer dans la chambre voisine alors qu’il n’y avait pas de terrasse.

Quand j’ai appris cela, j’ai dit à Matthias que j’allais le remettre dans le train mais il m’a supplié de ne pas le faire. Alors je l’ai gardé mais il n’a pas joué le dimanche.  »

Les autres fois, il était toujours titulaire. De Saedeleer, qui évoluait au milieu du jeu, exploitait ses qualités à merveille.  » Je le lançais en profondeur et il centrait toujours au deuxième poteau où je marquais de la tête. Nous avons inscrit un paquet de buts de la sorte mais Matthias marquait beaucoup aussi. Il prenait son homme de vitesse ou lui faisait un grand pont. Quand il était bien dans le match, il osait tout.  »

Saey :  » Matthias était déjà un acteur sur le terrain. Parfois, il jouait avec les pieds de son adversaire. Il le passait, revenait et le passait une deuxième fois. C’est pour ça qu’il se faisait descendre.  »

De Saedeleer rigole :  » Ça m’énervait. Il faisait même cela dans les grands matches, comme contre Bruges, alors que tout le monde était super préparé. Et lui aussi, il mettait le pied. Parfois trop : il était souvent exclu.  »

Cela n’empêchait pas Schoenaerts de s’imposer dans les séries nationales.  » Je n’irai pas jusqu’à dire que j’étais Lionel Messi mais j’avais certaines qualités « , dit-il.  » Une bonne frappe, notamment. Et surtout, je prenais du plaisir, j’adorais jouer.  »

Extérieur

De Saedeleer :  » Nous jouions en nationaux le samedi et on nous demandait qui voulait jouer le dimanche en provinciaux. Matthias et moi étions toujours prêts. Si on ne pouvait en retenir qu’un des deux, nous nous battions presque. Nous nous amusions beaucoup mieux en provinciaux car le Beerschot était au-dessus du lot tandis qu’en nationaux, notre équipe était une des plus faibles.  »

En scolaires nationaux, c’est Diederik Stickens (63) qui entraînait Schoenaerts et De Saedeleer.  » Matthias est l’un des meilleurs extérieurs gauches que j’aie dirigés « , dit-il.  » Quand il était frais, du moins. Car avec lui, c’était tout ou rien. Il avait déjà une vie en dehors du football. S’il sortait, il ne dormait pas beaucoup et il fallait aller le chercher pour être sûr qu’il soit là.

Souvent, sa mère devait encore le réveiller lorsque nous arrivions. Mais il était très utile, alors je patientais. Un matin, je l’ai trouvé à moitié endormi dans un bistrot près de la cathédrale : il n’était pas encore rentré. Il m’a donné du fil à retordre mais je l’aimais bien car il était raffiné et poli.

Lui et De Saedeleer, il fallait les prendre comme ils étaient : c’étaient des gamins de la rue, espiègles. Matthias faisait souvent des graffitis dans les tribunes, sur les panneaux publicitaires, aux Wilrijkse Pleinen… Bref, partout où c’était interdit.  »

Jean Clarijs (56) :  » Mais quand il faisait une bêtise, il savait mettre les gens dans sa poche par une mimique. Il s’expliquait et on avait envie de le croire. Il apportait du bonheur aux gens mais il était indiscipliné. Si une vitre était cassée, c’était lui. Des dégâts dans les douches ? Schoenaerts ! Mais aujourd’hui encore, alors que les années ont passé, il est toujours le premier à dire bonjour quand il me voit : Ça va, coach ? Ça en dit long sur lui.  »

Gaucher

Clarijs fut le dernier entraîneur de Schoenaerts au Beerschot. Avant de jouer dans son équipe, l’acteur avait déserté le club pendant quelques années.  » Il passait beaucoup de temps à faire des graffitis « , dit De Saedeleer.  » Nous avions fait de mauvaises rencontres et nous étions un peu dans l’impasse. Nous ne jouions plus au foot qu’au parc. A 19 ans, Matthias est retourné au Beerschot et il a été champion avec Clarijs.  »

Clarijs :  » Matthias était gaucher et ailier. C’est ce qui faisait sa particularité. Mais il ne rêvait pas de devenir footballeur pro.  » Schoenaerts secoue la tête.  » A un certain moment, j’étais proche de la Première mais des tas de gens ont alors commencé à me dire ce que je devais faire. Je sentais de la pression, une sorte d’autorité qu’on voulait exercer sur moi mais ça n’a jamais marché avec moi. Je fuyais.

Du jour au lendemain, je suis parti jouer dans une équipe de café. Je crois que la vie de joueur pro est beaucoup moins excitante qu’on le pense généralement. Combien de footballeurs sourient à l’interview ? Seuls les tout grands ! Eux, ils s’amusent. Tous ceux qui jouent à un niveau inférieur m’ont l’air dépressifs.  »

Clarijs n’est pas étonné que Schoenaerts n’ait pas tout fait pour devenir footballeur pro.  » Tout ce qu’il voulait, c’était taper dans le ballon. Que ce soit devant 10.000 personnes ou sur une porte de garage, c’était pareil pour lui.  »

De Saedeleer approuve :  » Même le genre de ballon importait peu. Il a toujours joué avec des balles de tennis. Quand il était jeune, il en avait toujours une en poche. En attendant le bus, il se mettait à jongler. Le foot, pour lui, c’est un mode de vie. Où qu’il soit, il veut taper dans la balle. En 2014, nous sommes partis ensemble à la Coupe du monde au Brésil. Le matin, il me réveillait pour aller jouer sur la plage. Quand nous étions jeunes, nous emmenions un ballon pour aller en ville, le samedi après-midi. Nous nous placions chacun d’un côté du Meir et nous slalomions entre les gens. Le premier qui arrivait au bout de la rue balle au pied avait gagné.  »

Matthias Schoenaerts au côté de son ancien entraîneur chez les jeunes du Beerschot, Jean Clarijs, lui-même flanqué du grand ami de l'acteur, Vincent De Saedeleer.
Matthias Schoenaerts au côté de son ancien entraîneur chez les jeunes du Beerschot, Jean Clarijs, lui-même flanqué du grand ami de l’acteur, Vincent De Saedeleer.© PG

Mini-foot

Alors que sa carrière internationale d’acteur décolle, Schoenaerts aime toujours taper dans la balle, même lorsqu’il est loin d’Anvers.  » Cela me démange toujours et je n’abandonne pas, c’est trop chouette. J’aime sentir la balle, centrer, faire une longue passe… Impossible de m’en passer.

A New York, j’aime aller à China Town où il y a une petite place sur laquelle on peut jouer au foot. Quand j’ai du temps libre et qu’il fait beau, il n’y a rien de plus chouette que de jouer avec les Chinois. A Los Angeles, ce sont les Mexicains. Partout dans le monde, on trouve des gens qui veulent jouer au foot.  »

En Belgique, Schoenaerts est toujours affilié à un club de mini-foot et à une équipe de vétérans mais son agenda est trop chargé. Quand il est chez nous pour quelques jours, il invite d’anciens équipiers. De Saedeleer nous montre un SMS que Schoenaerts lui a envoyé : Quand est-ce qu’on joue au foot ?

 » Jonas Van Geel ( acteur et présentateur-TV) est également un de ses meilleurs copains du foot « , dit De Saedeleer.  » Parfois, nous faisons des quatre contre quatre : Jonas et Matthias jouent avec les gens de la ville tandis que je joue avec ceux de la banlieue. Si un jour vous rencontrez Matthias, demandez-lui d’ouvrir le coffre de sa voiture. Vous y trouverez des cônes, quelques ballons, une paire de gants de gardiens et de protège-tibias.  »

Schoenaerts approuve :  » Et une pompe. Très important ! S’il y a bien quelque chose que je déteste, c’est de shooter dans un ballon plat.  » (il rit)

Schoenaerts & Co jouent où bon leur semble.  » Je me rappelle qu’une fois, la police nous a jetés des Wilrijkse Pleinen « , dit De Saedeleer.  » Le genre de truc que Matthias ne comprend pas. Ça l’a énervé : Vous trouvez ça normal de ne pas nous laisser jouer ici ? Vous devriez avoir honte. Des cas comme celui-là, il y a en a également eu lorsqu’il était au Beerschot.  » Parfois, on réensemençait les terrains et ça coûtait très cher, alors on ne pouvait pas jouer « , dit Clarijs.  » Mais qui y allait quand même ? Schoenaerts ! Toujours Schoenaerts !  »

Bêtises

De Saedeleer rigole :  » Nous n’étions pas à une bêtise près. Un jour, nous avons été pris en train de voler des équipements d’entraînement dans la buanderie. Ils étaient réservés aux plus grands et nous aurions voulu en avoir. Entre l’âge de 12 et 14 ans, nous entrions régulièrement par effraction au stade du Beerschot pour jouer sur le terrain principal jusqu’à ce qu’il fasse noir. Nous avons fait ça chaque semaine pendant des années. Ludo, le concierge, venait régulièrement nous chasser mais à la fin, il restait dans son salon car il savait que nous reviendrions.  »

Matthias Schoenaerts (debout, le deuxième à partir de la droite) avec les cadets provinciaux du Beerschot, en 1991. Il avait alors 13 ans.
Matthias Schoenaerts (debout, le deuxième à partir de la droite) avec les cadets provinciaux du Beerschot, en 1991. Il avait alors 13 ans.© GF

Les bons vivants

Après le Beerschot, Vincent De Saedeleer et Matthias Schoenaerts ont joué ensemble dans d’autres clubs.  » D’abord à Oude God et au SK Wilrijk « , dit De Saedeleer.  » Mais nous n’y trouvions pas le plaisir que nous cherchions. Vers l’âge de 25 ans, nous avons décidé de créer notre propre club à la fédération sportive catholique : De Bourgondiërs. (Les bons vivants, ndlr). Là, nous nous sommes bien amusés, ce furent les plus belles années de notre vie d’adulte sur le plan du football. Pour Matthias, c’était le rendez-vous le plus important de la semaine, même s’il arrivait en retard, comme il l’a fait toute sa vie. Souvent, au moment où l’arbitre sifflait le coup d’envoi, on entendait Matthias crier : Eh, les gars, c’est où le vestiaire ? « 

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